Décryptage d’une symphonie inachevée

Nous vivons des temps difficiles. Les déclarations à l’emporte-pièce des responsables politiques alimentent un débat plutôt brouillon. Ce sont là des symptômes qui ne trompent pas. Le ver est dans le fruit.

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La République est malade. Nous devons nous en préoccuper. Nous devons être à son chevet. Toute attitude contraire s’apparenterait à de la non assistance à personne en danger. De quoi souffre la République ? Elle souffre d’une intolérable cacophonie. Beaucoup de voix s’élèvent et parlent à la fois.  Chacune de ces voix tente de se hausser au-dessus de l’autre. Résultat des courses, un charivari du diable agresse nos oreilles, une incohérence monstre choque notre bon sens. Le désordre est total. Bienheureux qui pourra y comprendre quelque chose.  

Ce chant païen qui remplit la cité est l’œuvre de ceux qui sont censés nous éclairer, mais qui semblent avoir choisi de nous embrouiller.  Les « Hauts parleurs » se renvoient la balle, sinon la parole,  dans un show époustouflant. Les spectateurs que nous sommes, n’ont plus qu’à  compter les coups. Un peu à l’image de ce qu’on donne à voir au catch. Il s’agit de cette forme de lutte spectaculaire à souhait, mais codifiée en fait. Les gens préposés à assurer le spectacle sont dans des rôles précis et dans la peau de personnages déterminés. Quelle lecture faire de cette foire à la parole ?

C’est simple : tous ceux-là qui ont jugé et jugent utile de faire entendre leurs voix, ces jours derniers, ont brillé et brillent moins par la force de leurs arguments que par la virulence de leur propos. Ils n’ont pas beaucoup d’idées à semer. Mais ils ont le carquois plein de flèches à décocher. C’est le signe patent qu’on ne nous convie point à un débat, mais à un combat. Lecture décomposée d’un combat à trois temps.

C’est d’abord que les protagonistes sont incapables de garder leur sang-froid. La passion doit être effectivement une bien mauvaise conseillère. Les hostilités s’engagent sans sommation. Et celui qui tombe le premier est envoyé à la casse sans rémission. C’est bien le lieu de parler de KO. Il se trouve qu’à ce jeu, les mots des uns sont allés plus loin que leurs idées, les propos des autres n’ont pas fidèlement traduit leurs   pensées. D’autres ont dévalé en deux temps trois mouvements la pente savonneuse des déballages. Ils se sont brûlés au passage, en brûlant ce que, pourtant, ils avaient adoré, hier.

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Globalement, nos « Hauts parleurs » n’ont pas été assez calmes et sereins. Des coups désordonnés. Des gestes imprécis. La technique de combat inefficace. Cela révèle beaucoup d’amateurisme. Cela témoigne d’un manque d’entraînement. Cela donne le sentiment qu’on veut finir le job au plus vite, en terminant l’adversaire au plus tôt. Le parfait exemple d’une symphonie inachevée. Un bâclage innommable qui vous laisse sur votre faim.

C’est ensuite que les protagonistes ne savent pas se mettre au-dessus de la mêlée. Les uns et les autres ne se sont pas foulé la rate pour prendre de la hauteur. Il est une denrée que tout le monde a oubliée ou ignorée : le silence. Que gagne-t-on à se salir les mains dans un combat de chiffonniers, à moins d’en être un. C’est vrai qu’un éboueur trop propre devient vite  suspect aux yeux des autres éboueurs. La saleté est  ce qu’il a à partager le plus et le mieux avec les autres. Beaucoup de spectateurs auront guetté, mais en vain, quelque signe de dépassement et de grandeur. Qu’on se souvienne de l’exemple du Président Kérékou. Le silence qu’il a su observer face aux attaques d’une certaine presse a contribué à casser la plume de plus d’un journaliste. « Insultez-moi, a-t-il dit. C’est tant mieux si cela vous aide à vendre vos journaux ». Ce même silence affiché par le Président Kérékou a réduit à néant deux ouvrages de Janvier Yahouédéhou. Il s’agit de deux brûlots destinés à réduire à néant la gestion du général. La cible visée, par le silence, a retourné la flèche à l’envoyeur. 

C’est, enfin, que par les cris, les protestations, les menaces des victimes supposées ou collatérales, nombre de combattants ordinaires s’auréolent déjà d’une aura extraordinaire. Des héros vont pulluler bientôt dans les rues de Cotonou. En attendant que des étoiles préfabriquées ne viennent éclairer le ciel sombre de notre pays aujourd’hui meurtri. C’est vrai que toutes les guerres ont leurs anciens combattants. Mais tous les anciens combattants n’ont pas combattu le bon combat.

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