Poursuite pénale des cadres limogés dans le dossier port sec de Tori : le Plateau d’Abomey implore l’indulgence de Yayi et de la Justice

Lors d’une conférence de presse qu’ils ont animée ce vendredi, les responsables de Convergence pour la Nation et le Développement et l’alliance Fcbe se sont prononcés sur les limogeages dans le dossier port sec de Tori, la correction de la Lépi et des prises de position de certaines personnalités politiques de la mouvance. C’était au Codiam, à Cotonou.

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Pardon

Pour une affaire de pots de vin perçus dans le cadre du projet de construction d’un port sec à Tori Bossito, le Président de la République a limogé, voilà il y a quelques semaines, trois de ses collaborateurs, supposés « corrompus ». Ce sont le Secrétaire général de la présidence, Edouard Ouin-Ouro, le Directeur général du port, Joseph Ahanhanzo-Glèlè et le Directeur de cabinet du ministre de l’Economie maritime, par ailleurs président du Conseil d’administration du port, Bio Sawé. Ce dossier est le premier sujet abordé pendant la conférence de presse animée au Codiam (Cotonou) ce vendredi 28 septembre, par Convergence pour la Nation et le Développement et l’alliance Fcbe (Force Cauris pour un Bénin émergent), proche de Président de la République. Sur cette question, face aux hommes des medias, le conférencier, Président de Convergence, par ailleurs chef de Cabinet du président de la République, Edgard Soupkon a au nom des cadres et rois du plateau d’Abomey (origine du Dg/port limogé) « invoqué la clémence » du chef de l’Etat. « Les cadres et la dynastie royale du plateau d’Abomey sont d’accord avec le chef de l’Etat pour les sanctions administratives prises dans le dossier du port sec. «Mais pour les sanctions pénales, nous invoquons la clémence du chef de l’Etat et celle des autorités judiciaires du pays. Une faute avouée est à moitié pardonnée dit-on», a déclaré Edgard Soukpon. Qui a ajouté que « les cadres et rois du plateau d’Abomey demandent publiquement pardon » au président Yayi. Leur souhait est que les déviances répétitives de certains cadres de leur localité n’amènent pas le président Yayi à les oublier. Car « les cadres lui disent qu’ils sont avec lui jusqu’au dernier jour de son mandat». Il a martelé que contrairement à ce qui a été publié dans la presse, « jamais les rois et chefs traditionnels d’Abomey ne se sont réunis pour dire qu’ils sont mécontents du chef de l’Etat » parce qu’il a limogé leur fils, Joseph Ahanhanzo-Glèlè, pour une affaire de pots de vin.

Manœuvres

Les déclarations et «critiques» «acerbes» faites par des personnalités politiques membres de la mouvance, notamment le député Candide Azannaï et l’ancien porte-parole de la présidence de la république Lionel Agbo, et la correction de la Lépi sont, entre autres, les sujets abordés lors de cette conférence de presse. Pour Edgard Soukpon, dire qu’on est avec le chef de l’Etat mais tenir à l’endroit de son régime des propos plus virulents que ceux tenus par l’opposition, est contre l’éthique. Il trouve que les déclarations acerbes de certains «mouvanciers» vis-à-vis des actions du président Yayi sont l’œuvre de l’opposition.  «L’objectif est d’occuper inutilement le président pour qu’il ne soit occupé durant le reste de son mandat à ne rien faire concrètement qu’à gérer les fausses crises», a justifié le président de Convergence. Concernant la correction de la Lépi (Liste électorale permanente informatisée), le reproche fait à l’opposition est presque le même : « s’agissant de la correction de la Lépi, nous avons noté que les formations de l’opposition font beaucoup de supputations sur la manière dont les travaux sont conduits par le groupe de travail mis en place». Mais « c’est déjà heureux que tout le monde reconnaisse aujourd’hui l’existence de la Lépi». Et « nous voudrions demander à tous nos compatriotes de faire confiance au groupe de travail chargé de faire des propositions pour la correction  du fichier électoral».

A qui va alors s’appliquer la loi anti-corruption ?

