Les jérémiades des femmes du marché Dantokpa venues hier soir au Chant d’Oiseau pour manifester leur amertume face à la déliquescence de la situation socio-politique, sont assez évocatrices de l’ampleur prise par la crise socio-économique actuelle.
Partout où on passe, il n’y a donc qu’un seul refrain : « notre pays va mal ». Dans cette morosité ambiante, une manifestation culturelle pompeuse où sont invités des rapeurs venus de la France et où les tickets d’entrée coûtent les yeux de la tête pourrait paraître bien comme un luxe, une entreprise osée, bourgeoise et même inutile. Ce fut le cas du festival « Talents d’Afrique » qui a connu la présence des célébrités du monde de rap et du Rnb invités depuis la France. C’était vraiment une promotion de talents. Et même si ceux-ci ne sont des noirs sans être des africains, il faut saluer la grandeur de l’idée du promoteur qui a réussi à faire descendre chez nous des stars du rap. La fierté s’estompe quand on regarde tout autour de nous la misère qui ronge des milliers de béninois. Mais l’histoire de l’humanité nous renseigne que les œuvres les plus grandes, les projets les ambitieux ont été souvent réalisés en période de crise. Que le roi Louis XIV, le roi Soleil a fait construire le Château de Versailles-symbole jusqu’à ce jour de la fierté et de la grandeur françaises- alors qu’une famine décimait la France. Bon vent donc au promoteur de « Talents d’Afrique », peut on dire en passant lentement notre chemin. Seulement, quelque chose nous amène à nous arrêter et nous questionner. C’est le promoteur lui-même. Qui est-il ? Le festival « Talents d’Afrique » est une initiative de la société Panthéon Entertainment, une société créée en 2010 par Chabi Yayi, le fils cadet du président de la République. Pas très connu comme son frère aîné Nasser, Chabi est très influent dans les arcanes du pouvoir. Pour avoir les moyens de cette manifestation pompeuse, Panthéon Entertainment a reçu des sponsors des sociétés d’Etat. Bénin Télécoms a financé ce festival à hauteur de 15 millions. D’autres sociétés d’Etat ont également financé cela. Au total, des dizaines de millions ont été pompés des caisses de ces sociétés qui traversent toutes des difficultés financières actuellement. Personne n’ignore que Bénin Télécoms actuellement est dans une situation difficile et assure difficilement ses charges de souveraineté. Dans ces conditions, on se demande si ces sociétés en difficulté pouvaient accorder des sommes importantes de sponsoring si le promoteur de ce festival ne s’appellent pas Yayi et s’il n’était pas le fils du Chef de d’Etat. Un tel projet culturel n’est pas aussi nouveau que ça sous nos cieux ici. A défaut de s’en passer, le promoteur pouvait chercher des sponsors étrangers et même chercher à profiter un peu du Fonds d’aide à la culture et le milliard culturel.
Et voilà notre République, une république où un fils du Chef de l’Etat peut se payer le luxe de mobiliser des dizaines de millions des caisses des sociétés l’Etat en pleine période de crise et où paradoxalement et curieusement son père, président ne reçoit pas le moindre kopeck des caisses de l’Etat.