Le Bénin tombe lentement et progressivement de son piédestal. Annoncé en 2006 pour faire partie des pays émergents du monde et de l’Afrique avec un taux de croissance à deux chiffres, c’est au rang des « pays malades » qu’il se hissera six ans plus tard.
Trainant la lanterne rouge dans une zone économique de l’Uemoa où il avait pourtant pignon sur rue. Chaque mois, le gouvernement est contraint à faire recours aux bons de trésor pour supporter les charges de dépense courante de l’Etat. Le taux de croissance à deux chiffres, la révolution verte, l’industrialisation, la lutte contre la cherté de la vie proclamés urbi et orbi lors des campagnes présidentielles de 2006 apparaissent de plus en plus comme des cauchemars pour des millions de Béninois qui comprennent désormais qu’ils ont été simplement emberlificotés par les promesses mirobolantes de Boni Yayi, alors candidat. L’embellie économique n’aura duré que le temps d’un exercice budgétaire, 2007 et nous voilà tombés dans une longue période de crise et la valse des scandales politico-économiques comme Machines agricoles, Cen-Sad, Icc-services et consorts…. Les années 2008, 2009, 2010 passèrent sans que grand-chose ne change. On a plutôt eu droit à une crispation politique aiguë doublée d’une tension sociale avec des grèves perlées, exacerbées par la disparition d’un agent du ministère de l’Economie et des Finances, Pierre Urbain Dangnivo. En cinq ans, la démocratie béninoise a perdu tous ses acquis : la liberté de presse et d’opinion surtout.
On croyait alors que l’élection présidentielle de mars 2011 allait ramener la paix dans la maison-Bénin avec une élection mieux organisée avec un fichier électoral plus fiable. Dans un esprit de consensus, la classe politique toute entière a doté le Bénin de la loi instituant la Lépi et le Rena. La Lépi devrait permettre d’abolir définitivement les fraudes qui entachent le processus électoral. Mais, les politiques, voulant une fois encore contrôler cet outil, ont créé une commission politique qui s’occupe de sa supervision. Et c’est par celle là que le malheur de la Lépi est arrivé. Très tôt, les rivalités entre différentes coteries politiques ont dévoyé la Lépi de ses ambitions de départ. La majorité présidentielle d’alors, par intrigues successives, a réussi à faire main basse sur le processus de constitution de la liste. Après de vains mouvements de protestation, d’humeur et de rue pour amener les uns et les « plus forts » à l’esprit originel d’une Lépi fiable et consensuelle, l’opposition abdique et se retire de la commission politique de supervision. Résultats : cartographie censitaire mal faite, recensement porte à porte bâclé, enregistrements biométriques truffés d’erreurs avec pour conséquence l’éviction de milliers de Béninois de la liste. La Lépi annoncée comme la panacée pour une élection pluraliste apaisée devient un agent « crisogène », un facteur de troubles pré-électorales. C’est dans un tel contexte de confusion et de contestation que se tient l’élection du 13 mars.
Mais la grande surprise de cette élection, c’est le résultat auquel il a abouti : un K.o proclamé le soir même du scrutin par un ministre du gouvernement avant d’être entériné par la presse, la Cena et la Cour constitutionnelle. Houngbédji, pressenti comme le challenger du président sortant Yayi au second tour, conteste les résultats et appelle le peuple à la résistance, rappelant que « les dictatures se nourrissent de nos silences». Quelques tentatives molles d’insurrection ici et là, mais très tôt l’armée intervient, charge et disperse tout au passage. Yayi réussit à prêter serment le 06 Avril dans l’indifférence totale à Porto-Novo. Une accalmie revient dans le pays mais elle sera de courte durée. Très tôt, Yayi engage précipitamment des reformes surtout dans le domaine portuaire et entre dans une phase d’accusation sans fin. Les douaniers sont les premiers sur cette liste. Ils seraient à la base de l’évaporation fiscale. Un bras de fer est engagé contre eux. Il durera plusieurs mois. Après eux, les enseignants à qui on refuse le bénéfice d’un droit acquis. Puis enfin, ce fût le tour de Talon et des opérateurs économiques « non vertueux » accusés aussi d’être responsables de la descente aux enfers du pays sur le plan économique. Le Pvi est suspendu et enlevé des mains de Bénin Control de Patrice Talon. Idem pour la gestion de la campagne cotonnière. Ensuite c’est l’Un (Union fait la Nation, parti de l’opposition) qui est au banc des accusés. On lui reproche de vouloir déclencher une insurrection en intelligence avec des opérateurs économiques et des syndicats. Enfin, la presse-celle qui a refusé de vendre sa plume et son micro-accusée de relayer les récriminations des « opposants » contre le pouvoir.
Aujourd’hui, le pays est en insécurité. Tant réel, politique, qu’économique. Les braquages sont aussi fréquents que les accidents de rue. Les narcotrafiquants traversent le pays et sont de plus en plus arrêtés à l’aéroport. Les entreprises créancières de l’Etat sont paradoxalement accablées par des redressements fiscaux et astreints à fermer leurs portes. Canal 3 Bénin est persécuté pour avoir « osé » donner la parole à des opposants malgré la fatwa du 1er Août. Des consignataires sont astreints à payer plus chers des assurances pour des navires qui boudent la destination Bénin. Patrice Talon et Sébastien Ajavon-les plus gros contribuables béninois- vont se mettre à l’abri à Paris de peur d’être coffrés. Les opposants les moins courageux n’osent plus apparaître en public. Tous les acquis démocratiques du Bénin sont bafoués. Le gouvernail politique fonce et reste sourd aux récriminations des couches sociales. Partout c’est le chaos. Que reste-il aux populations que de boire le calice, qu’elles se sont donné le 06 Avril 2006, jusqu’à la lie. C’est aussi ça le destin d’un peuple.
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