Libération : lundi 27 août 2012, page 23.
REBONDS :
«Oui Hollande doit aller à Kinshasa.»
«La francophonie sera économique et africaine.»
Si un Africain pouvait intervenir dans les débats ainsi ouverts, de prime abord j’attirerais l’attention du Directeur et du Rédacteur en chef sur trois documents dont ils feront usage, s’ils veulent que le public soit au fait des méthodes de la politique de la France en Afrique francophone ; je soulignerais ensuite que les responsables de Rebonds invoquent systématiquement des prétextes pour étouffer mes interventions politiques ; enfin, écrivain africain francophone résident en France depuis 1948, Libération m’ignore;qu’à cela ne tienne : en 1986 , quand Wole Soyinka a eu obtenu le prix Nobel de littérature, le journal s’était adressé au quidam francophone dont il publia les appréciations.
Ecrivain africain dont les créations sont essentiellement souchées sur des données d’anthropologie sociale et culturelle du terrain objectif, je fais observer :« Oui Hollande doit aller à Kinshasa » recèle un piège ourdi de ficelle un peu grosse ; il va sans dire que, fin politique, François Hollande n’a cure des leçons pour agir autrement dans le bourbier et le ghetto de la politique africaine de la France .
Eu égard à l’interview du candidat François Hollande à Afrik.com , le Bénin – mon pays natal – eût été proposé pour le prochain Sommet de la Francophonie, je n’hésiterais pas à m’exprimer comme je le fais ici, parce que la « réélection » de Monsieur Thomas Yayi Boni, qualifiée de KO, est une forfaiture avérée que je suis le premier à avoir dénoncée : il ne relève pas des normes et devoirs de la Francophonie de cautionner la politique des dictateurs, les dénis de démocratie, les violations des droits de l’homme et les corruptions, etc., devenus l’idiosyncrasie de nombre de chefs d’Etat africains francophones.
En 1966 ou 1967, hôte à Montréal du regretté Jean-Marc Léger, j’avais assisté aux premiers pas de cette Institution ; j’y avais confiance en pensant que son intégrité ferait obvier à des agissements préjudiciables des premières années des « Indépendances » africaines. Berné ! Peu importe : à François Hollande seul de peser le pour et le contre de son interview afférente à sa politique de la France en Afrique francophone et de décider d’aller à Kinshasa ou de s’abstenir, en se faisant représenter par les ministres Laurent Fabius et Aurélie Filippetti :la France, ni aucun pays du Nord, ne saurait se désintéresser des colossaux atouts économiques du Zaïre, qui, à l’instar de bien d’autres pays africains, a le devoir de ne pas sous-estimer les pas de danse bien cadencés de la Chine.
Le piège de l’éventuelle présence du président de la République française au problématique Sommet de la Francophonie à Kinshasa est aussi l’évidence des jalons- courroies de FrançAfrique qui truffent la Francophonie ; j’en ai repéré des artistes en 2004, quand le président Abdou Diouf m’a eu fait l’insigne honneur de m’inviter au Sommet de Ouagadougou ; je n’y ai pas fait la moindre allusion dans ma lettre de remerciement ; écrivain, je m’étais contenté d’exprimer mon indignation de n’avoir trouvé aucun ouvrage d’écrivains africains dans les Bibliobus visités le long des avenues en compagnie de ma femme (Normande, ancienne institutrice) ; ni le magnifique Crépuscule des temps anciens de Nazi Boni, ni un seul livre de Joseph Ki Zerbo, immense historien internationalement apprécié, ni tel ou tel roman de Monique Ilboudo, alors ministre ; ma colère a eu droit à un petit rire gloussant de Josephh Ki Zerbo venu nous voir à l’hôtel ; hôtes à dîner dans son village, avec un journaliste parisien, Monique Ilboudo n’a soufflé mot de ma surprise et de mon amertume au sujet de l’absence d’ouvrages d’écrivains africains, voire Bukinabés, même quand le Somment de la Francophonie avait lieu à Ouagadougou.
« Intolérable, honteux, inadmissible », devait déclarer Guy Penne à qui j’ai fait part de mes sentiments.
La francophonie sera économique et africaine.
