Le Talon d’Achille de Boni Yayi

La nouvelle de la sortie médiatique du richissime homme d’affaire Patrice Talon sur les ondes d’une chaîne internationale de radio a fait l’effet d’une bombe,  même si on s’y attendait un peu.

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Les faits mis à sa charge sont tellement graves que  Patrice Talon réputé  pour le calme olympien  dont il fait preuve en toutes circonstances ne pouvait continuer de se claquemurer dans  ce silence légendaire que ses proches lui attribuent. Cependant,  par le passé, on le sait, au plus fort de la crise du pvi, des canards de la place avaient constamment annoncé cette sortie mais le public a eu droit plutôt à un chassé croisé de déclarations fracassantes entre ses avocats et le  ministre chargé des affaires maritimes qui  n’a pas  laissé  grand-chose dans l’opinion  et pour cause ! Le rouleau compresseur de la communication tapageuse de Boni Yayi a donné de lui l’image d’un homme… d’affaire peu scrupuleux  uniquement préoccupé par ses intérêts mercantiles. A l’écoute de ses déclarations d’hier lundi, on a compris pourquoi Talon a dû avaler des couleuvres. Dans la tourmente, il continuait de croire en  cette « amitié » plusieurs fois éprouvée par les volte- faces  spectaculaires de son poulain. Il y a quelque chose de pathétique dans ses propos prononcés avec la verve d’un écorché vif : « ….Vous savez, une telle relation entraîne des tentatives de conciliation et de réconciliation : « dites-lui telle chose, faites ceci pour échapper à cela ». C’est quotidien. Dites-vous aussi que je suis parfois demandeur. Parce que ce n’est pas facile de ne pas être bien dans son pays, avec le chef. On essaye par tous les moyens que les choses n’en restent pas là. »

 C’est donc contraint et forcé que Talon a  fait tous ses déballages sur l’origine de ses relations tumultueuses avec  le président élu de 2006. Une relation frappée du coin du péché originel des rapports incestueux entre le politique et le monde des affaires. De mémoire d’observateur de la chose politique,  jamais un homme d’affaire ne  s’est impliqué, que dis-je immiscé de  manière si tapageuse, si outrageante,  « gana-gana »,  comme on le dit chez nous, dans l’élection d’un Président de la République dans notre pays. Par le passé,  on a bien vu des hommes d’affaires dans le sillage du président Kérékou,  lors de sa remontée « en haut »  en 1996. Ils étaient à la fois visibles et discrets mais jamais aussi » envahissants »  comme l’était Patrice Talon. Nous étions tous dans l’euphorie de la chute du vieux caméléon usé par plus de trente ans de présence ininterrompue dans l’arène politique. Tout le monde  a vu venir « l’intrus » et tout le monde s’est tu, d’autant que le richissime homme d’affaire servait tout le monde au passage,  non pas équitablement mais au prorata de sa valeur marchande électorale, plus prosaïquement de son poids électoral. Nous sommes au pays où l’arithmétique électorale  ne conduit pas nécessairement au 1+1=2 (les rêveurs de l’Un l’ont appris( ?) à leurs dépens  en 2011) mais au chiffre numéral 1/3+ plus la moitié des deux tiers restants = l’élu de la nation. Le renard de Djrègbé toujours prompt à détecter l’oiseau rare n’y a pas peu contribué. Et ça n’a pas raté en 2011 non plus, puisque Talon lui-même a avoué dans ses déballages qu’il a financé à nouveau la campagne de 2011 qui a abouti au K.O de triste mémoire.

Un K.O qui  est resté en travers de la gorge de tout le peuple béninois, et qui a été obtenu par l’entremise d’une liste électorale unanimement contestée confectionnée à la hussarde comme pour faire avaler la pilule avant que le patient n’en découvre le goût amer. Car de mémoire de Dahoméen, jamais un seul des trois leaders historiques de l’ex Dahomey, pourtant solidement implantés dans leur fief respectif, n’a jamais raflé la mise au premier tour. Jamais cela ne s’est produit, aussi loin qu’on puisse  remonter dans l’histoire plus que tumultueuse de l’ex enfant malade de l’Afrique, « le pays du coup d’état permanent » selon l’expression pittoresque de  notre compatriote et excellent journaliste Paulin Joachim. L’heure est incontestablement venue pour l’auteur du K.O historique de mars 2011 de s’expliquer sur le bien fondé de cette victoire électorale déroutante. Et la question massive que posera le juge de la Haute Cour  ne souffrira d’aucune ambiguïté : jusqu’à quelle hauteur a été financée la campagne présidentielle de 2011. Et cette hauteur correspond-elle au plafond des cinq cents millions de francs fixé par le législateur ? Après cela,  viendra la question subsidiaire de la révision constitutionnelle pour le troisième mandat envisagé mais que le président et ses séides ont toujours démentie. Et Il n’y a pas de doute que les juges de la Haute Cour trouveront des circonstances atténuantes à l’auteur présumé de la rocambolesque affaire d’empoisonnement du Chef de l’Etat, si sa culpabilité venait à être  prouvée. Puisqu’il s’agit ici,  non pas de la vie d’un seul citoyen, fût-il le plus illustre d’entre nous,  mais de la survie collective de notre nation en tant que démocratie. Nation aujourd’hui tétanisée par le matraquage médiatique et par la psychose proche de la paranoïa de la conspiration renforcée par la mise sous tutelle de toutes les institutions de contre- pouvoir.

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