Elles commencent, toutes les trois, par la lettre « P ». Ce sont les trois grandes victimes de l’actualité nationale de ces derniers jours. Il s’agit de la politique, de la parole et de la paix.
Trois principes majeurs auxquels, pourtant, nous devons tenir comme à la prunelle de nos yeux.
La politique est mise en spectacle. Elle n’avait plus déjà bonne presse. Qui dit politique, en effet, dans l’entendement du plus grand nombre, dit magouille, grenouillage et tripatouillage. Voilà que nous lui faisons jouer le plus mauvais rôle dans un spectacle du plus mauvais goût.
La parole est galvaudée, c’est-à-dire avilie et salie par un usage excessif, démesuré, détourné. Nous n’avons même plus un soupçon de nostalgie pour cette Afrique de nos pères et de nos grands pères. Dans cette Afrique-là, on savait ce que parler veut dire. La parole, en effet, était un bien précieux. Elle engageait la vie d’un être humain. Les Bambara du Mali ne s’y sont pas trompés (Citation) : « La parole est sang, disent-ils, souffle pur de la chair mûrie de ses fibres » (Fin de citation)
La paix est menacée. Cette paix que le Bénin a gagnée de haute lutte, après avoir été sujet, des années durant, à moult remous et remises en questions. L’enfant malade de l’Afrique que nous fûmes a fait entendre au monde le cri de sa guérison : «Nous avons vaincu la fatalité». Et notre pays, depuis plus de deux décennies, en attendant de vendre le pétrole au monde, vend la paix à toute l’Afrique. Une paix que nous avons cru définitive, irréversible au point que quelques zélés parmi nous ont pu croire et faire croire que le Bénin est un pays béni de Dieu. Un pays à l’abri de tout danger. Revenons sur chacun de ces trois principes.
La politique d’abord. On la définit, étymologiquement, comme tout engagement public qui concourt à la construction de la cité. Or, la toute première cité à construire, c’est chacun de nous. Pour dire que notre édification individuelle, en conscience et en confiance, en droit et en devoir, en liberté et en responsabilité, préfigure la construction de notre patrie. Celle à laquelle nous nous identifions. Celle à laquelle nous nous référons. Celle pour laquelle nous sommes prêts à tous les sacrifices.
Quel est donc cet appel impie qui ne nous invite pas à nous fondre et à nous confondre dans l’obligation de construire notre commune patrie, mais à nous préparer à nous affronter ? Nous cherchions désespérément à nous mettre en ordre de bataille pour le développement. Voilà qu’on nous demande de nous bander les muscles pour nous entretuer. Que gagnons-nous en nous confrontant ? Que construisons-nous en nous entretuant ? Voilà comment la politique, pour s’être détournée de son objet, détruit une cité qu’elle s’est donnée, pourtant, pour mission de construire. De ce fait, la résurgence d’une intolérance manipulée, qui met en scène des hommes de main, n’est que le signe avant-coureur d’un pourrissement de la vie politique. Il faut y mettre bon ordre, avant qu’il ne soit trop tard.
La parole ensuite. Ils ont péché par excès, tous ceux de nos compatriotes qui se l’ont accordée, à travers notamment le relais hyper puissant de la télévision, à l’ère des réseaux de communication interconnectés. Nous avons universalisé, en la portant aux quatre coins du monde, notre querelle domestique. Si les uns et les autres savaient vraiment ce que parler veut dire, ils n’auraient pas été indifférents à la densité de ces pensées. La première : «Le silence est plus éloquent que n’importe quelle réponse. Outre qu’il nous honore, il nous fait l’économie d’une dispute. ». La seconde : « Ta langue est un lion : si tu l’attaches, il te gardera ; si tu le laisses échapper, il te dévorera ». La troisième et la dernière : « Il y a un temps pour ne rien dire ; il y a un temps pour parler ; mais il n’y a pas un temps pour tout dire ».
La paix, enfin. Il va sans dire que si la politique devient synonyme de guerre et que nos paroles acquièrent la puissance meurtrière des balles que l’on tire ou des bombes qui explosent, c’est la paix qui est cause. Elle est dangereusement menacée. Et nous aurions commencé par solder notre compte dans le grand livre de la bêtise humaine. A tout bien considérer, nous devons cesser de nous faire peur. Les Béninois aiment leur pays, comme ils disent que Dieu aime le Bénin. Car, il n’est aucun Béninois pour porter le poids du crime de se faire l’assassin de l’avenir du Bénin.