À coup sûr, si l’on veut nous faire pouffer ou hausser les épaules : Senghor le savait, me l’avait dit et le souligna à maintes reprises : « la Francophonie fait progresser la langue française en Afrique ; les langues africaines flexibles ne doivent pas en pâtir »
En 1966, à Dakar, je discutais avec Gabriel d’Arboussier quand il intervint tout sourire : « …les grands Blancs sont singuliers ; ils ne travaillent guère pour le français en Afrique où les Africains sont plus…dirais-je utiles ? »
D’Arboussier d’enfoncer le clou avant de rire : « nous savons le dévouement d’Africains plus compétents que les petits et les grands Blancs… »
Abdou Diouf n’ignore pas les constats de nos aînés ; il sait aussi que « la France n’a que des intérêts » ; le constat n’émanant pas d’un mauvais Nègre, la Francophonie sera économique, bien plus pour la France que pour les pays africains francophones d’autant plus gangrenés par le système FrançAfrique que, çà et là, il jouit de la compromission des « renégats » africains.
Le nouveau président de la République française se rebellerait-il s’il allait à Kinshasa ? On sait la supercherie de son prédécesseur au Bénin, son arrogant, son insolant et humiliation qu’il avait assenée à l’Afrique à Bamako ; qui oublierait le style barrésien de son innommable allocution à Dakar, parsemée de poncifs racistes à la Hegel ? François Hollande préfèrerait-il la subversion en invitant sans ambages le chef de l’Etat zaïrois à choisir entre la dictature, le déni de la démocratie, la corruption et une coopération utile à son pays ?
En 1996 ou 1997, l’opposition de la CFD à une Société béninoise dont le but était l’utilisation industrielle de l’huile de palme dans l’immobilier m’a fait interroger l’ambassadeur de France ; en 2011, au Togo comme çà et là en Afrique perdure le barrage français contre des initiatives d’Africains en Afrique.
Il y aura bientôt 20 ans, je fis paraître dans la presse béninoise un article intitulé : « Et si nous sortions de la Francophonie ? » Dès le lendemain, le Béninois, représentant de l’Institution, me rendit visite et reconnut la pertinence de mes griefs ; je dirais aujourd’hui : hormis les compradors, les rampants des couloirs ministériels et des journaux de France, rarissimes sont les écrivains africains francophones qui ont leur place ou leur mot à dire dans la Francophonie considérée comme une propriété de l’Hexagone ; qu’on se souvienne de la levée de boucliers et de tomahawks dans un clan politique reprochant à Marie Ndiaye de n’avoir pas obtempéré au devoir de réserve ; je n’avais jamais vu une telle manifestation au sujet d’un Français bon teint ; tout écrivain africain francophone qui aurait obtenu le prix Goncourt ou tout autre prix littéraire français serait-il, de jure,assimilé à un fonctionnaire d’Etat ?
La Francophonie ne sera jamais africaine tant que les créations littéraires de tous les écrivains africains francophones ne seront pas disponibles dans les bibliothèques des Instituts ou Centres culturels français en Afrique francophone ; or il y a des exclusives, des collusions politiques, voire, avec des intellectuels ou écrivains africains, chiens couchants des Instituts et Centres culturels français ; sous réserve de leur anonymat, j’affirme que des étudiants des universités du Bénin, de Côte d’Ivoire et du Zaïre font état de « l’absence » de « inexistence des livres de Mongo Beti et d’Olympe Bhêly-Quenum dans les Instituts français »; aussi m’arrive-t-il d’offrir mes livres appropriés à des étudiants qui préparent leur « Mémoire de Maîtrise » dont ils me communiquent le plan !
La connaissance ainsi que la mise en pratique de plus d’un chapitre de Notre cause commune qu’on appelle aussi Rapport Tony Blair, seraient plus utiles à la Francophonie que les faux rapports que contredisent, voire démentent les réalités du terrain objectif.
Si, jouant cartes sur table, le président François Hollande se décidait à chasser les marchands du Temple de la Francophonie, immense fromage grouillant de souris et de rats chauves, sa présence au Sommet de la Francophonie au Zaïre ne serait pas un coup d’épée dans un marigot peuplé de crocodiles increvables.
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