Menaces sur le second Compact du MCA-Benin : De quoi s’occupe le Président de la République

Incroyable mais vrai.  Il y aurait des menaces sur l’éligibilité du Benin au second Compact du Millenium Challenge Account. Ceux qui ont pu suivre le reportage sur la chaîne publique de Télévision ORTB le Vendredi 19 Octobre ont bien découvert le Président de la République dans ses petits souliers.

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Le MCA : Une prime à la vitalité de notre Démocratie et à l’engagement des Béninois en faveur de la Paix

Pour ceux qui connaissent bien la genèse de l’éligibilité du Benin au Compact 2006-2011, ils pourront nous édifier sur les critères fondamentaux qui ont milité en faveur de la sélection du Benin dont l’accord a été signé en Février 2006 à Washington en présence du Général Mathieu Kérékou et sous la férule de Pierre Simon Adovelande, un des concepteurs du programme du Bénin.  Le Bénin a été surtout primé pour la vitalité de sa démocratie, même si à l’époque, le pays bruissait de rumeurs de révision de la Constitution par le président de la République pour proroger son mandat de deux ans.  Pour les Américains, les indicateurs portant sur la liberté de presse et d’opinion, l’existence d’une société civile dynamique et la volonté de poursuivre les réformes économiques pour booster la croissance économique étaient des motifs de satisfaction.

Tout cela, nous le devons au Président Mathieu Kerekou dont l’attitude vis-à-vis des fondamentaux de la démocratie forçait l’admiration. Jamais, aucun journaliste n’a été arrêté sous ses deux mandats post-Conférence Nationale (1996-2006), une situation qui tranche avec celle qui prévalait dans de nombreux pays de la sous-région qui malheureusement courent toujours après leur premier Compact MCA.

Que sont devenus les acquis du premier Compact ?

On se souvient que lors de la visite du Président du Millenium Challenge Corporation (MCC) l’année dernière, le gouvernement du Bénin et son Chef étaient enthousiastes quant aux réalisations du premier Compact ainsi qu’aux perspectives pour que notre pays en décroche le second.  Le Président du MCA avait été reçu en pompe, presque intronise Roi  et couvert des attributs conformes à son rang et à la hauteur de l’espoir que suscite l’éligibilité du Benin pour un second Programme.  Des discours prononcés ont même mis l’accent sur l’engagement du Gouvernement à pérenniser les acquis du programme. Que s’est-il donc passé pour que le gouvernement soit maintenant interpelé par rapport aux indicateurs qu’il faut améliorer pour la concrétisation de l’éligibilité de notre pays au second Compact ?

Six Directeurs Généraux pour le PAC en moins de 7 ans : le vers semble être dans le fruit.

Oui, le vers semble être dans le fruit.  Notre pays est-il si pauvre en ressources humaines de qualité qu’on soit obligé de changer le Directeur Général du Port Autonome de Cotonou chaque année ? Cela participe de la détérioration des conditions de performance de cette importante structure de l’Etat. Tous ces cadres sont-ils incompétents ?  En dehors du cas du dernier DG présumé coupable de corruption qu’a-t-on reproché aux autres ? On se souvient du cas de Jérôme Dandjinou débarqué après seulement quelques mois alors qu’il était précédé de la réputation de bon et rigoureux gestionnaire.  , Joseph Chaffa, Christophe  Aguessy, Albert Houngbo sont tous des cadres de ce pays qui ont certainement démontré leur capacité à d’autres postes de responsabilité, ce qui  leur a certainement valu d’être identifié et nomme Directeur Général du PAC.  Pourquoi donc malgré toutes ces compétences, notre PAC ressemble aujourd’hui à un navire qui n’est plus fréquenté par les marins et qui n’aurait pas de Capitaine au point de faire peser de sérieuses menaces sur l’éligibilité du Bénin au second Compact ?

