Le Bénin et la question de la langue

La francophonie en sommet. C’est dans quelques jours à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Les plus hauts dirigeants des pays qui ont en partage le français se réuniront au chevet de cette langue. Une langue en perte de vitesse dans le monde.

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Un handicap lourd qui ne saurait laisser indifférents tous ceux qui, pour diverses raisons, entretiennent un certain commerce avec cette langue.

Des pays anciennement francophones, comme le Rwanda, ont fait l’option d’élire l’anglais au rang de langue de travail. Le Gabon vient de déclarer l’anglais, langue d’utilité publique. En attendant qu’il ne devienne le nouveau compagnon de vie du Gabonais.  Le Burundi annonce, urbi et orbi, son adhésion au Commonwealth. Il faut croire que c’est le prélude à un mariage d’amour et de raison avec la langue de Shakespeare.

Le décor est ainsi planté. Le Bénin aussi aura bien besoin de se déterminer. Il aura besoin de faire des choix décisifs que lui dictent l’histoire et la géographie. Toutes choses à décliner en un héritage historique à assumer, en une vision à long terme à projeter, en des réalités géopolitiques et géostratégiques à prendre en compte.

Le français est d’abord, pour le Bénin, un héritage historique. Il est à comptabiliser au nombre des choses léguées, sinon imposées dans l’espace de ce qui est devenu, à partir de 1894, la Colonie française du Dahomey. Mais en plus d’un siècle de présence du français, dans cet espace, force est de noter que 70% de nos compatriotes sont analphabètes. La langue de colonisation et du colonisateur, bien qu’érigée en langue de travail, est restée la langue de l’élite. Au vrai, c’est une langue élitiste dont s’écarte le plus grand nombre ou qui écarte d’elle la majorité de nos compatriotes.

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La réticence d’une majorité de Béninois à parler la langue de Voltaire, n’a pas profité à nos langues nationales. La promotion de celles-ci continue de marquer le pas. Des politiques ont été conçues. Des initiatives ont été lancées. Mais aucun point décisif n’a été marqué. Tout est resté sans résultats probants et convaincants. Nous n’avons pas pu dégager une plate-forme linguistique intégratrice, dans la perspective de la nation à construire. Le français continue d’être le trait d’union entre une majorité de Béninois.

Sur le plan du voisinage le Bénin est encadré, à l’ouest et à l’est, par deux pays : le Togo et le Nigeria. Le premier pays nommé  a une superficie largement inférieure à celui du Bénin. Il  partage avec lui le français. Le second pays est un géant. Son poids humain est 20 fois supérieur à celui du Bénin. On y parle anglais. Un tel tableau tire à conséquence. Le Bénin ne peut faire comme s’il ne savait pas qu’il est accroché au flanc d’un pays dont les 150 millions d’habitants, à défaut de parler l’anglais, comprennent l’anglais. Il s’y ajoute que le commerce transfrontalier entre les deux pays est exceptionnellement dense. Au point que quand le Nigeria tousse, c’est le Bénin tout entier qui s’enrhume.

Que le Bénin tire leçon de cette proximité avec son grand voisin de l’est et décide de promouvoir l’anglais, quoi de plus normal. Personne n’y trouverait à redire. L’héritage historique, avec le français, aurait cédé face aux réalités de la géopolitique, avec l’anglais. La promotion de la langue de Shakespeare au Bénin relèverait ainsi d’une option plutôt opportune qu’opportuniste. Elle serait  dictée par nos intérêts nationaux bien compris. Le Bénin aurait ainsi résolu un problème de voisinage qui comblerait le vœu de l’ancien Président nigérian, Olusègun Obasanjo. Il entretient, en effet, le rêve, une fois aplanies les difficultés linguistiques, qu’un professeur béninois aille vers son homologue nigérian dans la journée et, le soir, s’en retourner  chez lui passer la nuit.   

Mais l’anglais ou le français, pour utiles qu’ils soient comme langues de communication entre les Africains, ne sont  et ne resteront pour ces derniers que des langues étrangères. Il y a un enjeu plus qu’évident pour que les grands pays se battent pour faire la promotion de leurs langues, avec des milliards de dollars à la clé. Les Africains doivent le comprendre. Les Africains doivent s’organiser pour changer leur fusil d’épaule.  Les Africains ne peuvent continuer de se gargariser de slogans panafricanistes, sans se préoccuper de promouvoir deux ou trois langues de communication transcontinentale. C’est une question politique dont dépend toute la problématique des Etats-Unis d’Afrique. Nous n’avons que trop honoré la langue des autres. Le temps des mercenaires doit prendre fin. Pour que l’Afrique entende et vive l’appel d’Aimé Césaire : « L’heure de nous-mêmes a sonné ».

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