Elle a le mérite d’exister. La Charte pour la bonne Gouvernance et le Développement au Bénin a été signée par les diverses couches de la nation le 23 février 2012. Depuis, Martial Sounton, le Ministre de la Réforme administrative et institutionnelle, maître d’ouvrage, multiplie des initiatives.
Objectif: faire entrer la Charte dans la vie des Béninois. Les grands panneaux publicitaires dans Cotonou, par exemple, clament haut et fort, couleurs et lumières à l’appui, cette volonté de partage. C’est louable. Mais est-ce suffisant? Les organisations citoyennes et confessionnelles sont expressément conviées à s’approprier la Charte. C’est judicieux. Mais est-ce prometteur?
Il en est des Chartes comme des Constitutions. Les bonnes dispositions affichées, les bonnes intentions affirmées ne sont que de la dentelle intellectuelle, à moins d’être rigoureusement et concrètement appliquées. Le Ministère de la Réforme administrative et institutionnelle (MRAI) ne gagnera son pari qu’à ce prix. Alors, que faire?
Première démarche. La Charte doit être enseignée au sens didactique et pédagogique du terme. Un ensemble de principes, d’idées, de préceptes sont appelés à être transmis comme autant de leçons de vie. Les bénéficiaires en ont besoin pour se construire. Parce que ces leçons constituent les référentiels qui dictent les bons comportements à avoir, la bonne conduite à tenir. Parce que ces leçons offrent la grille de lecture de la base morale et éthique d’une communauté humaine. Ses membres comprennent ainsi la nécessité de nuire le moins possible à leur environnement humain.
Les Sénégalais, par exemple, jugeant de l’extrême importance d’un tel enseignement, l’ont intégré, dès le départ, à leur expérience d’école maternelle dénommée «La Case des tout petits». L’originalité ici tient au fait que les préceptes moraux, les valeurs propres à la société sénégalaise sont enseignés par les grands-mères. Elles sont membres à part entière du corps enseignant. Elles ont l’inestimable avantage d’être des produits vivants et non altérés de leur culture. Elles vivent ce qu’elles transmettent. Leurs apprenants sont, affectivement, leurs petits-fils et leurs petites-filles. Les valeurs qu’elles s’attachent à transmettre ne sont ni détachées ni déconnectées de l’environnement socioculturel qui leur sert de cadre naturel de référence. Avec des contes et des légendes. Avec des proverbes et des chansons.. Avec des danses et des récits d’histoire.
Deuxième démarche. La Charte doit être donnée à vivre. Ceci pour souligner le caractère impératif de l’exemple. Les valeurs, en soi, sont abstraites. Personne, que nous sachions, n’a encore rencontré en personne, dans une rue de Cotonou, l’amitié. Cette valeur ne prend corps et forme qu’à travers des exemples qui la montrent et l’illustrent. Des exemples édifiants qui la mettent en scène et la donnent à voir et à vivre
Prenons l’exemple de la ponctualité. Voilà une valeur dont nous mesurons l’importance dans tous nos projets de gouvernance. Comment, dans notre administration, où nous notons un déficit criard de ponctualité, faire prendre conscience de la nécessité d’être à l’heure? Comment amener chacun et tous à montrer de l’exactitude dans l’accomplissement de ses devoirs? Répondons à la question d’un mot: les chefs, responsables à divers niveaux, doivent commencer par montrer, chaque jour, l’exemple d’une ponctualité sans faille.
Au Sénégal, le Président Léopold Sédar Senghor, par sa ponctualité exemplaire à ses audiences, rendez-vous, conseils des ministres, avait alors créé chez ses compatriotes la conscience du zéro retard. Pour dire que le «Faites ce que je vous dis, mais ne faites pas ce que je fais» est nul à tous égards. Le chef soucieux de faire bouger les lignes et de changer les choses doit se poser en modèle. Et le modèle, selon le dictionnaire «C’est ce qui sert ou doit servir d’objet d’imitation pour faire ou pour reproduire quelque chose.»
La troisième démarche. Nous devons, dans le champ des valeurs que nous entendons promouvoir, suivre aussi bien nos avancées que nos contre-performances. Un observatoire, à cet effet, aidera à apprécier nos progrès et nos retards. De l’analyse que nous en ferons, des enseignements que nous en tirerons, pourrait commencer par se dégager le profil du Béninois nouveau. Nous aurions tant voulu que ce Béninois-là adhère à cette belle et magnifique idée de Louis-Vincent Thomas: « Pour donner, il faut avoir. Mais pour se donner, il faut exister.»