Qu’y a-t-il encore à apprendre d’un football mal en point? Le sport roi des Béninois, depuis quelque temps, est en soins intensifs, frappé d’une maladie invalidante. Les praticiens qui s’affairent autour du patient s’essoufflent à établir un diagnostic.
Pendant ce temps, le mal empire et l’horizon s’assombrit. Malgré tout, que de belles leçons de vie nous donne-t-il ce football mourant ! Nous aurions eu tort de l’enterrer trop tôt.
Les Béninois, dans leur majorité, prennent, chaque jour, leur part aux malheurs qui frappent leur football. Tout a basculé brutalement. Notre football a été foudroyé en pleine ascension. Et dire que les Ecureuils, notre Onze national, ont commencé à tutoyer les grands. La Tunisie, le Ghana, l’Angola, voilà autant de bornes-repères sur un chemin de gloire. Du jour au lendemain, c’est la chute libre. Les Béninois en sont affectés. On le serait à moins. Mais pas au point de se laisser dissoudre dans le malheur. Pas au point de se suicider. Comme l’a chanté l’autre : «L’amour finit au tombeau». A la vérité, les Béninois se sont fait une raison. Ils marquent leur conviction et leur certitude : à la nuit la plus ténébreuse succède une aube radieuse. «Y a rien, disent les Ivoiriens, c’est l’homme qui a peur». C’est là une leçon d’espoir.
Un espoir actif, devrait-on dire. L’arrêt de nos championnats n’a pas détourné les Béninois de la quête du beau et du bon football. Les championnats étrangers comblent leur attente. Manchester United a pris la place du Tonnerre de Bohicon et de l’ASPAC. Barcelone a défoncé l’USS de Kraké. Madrid a enfoncé dans l’oubli les Buffles du Borgou. Et tant que Chelsea, l’inter de Milan et autre Paris St Germain donneront des couleurs à leurs week-ends, pas de problème. La vie continue et vive le football. C’est là une leçon de réalisme.
Mais l’étranger a beau se parer de tous les atours et briller comme mille soleils, il ne réussira pas à éclipser totalement en nos cœurs et esprits ce qui nous touche, ce qui nous concerne, ce qui nous appartient. La crise qui frappe le football béninois est l’affaire des Béninois. Aussi suivent-ils, avec une attention soutenue, le mal qui ronge leur football, la maladie qui paralyse leur sport roi. Ils savent mieux que quiconque qu’une maison divisée contre elle-même court à sa perte.
La guerre des chefs a mis le feu à la maison du football. Et tout risque de partir en fumée, confondant dans un égal malheur, tous les camps et clans engagés dans cette œuvre de mort. Personne ne sera épargné. Mais des hommes et des femmes de bonne volonté ne dorment pas. Ils travaillent dans l’ombre. Leur credo est accroché à ce proverbe burundais qui assure que le jour se lèvera tôt ou tard. Même s’il ne devait pas y avoir de coq pour le chanter. C’est là une leçon de ténacité et de persévérance.
Mais nous devons regarder la réalité en face. Nous devons prendre l’exacte mesure de nos malheurs. Nous devons accepter la douloureuse vérité. Tant que dure et durera la crise actuelle de notre football, c’est une génération au moins de jeunes Béninois que nous sacrifions sur l’autel de la bêtise et des intérêts égoïstes. Ces jeunes gens sont bloqués à l’orée de leur vie active. Ils sont cassés dans leur élan. Ils ne seront peut-être plus le E’too ou le Drogba qu’ils souhaitaient être. La belle carrière rêvée pourrait bien être clouée au berceau des vœux pieux, étouffée dans l’œuf des illusions. La crise actuelle de notre football a valeur, pour ces jeunes, d’un arrêt de mort. Ils se sentent déjà comme en chemin pour l’abattoir. Les jeux d’influence de couloirs, les contorsions juridico-politiciennes, la gonflette de la FIFA à nous faire peur ne doivent pas nous cacher cette triste réalité. Il nous faut lever le voile sur l’essentiel. C’est là une leçon de vérité.
La crise de notre football laissera des traces durables et traumatisantes. Avantage aux hommes et aux femmes libres. Libres dans leurs cœurs, libres dans leurs consciences. Eux seuls sauront rester forts et garder la tête froide, quand sonnera l’heure de la reconstruction. Il ne devra pas y avoir de place pour une quelconque revanche ou vengeance. Les mauvais coups d’aujourd’hui trouveront leur tombe au magasin des accessoires. La mémoire ne doit servir qu’à nous prémunir contre la faiblesse de répéter ou de reproduire nos erreurs présentes. Et nous tresserons, selon le vœu du poète, autour de notre football tiré de l’abime, une ceinture de mains fraternelles. Voilà le visage vertueux du pardon. Que celui qui n’y croit pas nous jette la première pierre.
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