Le cas Atao Hinnouho

Atao Hinnouho n’est pas encore, en politique, un foudre de guerre. Il étrenne ses tout premiers lauriers dans l’arène publique comme député. Mais il a déjà les dents longues pour qu’il réussisse à cacher trop longtemps l’ambition qui le porte.

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Il a su se donner une belle image auprès d’une frange non négligeable de l’électorat populaire. Il reste, pour beaucoup de jeunes, le modèle auquel ils voudraient s’identifier. Aussi généreux qu’un Père Noël noir, il ne lui manque plus qu’une  barbe blanche pour en être la parfaite représentation.

Atao Hinnouho vient de démissionner du Parti du Renouveau démocratique (Prd). Ce qui a provoqué un mini tsunami. Le microcosme politique en ressent encore les contrecoups. La belle preuve, le groupe parlementaire Prd-Un  s’est trouvé  pris dans la tourmente, manquant de peu de voler en éclats. Le départ d’Atao Hinnouho du Prd n’a pas encore livré ses secrets. Où atterrira celui qui vient de prendre le large ? Mystère et boule de gomme !

Il reste que l’évènement n’est pas banal. Le jeune député ne passe pas pour un anonyme.  Il a su se forger, avant de s’afficher dans les cercles du pouvoir, l’image de l’ami des petites gens. Les conducteurs de taxis-motos dits «Zémidjan» sont au nombre de ses principaux soutiens et supporteurs.

Atao Hinnouho n’est peut-être pas encore riche, mais il est assurément aisé. Et puis, tout semble lui sourire. N’a-t-il pas réussi à franchir, sans coup férir, le pas de l’une de nos plus importantes institutions ? Ses œuvres de bienfaisance lui ont donné un prénom : Atao. La politique lui assure, désormais, un nom : Hinnouho. Ce à quoi il convient d’ajouter, pour être tout à fait complet : « Honorable député ».

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La question que l’on se pose tout aussitôt est la suivante : comment un parti comme le Prd a-t-il pu laisser partir un de ses jeunes militants comme Atao Hinnouho ? La question s’adresse, à la vérité, à tous nos partis politiques. Elle interroge la capacité interne de ceux-ci à faciliter le dialogue, à susciter des débats, à offrir des plates-formes de médiation…

Quand un parti politique ne s’est pas structuré pour offrir ces différents services, les crises les plus anodines prennent vite des proportions ingérables. Quand le Président-Fondateur du parti demeure la seule et unique interface avec la masse des militants, les conflits qui surgissent ne trouvent pas des espaces  appropriés pour leur saine gestion. Jusqu’à plus ample informé, nous lions le départ d’Atao Hinnouho du Prd  à un problème de fonctionnement interne du parti. Quand, enfin, le départ d’un jeune militant coïncide avec la préretraite du leader et du chef charismatique du parti, il y a lieu de s’interroger. Un fait du  hasard? La main fortuite et innocente du destin? Cette conjonction de situations pourrait bien être porteuse d’une crise latente, dans le droit fil de l’expression consacrée «les rats  quittent le navire». A sous-entendre «avant qu’il ne soit trop tard».

Il reste et il restera que le départ du jeune Atao Hinnouho du PRD nous place de nouveau devant un cas de transhumance politique. Il s’agit de ce mal récurrent qui mine la classe politique. La transhumance témoigne, en effet, de l’inconsistance des convictions et des engagements   de nos hommes politiques. Quel crédit accordé à des gens qui, non contents de tourner sur eux-mêmes, tournent aussi avec le vent qui tournent. Si bien que ceux qui ont la fortune ou l’infortune de s’embarquer avec eux risquent  de ne jamais connaître leur destination. Ils peuvent être lâchés à tout moment, abandonnés comme d’inutiles épaves.

Quand la politique, qui, pour nous, reste la construction de la cité, est réduite à ce jeu malsain, à ce coupé- décalé païen, il y a lieu de s’interroger gravement. Réaffirmons l’un de nos articles de foi : l’homme est le levier de tout vrai développement. S’il en est ainsi, quel succès garantir à une entreprise pilotée par des pèlerins sans feu ni lieu, des pèlerins jetés sur les chemins problématiques du doute ou du reniement ?

Les choses deviennent encore plus préoccupantes quand on a affaire à des jeunes. A moins que les errances dont s’étaient rendus coupables les aînés aient congénitalement marqué les  cadets, les plus jeunes. Si c’était le cas, nous croirions entendre une voix surgie des profondeurs bibliques, Ezéchiel 18, verset 2 : «Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des enfants en ont été agacées».

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