L’un des reproches fait au président Boni Yayi par l’opposition est le fait qu’il ne soit pas allé aux sanctions pénales dans les différents scandales qui ont entaché jusque-là son régime.  A part bien entendu l’ancien procureur, Amoussou et les hauts responsables d’Icc Services, mis en détention provisoire depuis l’éclatement en août 2010 du scandale Icc Services et Consorts (plusieurs milliards dans une affaire de placement illégal d’argent), dans les dossiers Censad, machines agricoles, l’opinion n’a assisté qu’à des sanctions administratives. Certaines poursuites annoncées contre des anciens ministres n’ont jusque-là pas été effectives.

En 2011, toujours sous le régime Yayi, le Bénin s’est doté d’une loi anti-corruption. Il s’agit de la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Elle a été adoptée par les députés le 30 août 2011 puis promulguée par le Président de la République le 12 octobre de la même année. Cette loi précise en ses articles 40, 41 et 42 les sanctions applicables en cas de corruption, aussi bien au corrupteur qu’au corrompu. Par rapport au corrompu, l’article 4O dispose en son alinéa 1er: « Est puni d’un emprisonnement de cinq (05) ans à dix (10) ans et d’une amende égale au triple de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées, sans que ladite amende puisse être inferieur à un million (1000 000) de francs, tout agent public qui aura directement ou indirectement sollicité ou agréé des offres ou promesses ou reçu des dons ou présents ou autres avantages indus pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, pour faire ou s’abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non, mais non sujet à rémunération.» L’alinéa 2 de cet article prévoit que « outre l’amende, la peine est la réclusion criminelle à temps de dix (10) à vingt (20) ans lorsque la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées est égale ou supérieure à dix millions (10 000 000) de francs et la réclusion criminelle à perpétuité lorsque cette valeur est égale ou supérieure à cent millions (100 000 000) de francs.» Selon l’article 41, la même peine est applicable, et dans les conditions similaires, au corrupteur. Et l’article 42 précise que lorsque l’infraction est commise par tout magistrat ou juge, toute autorité administrative ou judiciaire nommée par décret ou arrêté quel que soit sa qualité ou son statut, tout juré, toute personne élue, tout officier ministériel public, tout haut fonctionnaire, tout expert judiciaire, tout agent d’impôts, du trésor et des douanes, tout coordonateur de projets, tout fonctionnaire militaire ou paramilitaire, tout percepteur ou commis à une perception, tout comptable de fait, agent permanent de l’Etat ou non ; la peine encourue est de dix (10) ans à vingt (20) ans de réclusion et une amende égale au triple de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées, sans que ladite amende puisse être inférieure à cinq millions (5 000 000) de francs.»

Dans l’affaire du port sec de Tori, le promoteur du projet, Eric Hounguè clame, haut et fort, avoir remis de l’argent aux cadres concernés. Il aurait même fait voir au chef de l’Etat l’enregistrement vidéo des scènes où il remettait l’argent. Du coté des cadres, certains reconnaitraient avoir reçu de l’argent mais pas le montant déclaré par Eric Hounguè-. D’autres auraient reconnu avoir perçu de l’argent avec lui mais pas dans le cadre de son projet. Pour certains observateurs, cette première affaire de corruption au sommet de l’Etat qui éclate après la prise de la loi anti-corruption, doit être une occasion pour le Président de la République de matérialiser sa volonté tant alléguée de traquer la corruption et la mal gouvernance. Il devra donc aller au-delà des « mesures cosmétiques » -sanctions administratives suivies d’effets dans les medias- puis faire appliquer la loi anti-corruption. Dans le cas contraire, on se demandera pourquoi cette loi a alors été votée, et tant d’efforts et de moyens (matériels, financiers et intellectuels) dispensés pour sa vulgarisation et la mise en place du mécanisme requis pour son application. Et à qui sera-t-elle appliquée au finish ? Aux menus fretins du système ? Encore que, quelqu’un peut avoir écopé de sanctions administratives puis être blanchi par la justice.

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