D’une révolution à l’autre

Nous y voilà: le Bénin entre dans la semaine du quarantenaire de la révolution du 26 octobre 1972. Ce jour-là, un groupe de jeunes militaires décidèrent de passer à l'action. Le pays allait à vau-l'eau.

Publicité

Il fallait arrêter ce qui prenait les allures d'une inexorable descente aux enfers. Il fallait opérer une rupture radicale d'avec un passé honni fait d'instabilité et de remise en cause permanente.  Le mot révolution tomba des lèvres de ces jeunes militaires. Cette révolution s'était trouvée, plus tard, des prothèses idéologiques et politiques avec le "socialisme scientifique" et le "marxisme-léninisme".

Quarante ans déjà. Et que de changements au cours de ces quatre décennies. Les trois figures politiques emblématiques, Maga, Apithy, Ahomadégbé, qui attachèrent leur nom à l'accession du pays à l'indépendance, ne sont plus de ce monde. Ont disparu avec eux et pour la plupart les premiers cadres qui s'illustrèrent sur les tout premiers chantiers du Bénin indépendant.

Le mouvement révolutionnaire, en 1972, était porté essentiellement par des jeunes cadres, militaires et civils. Ceux d'entre eux qui ont survécu aux vicissitudes de la vie, ont largement leur avenir derrière eux. Ce sont, aujourd'hui, des  septuagénaires ou des octogénaires. Ils continuent d'égrener les souvenirs de la révolution, ruminant le reliquat de leur catéchisme marxiste.

Beaucoup d'adultes d'aujourd'hui ont pris le train de la révolution en marche. Ils sont nés peu avant la révolution ou après. Enfin, il y a tous ces jeunes qui sont nés bien après la révolution. Ils n'en savent que ce qu'on leur en dit. Ont-ils, au moins, conscience d'en être les héritiers? Un groupe de ces jeunes tiennent à marquer d'une pierre blanche le quarantenaire de la révolution. Ils se regroupent au sein du "Service national de Développement du Bénin (SNDB). Ils ont choisi d'honorer le général Mathieu Kérékou. L'homme est à califourchon sur la révolution que ces jeunes n'ont point connue et le renouveau démocratique qui brilla comme une étoile au-dessus de leur berceau. A l'occasion de ce quarantième anniversaire de la révolution, autorisons-nous d'émettre trois voeux.

Publicité

Le voeu,  d'une part que la révolution du 26 octobre 1972 soit mieux assumée par les Béninois, mieux intégrée à l'histoire du Bénin. C'est vrai, elle a laissé des blessures, provoqué des cassures, imprimé à la mémoire de plus d'un des flétrissures. Mais il ne s'agit pas d'aimer ou de ne pas aimer, d'être pour ou d'être contre. On ne discute pas de son bagage génétique. On naît avec. On l'assume. Point barre. Et pour bien marquer cette idée, nous avons le devoir de faire entrer cette révolution dans nos livres d'histoire, à l'usage de nos apprenants. Dans cette perspective, un musée de la révolution ne serait pas de trop. Par ailleurs, nous devons rétablir la statue de Lénine à la place qui continue de porter son nom. Le socle de cette statue laissé vide est symboliquement une tentative de gommer l'histoire.  

Le voeu, d'autre part, que la recherche universitaire privilégie le Parti communiste du Bénin (PCB). Ce parti, de la révolution au renouveau démocratique, a traversé toutes les tempêtes, a survécu à tous les orages. Ses militants ont payé le tribut le plus lourd à la révolution. Ses dirigeants ont boudé la conférence nationale. Sa représentation dans les instances politiques actuelles est insignifiante. Mais le PCB n'est pas mort pour autant. Même s'il donne le sentiment de prêcher dans le désert ou de poursuivre en solitaire la voie  rectiligne d'une droite et inflexible utopie. Quand on pense aux mutations opérées par les partis communistes sous d'autres cieux, on reste curieux de savoir les options qui marqueront l'avenir proche ou lointain du PCB.

Le voeu, enfin, que nous gardions l'initiative dans toutes nos élaborations politiques. Nous devons, en effet, résister à la tentation d'aller nous abreuver à la source des autres. Les idéologies que nous ne relisons pas  sous l'éclairage de nos réalités et de notre vision du monde porteront toujours les germes d'une dangereuse aliénation. Le mimétisme qui n'est qu'une manière de singer les autres, est l'expression d'une démission. Nous n'avons aucune raison d'avoir mal à notre identité. Vous l'aurez compris, la prochaine révolution doit être culturelle ou ne sera point. La culture, en tant que lieu du sens par excellence, intègre la politique, l'économie, la vie sociale. Elle est notre suprême boussole par ces temps de navigation difficile dans les eaux piégées d'une mondialisation affairiste et techniciste. Révolutionnaires d'ici, d'ailleurs et de partout, culturellement vôtre!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité