Un panier de crabes, qu'est-ce? Il s'agit d'un milieu dont les membres cherchent à se nuire. Il s'agit d'un espace qui bruit de coups bas. Ceux qui s'y trouvent n'ont de cesse de se détester cordialement.
A quelque chose près, le Bénin, notre pays, par les temps qui courent, ressemble à un panier de crabes. Tout semble être en place pour qu'il en soit ainsi.
Chaque jour apporte son lot d'affaires, les unes aussi graves que les autres. Un chapelet de faits et de méfaits dont le pays aurait pu se passer. Une succession de situations qui égarent le pays et nous avec. Une série noire qui assombrit notre tableau de bord. Pas de visibilité. Aucun pouvoir de contrôle. Le trou noir.
C'est l'étranger, en l'occurrence les Etats-Unis d'Amérique, à travers leur Ambassadeur chez nous, qui nous sévèrement tancé. Nous nous sommes fait tirer les oreilles au sujet de la pagaille que nous avons laissé s'installer au Port autonome de Cotonou. L'enjeu est clair. Si le Bénin ne se ressaisissait pas sans délai, il subira les conséquences de la suspension d'un nouveau compact du Millenium Challenge Account (MCA). Evaluons la casse qui en résulterait. Le déclassement de notre port; l'abandon de celui-ci par nombre de navires; la réduction drastique de ses activités; la perte de milliers d'emplois directs ou occasionnels. Le port ainsi à terre, c'est l'un des poumons de l'économie nationale qui s'arrêterait.
A peine avons-nous tourné la page noire de notre or blanc, le coton, qu'on fait état d'un complot d'assassinat manqué contre le Chef de l'Etat. La nouvelle est lourde. Jusqu'à plus ample informé, nous restons dans une expectative inquiète. De graves informations circulent. Ni on ne les confirme ni on ne les dément. C'est de nature à tout pourrir. Des arrestations de personnalités se poursuivent. Personne ne peut prévoir jusqu'où nous conduira ce nouvel épisode mouvementé de notre vie nationale. En attendant, les maquis, les buvettes, les administrations, les salons de coiffure bruissent de toutes sortes de spéculations. Qui, dans un climat aussi lourd, pourrait avoir la sérénité nécessaire pour conduire son travail quotidien, pour donner le meilleur de lui-même?
Changeons de disque. Parlons des inondations. Elles ont enregistré d'importants dégâts: des vies humaines perdues, des habitations détruites, des ponts et autres ouvrages emportés, le cheptel décimé, des champs inondés, des récoltes saccagées. En somme, un grand drame. Le paysage humain et physique en portent des traces. Elles ne s'effaceront point de si tôt de la tête et du coeur des populations sinistrées. Celles-ci, déjà fort démunies, ont tout perdu. Elles n'ont plus que leurs yeux pour pleurer.
Comme si nous avions le chic pour nous mettre nous-mêmes sous pression et en difficulté. Sinon, pourquoi aller chercher et monter en épingle l'affaire Pascal Todjinou? Qui peut penser un instant que l'arrestation d'une grosse cylindrée du syndicalisme national ne ferait pas des vagues? Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour savoir qu'une telle arrestation est un caillou de plus dans le jardin du gouvernement. Qui a donc intérêt à chauffer le coin, comme on dit? C'est à croire que nous avons parmi nous des pyromanes endurcis. Ils ne peuvent freiner ni arrêter leur impulsion à allumer des incendies. Ils brûleront tout et se brûleront eux-mêmes. C'est plus fort qu'eux.
Nous n'avons pas oublié que la vie est devenue horriblement chère. Ce qui a déjà contraint nombre de Béninois à un ajustement drastique. A quoi s'attendre quand la misère ajuste… la misère? Nous n'avons pas oublié non plus que la rentrée scolaire bat son plein. Les parents d'élèves se débrouillent du mieux qu'ils peuvent. Malgré tous ces efforts, des milliers d'enfants béninois n'accèderont pas à la joie de connaître, au privilège de savoir. Ils resteront dans les ténèbres de l'ignorance. Nous n'avons pas oublié, enfin, que nous n'irons pas en phase finale de la Coupe africaine des Nations (CAN) en Afrique du Sud. De bien tristes journées pleines de regrets. C'est devant nos téléviseurs que nous applaudiront les exploits des autres. Leurs représentants feront le spectacle. Mais nous, nous nous contenterons de jouer les spectateurs. Faut-il s'en plaindre? A qui devons-nous nous en prendre? Les Bambara, de leur sagesse exquise, nous apprennent cette vérité: " Si tu vois un crapaud couché sur le dos, ce n'est pas le plaisir qui l'a terrassé"