Note de lecture de Robert Asdé sur «La Sainte ni touche» de Adélaïde Fassinou

 

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Auteur de plusieurs nouvelles et romans dont Modukpè, le rêve brisé (roman, Editions l’Harmattan, 2000), Yémi ou le miracle de l’amour (roman de jeunesse, les Editions du Flamboyant, 2000), Jeté en pâture (roman, l’Harmattan, 2005), Les Bénis des dieux et les autres (nouvelles, Editions TomioPublishing House, 2007), l’écrivaine Adélaïde Fassinou vient de publier sa dixième œuvre : La Sainte ni touche, aux Editons Odette Maganga.

La Sainte ni touche présente un ensemble de correspondances échangées entre femmes. Il s’agit d’une mère de famille qui abandonne époux et enfants pour aller poursuivre des études à l’étranger. Elle découvre l’Europe et la France pour la première fois et rend compte de ses nombreuses surprises à son amie médecin qui est restée au pays. C’est donc une œuvre épistolaire qui relate la vie et le parcours d’une femme combattante. Une femme qui, ayant le désir d’avoir régulièrement les nouvelles de son pays, établit un sérieux point de contact avec Anita, son amie d’enfance. Au cours de leur communication, Madjêkodumi, la héroïne a mis au grand jour les correspondances qu’elle échangeait avec son amie et a finalement l’idée d’en faire un roman: La sainte ni touche, un condensé de 11 mois de lettres, s’apparentant fort à une œuvre autobiographique.

Dans les premières lettres, Madjêkodumi encore appelée Dumi fait part à son amie Anita de son émerveillement lorsque ses pieds foulent pour la première fois le sol de la France. Toutes les belles lumières des villes vues du hublot de l’avion sont d’un charme exceptionnel pour Dumi. Mais très tôt, l’intensité de l’émerveillement de Dumi s’est heurtée à la légèreté des mœurs, caractéristique de la culture occidentale.

Depuis Dijon, ou Dumi est installée pour la rédaction de sa thèse de doctorat, elle se posait des questions sur l’utilité de ses études pour le continent africain. A quoi lui servirait une thèse en grammaire en matière de développement? Elle n’avait pas fini de répondre à cette question quand elle remarque qu’à tous les coins de la rue il y avait des jeunes gens qui se tiennent par la main ou qui s’embrassent dans le bus. Ces scènes qu’elle qualifiait d’indécentes l’on contrainte plusieurs fois à détourner son regard afin d’échapper au choquant spectacle.

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Dans ses correspondances, Dumi attirait l’attention de son amie Anita sur le monde grouillant qu’il y a constamment dans les rues. Lorsqu’elle fait un tour à Paris, le constat est encore plus frappant. Il y a tellement du monde dans les rues. A Dijon où elle étudiait, elle a vu des supermarchés; mais à Paris c’était plutôt des hypermarchés avec des quantités inimaginables de produits de tout genre qui s’engouffrent dans les caddies des consommateurs. Sans oublier la nature des services, le self-service, la machine à remplacer l’homme, on fait tout avec les cartes de crédit. Face à l’individualisme très poussé, et aussi à la déchristianisation caractéristique de la culture occidentale où l’on ne trouve que des églises remplies de vieillards, Dumi a dû lutter aussi contre le froid de l’hiver ses premiers mois à Dijon. Par la suite, ses recherches dans les bibliothèques ont tôt fait de lui faire oublier le froid et la solitude.

On est en juin, c’est bientôt les vacances à Dijon, le temps est chaud. Ce temps offre un avantage aux étudiants, l’occasion de faire des jobs de vacances. Dans sa lettre de ce mois, Dumi revient sur la mésaventure de son amie Anita avec son mari. Une fois encore, elle fait une comparaison entre la nature des hommes africains et ceux qu’elle a vus à Dijon et à paris. Ils ont bien en commun cette culture machiste. Anita a fini par quitter le domicile conjugal pour ne pas y laisser sa vie. Et depuis, elle vit dans l’abstinence et la dévotion aux malades car elle est docteur en médecine. D’où son surnom, «la sainte ni touche», qu’est le titre que porte le roman.

En Août, les vacances tirent vers la fin. Dumi dans son échange de ce mois avec Anita a reçu les nouvelles du pays, la révolte des syndicalistes, le système de l’avancement au mérite, et relate à Anita tout le tapage autour du Pacs (Pactes Civil de Solidarité) qui justifie l’existence des lois sur les couples homosexuels en France.

Octobre, Dumi fête son anniversaire, ses amies ont pensé à elle sauf une. En Novembre, elle soutient sa thèse et pense rentrer au pays. Sa sérénité prit un coup lorsqu’une lettre anonyme lui parvient. Lettre rédigée des mains d’une femme et la mettant en garde contre une surprise désagréable venant de la part de son mari vu qu’elle a fait tout ce temps loin du foyer.

Dumi est rentrée. Son cher époux et sa meilleure amie l’ont accueillie avec joie. Elle a le bonheur de découvrir que son époux l’attendait impatiemment. A son tour, elle fait une démonstration publique d’amour au grand bonheur de son époux. Chose vraiment étrange pour l’africaine qu’elle est.

Découvrir les mœurs occidentales sans copier

La Sainte ni touche est une littérature féminine, typiquement béninoise. Elle parle de la femme de chez nous dans son souci d’émancipation et d’accomplir une autre mission que celle du foyer que lui a confiée l’Afrique traditionnelle. Quitter l’Afrique pour aller poursuivre ses études supérieures en Europe n’est pas chose très aisée pour une femme africaine, mère et épouse. Mais ce pari, Madjêkodumi l’a gagné. Et cela lui a permis de découvrir d’autres réalités et mœurs sans qu’elle n’en soit influencée. Au contraire, elle dénonce toutes pratiques et manières qui sont incompatibles avec celles de l’Afrique.

Ce roman épistolaire est intéressant par son style. Les lettres sont rédigées dans un français courant et agréable à lire. A l’instar de son aînée Mariama BA, avec Une si longue lettre, Adélaïde Fassinou vient de faire œuvre utile dans la littérature féminine, par ce genre auquel s’inscrivent peu d’auteurs. Elle a aussi le mérite d’être la seule écrivaine béninoise qui a à son actif une abondante production littéraire. Puissent les lecteurs accorder un intérêt à La Sainte ni touche!

Cotonou, le 05 juillet 2012.
Robert Asdé
Président de l’Association Aiyé Culture
Email : aiyeculture@yahoo.fr

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