L’affaire Pascal Todjinou

La nouvelle fait des vagues. Pascal Todjinou, l’une des  figures marquantes du syndicalisme béninois, est en prison. Motif : défaut d’assurance de véhicule accidenté. L’infraction est constituée.

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L’intéressé, qui n’est pas l’auteur direct de l’accident, ne s’est pas moins présenté aux forces de police. On explique, au regard du droit, que Pascal Todjinou est civilement responsable des dommages et pénalement responsable du défaut d’assurance.

Qu’on ne demande pas aux camarades de Pascal Todjinou d’entériner le fait, tranquillement et en silence. Qu’on ne leur demande surtout pas d’applaudir à tout rompre au motif que le Bénin aurait fait une application correcte et implacable de la loi. Si le Bénin doit  se confirmer et se consolider  comme un Etat de droit, est-ce de cette façon que nous devons procéder ?

Envoyer rapidement et sans autre forme de procès Pascal Todjinou en prison, cela ne peut que nous interpeller tous sur le cas de ceux qui, pour la même infraction, sont en liberté. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux, et non des moindres pour la plupart. Alors question : pourquoi et comment le syndicaliste s’est-il  retrouvé dans la posture du  mouton du sacrifice, comme s’il était  destiné  à effacer les péchés de tous les autres ? 

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On peut invoquer le fait que la loi, c’est la loi. La formule est formellement forte. Elle renvoie bien à ce personnage, un bandeau sur les yeux, tenu pour la représentation symbolique de la loi. C’est assez explicite pour dire que la loi ne fait pas de différence. Elle frappe indistinctement. C’est assez expressif pour signifier que la loi ne s’autorise la moindre discrimination. Elle se veut la même pour des gens censés être tous égaux devant elle.

Si de la représentation imagée à la réalité quotidiennement vécue, les choses devait se passer exactement comme cela, autant remplacer le personnage  au bandeau sur les yeux par un robot. La Justice répondrait alors à la logique mécanique d’un engin programmé pour n’exécuter que des ordres, frappant les yeux fermés. Le robot n’a ni émotion ni sentiment. Quant à la réflexion, revenez demain !

Heureusement que la réalité est toute autre. La loi est faite par les hommes, appliquée par les hommes pour résoudre les problèmes des hommes. C’est pourquoi, personne ne saurait être fier ou ne saurait tirer vanité d’une loi sans âme. Une loi qui, sans être nécessairement aveugle, pourrait être aveuglément appliquée.  Ceux qui ont étudié ces choses là et qui peuvent en parler en experts, en spécialistes vous diront que la première caractéristique de la loi,  c’est d’être une matière vivante et souple. Elle peut être interprétée. Elle est modelable et modulable.  

La loi, c’est forcément un texte, fixé par l’écriture ou porté par l’oralité. Mais la loi, c’est aussi un contexte, parce qu’elle réfère à un ensemble de circonstances qui se structurent autour de faits concrets, palpables et tangibles. La loi, ce n’est pas du vent. Elle n’aide à apprécier sainement et à juger équitablement que sur pièce. On ne peut jamais établir sa conviction intime sur des faits imaginaires, fictifs.

La loi, c’est forcément la lettre de la loi. Ce qui est écrit, consigné dans des codes et décliné en divers articles est une référence fondamentale. Il fait exister matériellement la loi. Mais il y a un au-delà de la lettre de la loi. C’est l’esprit de la loi. Pour utiliser le langage informatique, la lettre de la loi, c’est le hardware. L’esprit de la loi, c’est le software. De la lettre de la loi à l’esprit de la loi, l’écart peut être grand sans que la loi bouge d’un iota.

Vers la fin des années 60, en France, au lendemain des mouvements sociaux de mai 68 qui ébranlèrent tout le pays, une loi interdisait aux éléments de l’extrême gauche de distribuer leurs tracts et leurs journaux dans les rues. Le philosophe français de renom, Jean-Paul Sartre, s’insurgea contre cette loi. Il décida de défier l’autorité de l’Etat. Au mépris de la loi, il se mit à distribuer les publications prohibées. Les forces de police alertèrent le Ministre de l’Intérieur qui, à son tour, s’en remit au chef de l’Etat, le général De Gaulle. Faut-il arrêter ou non Jean-Paul Sartre ? La réponse du général fut sans détour : « On n’arrête pas Voltaire ». Oui, le Bénin n’est pas la France. Pascal Todjinou n’est pas Jean-Paul Sartre. Circulez, y a rien à voir !

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