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Le Président doit faire ses devoirs de maison

Qu’on ne s’y trompe pas.  Ce qui se passe par rapport au MCA est l’illustration même de l’absence du Chef de l’Etat dans les grands dossiers qui engagent la vie et l’avenir du pays, notamment son épanouissement économique. Je ne voudrais pas revenir sur les nombreux dossiers ou scandales pour lesquels le Chef de l’Etat s’est abonné absent, notamment le Programme de Vérification des Importations Nouvelle Génération (PVI-NG) dont lui-même a avoue n’avoir pas lu le contrat avant d’apposer sa signature sur le Décret de mise en vigueur.  Nous devons nous interroger sur ce qui est la priorité de notre Président dans sa gestion du pays. Quels dossiers supervise t-il ? Comment travaille t-il les grands dossiers de l’Etat ? Et s’il a des conseillers techniques qui les pilotent, lui rendent-ils compte régulièrement ?  Et s’ils ne le font pas, leur pose t-il lui-même la question pour savoir ce qui arrive aux grands dossiers de l’Etat ? Dans la récente affaire du Port sec de Tori, la presse a rapporté qu’après la pose de la première pierre de cette infrastructure en Décembre 2011, le Chef de l’Etat n’aurait entendu parler du dossier qu’au moment de l’éclatement de la suspicion de corruption. Si cette version était vérifiée, elle nous édifie sur comment notre pays est gouverné et nous plonge dans la certitude de l’exacerbation de la pauvreté et des autres défis qui attendent le pays et les populations au cours des trois prochaines années.

Sinon, dans un dossier aussi stratégique au double plan de la Coopération entre les Etats-Unis et le Benin et des potentialités de croissance, que le Chef de l’Etat puisse déclarer devant l’Ambassadeur des USA, qu’il a maintenant décidé de prendre le dossier en main.  C’est un drame que nous vivons et cela n’est que la partie visible de l’iceberg.  Notre pays perd progressivement l’appui de la communauté internationale parce que le Chef de l’Etat a d’autres priorités que le développement du pays à travers la supervision correcte et rigoureuse de la gestion des grands dossiers du pays.

Et pourtant les moyens existent pour réaliser les missions qui incombent à l’Etat

Plus que les précédentes administrations, l’administration Boni Yayi a non seulement recruté beaucoup de fonctionnaires, augmenté le nombre de Ministères, nommé un grand nombre de  Directeurs Généraux et de Directeurs et agrandi le parc automobile de l’Etat.  En outre, la plupart des agents de l’Etat ont acquis de nombreuses primes pour les inciter à s’acquitter de leur mission.  Point n’est besoin de mentionner que l’environnement du travail s’est nettement amélioré, toutes choses qui doivent être mises à l’actif de ce gouvernement.  Dans le dossier qui nous concerne, on évoque la question de sécurité au Port autonome de Cotonou ainsi que de la satisfaction de conditions relatives à l’environnement portuaire.

Pourquoi donc on ne suit pas les dossiers et que le Chef de l’Etat lui-même vienne chaque fois dire qu’il va prendre lui-même les dossiers en main.  Ce fut le cas il y a quelques mois  pour les camions qui occupent anarchiquement l’espace portuaire et qu’il fallait dégager. J’ai la ferme conviction et des milliers de Béninois avec moi qu’avec un gouvernement de 15 membres composés de cadres techniquement compétents et au fait des priorités de leur secteur respectif et conduit par un Chef organisé qui possède une feuille de route et se donne le temps nécessaire, ce pays s’en sortirait mieux qu’avec le spectacle médiocre auquel nous assistons aujourd’hui.  Non seulement nous avancerons dans la prise en compte des priorités du pays, mais aussi nous ferons moins de dépenses futiles et nos ressources seront investies pour l’amélioration des conditions de vie des populations.  Il ne peut en être autrement dans un petit pays comme le Bénin.  Mais telles ne sont pas les priorités de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.   

Les priorités de notre Président aujourd’hui

Ces priorités que tout le monde voit désormais semblent être :

  • La révision de la Constitution du 11 Décembre 1990 dont tout le monde s’accorde pourtant à dire que ce n’est pas une urgence
  • Le bâillonnement de la presse
  • L’intimidation des leaders d’opinion qui osent lui porter la contradiction ou l’omerta sur les libertés publiques
  • La ruse pour utiliser la même Lépi calamiteuse pour les élections à venir et
  • La pérennisation du régionalisme comme idéologie qui sous-tend la gouvernance du pays
  • La destruction des opérateurs économiques qui ne soutiennent pas sa politique
  • La participation aux conférences internationales pour lire des discours qui n’ont aucun impact sur les priorités des Béninois.

La révision de la constitution est devenue une telle obsession que des soutiens sont recherchés de tous les horizons tous les jours pour un Président qui est à son second et dernier mandat et qui en principe devrait se consacrer courageusement aux réformes qu’il a pourtant promises après sa réélection par le fameux KO..

