Le Gabon, terre francophone, veut se mettre à l’anglais

A une dizaine de jours du sommet de la Francophonie, le président du Gabon Ali Bongo, un des plus proches alliés de la France en Afrique, a semé le trouble lundi en se prononçant pour l'introduction de l'anglais dans son pays et en vantant le modèle du bilinguisme au Rwanda.

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"Le Gabon souhaite regarder de près l'expérience rwandaise dans l'introduction du bilinguisme", a affirmé le porte-parole de la présidence Alain-Claude Bilie-By-Nze lors d'une conférence de presse au retour du président Bongo de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.

Le Gabon est l'un des relais privilégiés de l'influence de Paris en Afrique, et les liens politiques, économiques et culturels entre les deux pays sont très étroits.

A une semaine du sommet de Kinshasa, Ali Bongo se rendra ainsi à Kigali les 5 et 6 octobre, notamment pour voir s'il y a matière à s'inspirer du Rwanda dans le domaine linguistique.

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Selon le porte-parole, le président rwandais Paul Kagame et Ali Bongo qui se se sont rencontrés à New York sont alors convenus d'une visite pour "renforcer la coopération" dans divers domaines.

"Le Rwanda avant était un pays francophone faisant partie de la Francophonie (…) il fait partie aujourd'hui des deux communautés: Francophonie et Commonwealth. Le chef de l'Etat gabonais entend introduire l'anglais dans notre pays", a souligné le porte-parole.

"Pourquoi ne nous inspirerions-nous pas d'une telle expérience pour voir comment le Gabon, pays francophone, peut dans les prochaines années décider d'introduire l'anglais dans un premier temps comme langue de travail nécessaire (…) puis plus tard voir comment l'anglais peut devenir une seconde langue", a-t-il ajouté.

Après le génocide rwandais de 1994 et l'arrivée au pouvoir d'une diaspora tutsi ayant vécu pendant des années en Ouganda, voisin anglophone, Kigali a favorisé l'anglais dans les écoles et l'administration.

Economie mondialisée

Il s'agissait aussi pour le nouveau pouvoir rwandais de s'éloigner de l'influence de la France accusée d'avoir soutenu l'ancien régime génocidaire. Les relations entre la France et le Rwanda, bien qu'en voie d'amélioration, restent une question diplomatique sensible.

Depuis son accession au pouvoir en 2009 à la mort de son père Omar Bongo, un des symboles et des piliers de la Françafrique, Ali Bongo tente de diversifier l'économie gabonaise. Il veut qu'elle sorte du "tout-pétrole", et qu'elle élargisse le spectre de ses partenariats.

Persuadé que dans une économie mondialisée, le Gabon ne peut plus se cantonner à des relations avec son ancienne puissance coloniale, Ali Bongo, qui a étudié aux Etats-Unis et se plaît à parler anglais en public, a ainsi lancé de nombreux ponts vers Singapour, la Chine, l'Inde ou le Brésil.

En même temps, alors que son père, vieux sage d'Afrique, était un des leaders de l'Afrique francophone, Ali Bongo s'est lui ouvert vers l'Afrique anglophone.

Témoin de ces évolutions, lors de l'élection du président de la Commission de l'Union africaine, le Gabon n'avait pas réussi à rallier sur le nom du Gabonais Jean Ping certains pays francophones comme le Tchad, alors que des pays anglophones avaient en revanche voté pour le candidat de Libreville.

Néanmoins, la démarche de la présidence gabonaise est davantage interprétée comme une volonté de mieux préparer les Gabonais à la mondialisation que comme une tentative de transformation à la rwandaise.

Contrairement nombre de ses voisins où seules les élites parlent la langue de Molière –le peuple s'exprimant dans des idiomes locaux– l'immense majorité des 1,5 million de Gabonais parlent le français qui n'est pas simplement la langue de l'administration.

"Le Gabon veut se développer et s'offrir les meilleures opportunités. Quand vous sortez de l'espace francophone, si vous ne savez pas l'anglais vous êtes quasiment handicapé. Il s'agit (…) de faire en sorte que les Gabonais soient armés et mieux armés", a souligné le porte-parole.

Celui-ci a d'ailleurs souligné: "Les scientifiques français font des publications en anglais (…) alors que les Africains sont devenus pratiquement les seuls à intervenir en français. Si les Français eux-mêmes vont vers l'anglais, pourquoi voudriez-vous que le Gabon se l'interdise?".

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