L’autre priorité, c’est l’Union Africaine.  Dans l’histoire de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) devenue Union Africaine (UA)  depuis quelques années, jamais Président en exercice ne n’a autant voyagé à l’extérieur de son pays. Il suffit de fouiller dans les archives de l’organisation pour s’en convaincre. Il est vrai,à la situation de Jean PING, ancien Président de la Commission a créé un vide qu’il fallait combler, mais la encore, il y a l’administration de l’UA avec des Commissaires assignés  chaque Département.  Comment expliquer donc que l’Union Africaine soit subitement devenue la priorité pour le Président du Bénin  comme si les Béninois l’avaient élu pour obtenir des résultats pour eux à la tête de l’Union Africaine.  Nous attendons l’incidence financière de ces déplacements sur le budget national, à un moment où circulent déjà les rumeurs  de prorogation du mandat du Président en exercice de l’UA.  En réalité, les Chefs d’Etat n’ont-ils pas à cœur les priorités de leur peuple plutôt que de se préoccuper d’une organisation qui plane sans résultat concret depuis des dizaines d’années et dont l’influence est totalement insignifiante dans la gouvernance mondiale ?

Mais tout n’est-il pas question de capacités, d’organisation et de méthode ? Tout le monde voit le Président Alassane Ouattara, Président d’une Côte d’Ivoire  qui sort d’un conflit qui a coûté la vie à 3000 de ses compatriotes avec un pays en lambeaux.  La Côte d’Ivoire est pratiquement de retour au sein de la communauté internationale avec tous ses attributs économiques et diplomatiques sous le leadership d’Alassane Ouattara.  Sa présence sur les grands chantiers force l’admiration.  Qu’il s’agisse de la réhabilitation des universités de Côte d’Ivoire, de la construction des routes et des ponts et même de la justice, les résultats après seulement 18 mois de gestion sont palpables.

Qu’arrive t-il donc à notre pays et que sommes-nous capables de faire ?

Pour un pays qui dispose d’un grand nombre de ressources humaines de qualité qui ne demandent qu’à servir leur pays, il est étonnant que nous soyons incapables de conduire convenablement les grands dossiers de la nation.  Depuis 2006, on a préféré des pseudo cadres qui chantent et dansent pour la gloire du Président. Le Port de Cotonou, poumon de l’économie qui concentre plus de la moitie de l’investissement du MCA a vu défiler six Directeurs Généraux depuis 2006 et cela n’étonnera personne que le Benin reste et demeure le pays de la sous-région qui tient la lanterne rouge en matière de croissance économique.

Que faire ?

J’ai déjà indique à plusieurs reprises que quand on sème le mais, on ne récolte pas le haricot. C’est aussi simple que cela. Il n’y a jamais eu de miracle dans la conduite d’un pays vers le développement.  Ce sont des femmes et des hommes compétents sous le leadership d’un Chef d’Etat qui organise sa gouvernance autour des priorités du pays qui produisent des résultats et non des laudateurs corrompus et repus. Le Chef de l’Etat devra disposer d’une feuille de route afin d’interroger ses collaborateurs à tout moment sur les grands dossiers du pays, Ministres et Conseillers surtout sur les grands dossiers du pays.  Depuis 2007 par exemple, je ne me souviens pas que le gouvernement de notre pays ait tenu un séminaire gouvernemental autour de l’économie, de la sante, de l’Education et d’autres sujets d’intérêt national comme la sécurité et le dialogue social.  Les fuites en avant, la ruse autour de la Lépi pour conserver le pouvoir a tout prix et au delà des deux mandats, la vengeance contre les compatriotes qui osent critiquer sa gestion doivent faite place à la conception d’un programme minimum sur les priorités du pays au cours des trois prochaines années.  Des cadres compétents, compte non tenu de leur sensibilité politique et de leur région doivent être invités à mettre la main à la pâte. 

A défaut de procéder ainsi, parvenir à laisser un bilan en 2016 relèverait de l’illusion. Mais est-ce vraiment un souci ? Pourvu qu’on soit Président de la République.  Ceux qui chantent à longueur de journée que le Président est infatigable ont encore de beaux jours devant eux.  Pour quels résultats ? «  Violente question ! », comme disent les Ivoiriens.

Coffi Adandozan
Economiste Planificateur
Lille France

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