Mgr René Marie Ehouzou rappelé à Dieu : un exemple révélateur du don de soi

L’Eglise catholique du Bénin pleure deux de ses prêtres remarquables. En l’espace de 24 heures, Monseigneur René Marie EHOUZOU, évêque de Porto Novo, puis le père Alfred QUENUM ont tiré leur révérence, successivement les 17 et 18 octobre dernier.

Ce sont là deux figures de proue de l’Eglise catholique qui, comptabilisant  chacun 40 ans de vie sacerdotale, ont marqué de leurs empreintes les 150 ans d’évangélisation de notre pays. Ces pasteurs nous quittent physiquement, mais longtemps encore peuvent demeurer présents au cœur et dans l’esprit des fideles servis. Que Dieu qui reconnaît les siens leur accorde sa couronne de gloire !

La dépouille mortelle de Monseigneur René Marie EHOUZOU mort en Italie arrive au Bénin le jeudi 25 octobre 2012,  et le prélat sera porté à sa dernière demeure le samedi prochain dans l’enceinte de la cathédrale Notre Dame à Porto Novo,  après une messe d’enterrement qui sera célébrée avec le rituel et les honneurs attachés au rang du défunt. Apres ce bref aperçu du programme des obsèques, intéressons nous maintenant à l’humble serviteur de Dieu que fut Monseigneur.

            René Marie EHOUZOU, 68 ans, est consacré prêtre depuis 40 ans, évêque depuis 9 ans successivement à Abomey de 2002 à 2007, puis à Porto Novo de 2007 à ce jour. Les études supérieures à l’Institut catholique et à la Sorbonne, Paris, sanctionnées par un double doctorat, en liturgie et en science des religions lui ont donné un bon profil d’enseignant de haut niveau. Aussi a-t-il servi, de retour au bercail, 23 ans durant,  dans les petits séminaires de Sainte Jeanne d’Arc à Ouidah, de Notre Dame de Fatima à Parakou,  puis au grand séminaire de Ouidah, avant d’être promu prêtre diocésain. Curé  de la cathédrale Notre Dame de Miséricorde de Cotonou de 1995 à 2003, il s’est fait distinguer et appeler à d’autres rôles.

            Le profil, le parcours, l’expérience et les œuvres de l’homme de foi ont de quoi inspirer une abondante littérature sur ce serviteur exceptionnel aux facettes multiples. Moi, je me risque de lever ici,  un coin de voile,  sur un aspect de la dimension de l’évêque de Porto Novo. Cette possibilité m’est offerte au regard des messes célébrées par le prélat et des audiences accordées à certaines délégations paroissiales à l’évêché de Porto Novo, délégations dont j’étais membre.

16 paroisses créées en 05 ans

Que dire du bilan de l’oint du Seigneur à la tête de l’Eglise de Porto Novo ? A l’actif  des réalisations qui donnent de la visibilité à son Excellence, citons quatre paroisses crées cette année dans le diocèse. Il s’agit de la paroisse St Joseph d’Adja Ouere, de St Pierre et St Paul de Dannou, de Bon Pasteur de Danto Porto Novo et de Notre Dame de l’Assomption de Djeffa centre. Depuis 2007 qu’il préside aux destinées du diocèse de Porto Novo, c’est au total une quinzaine de nouvelles paroisses qui ont vu le jour. Et ce n’est pas tout ce qu’on peut retenir de lui. Qui peut en effet mesurer la gigantesque œuvre spirituelle menée par lui,  au quotidien, dans le cadre de la gestion du diocèse, de son évangélisation et de sa promotion ? A l’évidence, il aura beaucoup semé dans le cœur des fidèles, notamment à la faveur de nombreuses eucharisties de confirmation qu’il aime célébrer, autant que faire se peut,  avec l’énergie, l’art et le cœur du pasteur voué au Christ. Comme illustration, la messe de plus de trois heures d’affilées,  dite en juin 2012, sur la station Sainte Bernadette de la paroisse Saint Joseph de Podji, où plus de 100 fidèles furent confirmés. Les derniers mots lâchés par lui, à plusieurs reprises : « Je suis épuisé » en disent long sur son état réel de santé du moment. Le constat de sa fragilité de santé est confirmé par un de ses proches collaborateurs qui atteste le regard du prélat sur lui-même : « Le Seigneur me donne la santé,  et, moi,  je la brûle ». Au fait,  René Marie EHOUZOU se savait fragile, très fragile de santé physique. Seulement voilà, il ne pouvait se dérober à l’appel du devoir par le sacrifice de son être, de sa personne. La preuve, le rendez vous de juin à Sainte Bernadette sonnait comme un chant de cygne, puisque quelques semaines après,  en juin 2012, il était contraint aux soins d’urgence à l’étranger. Le traitement aura duré jusqu'à son décès,  le 17 octobre 2012

Le zele de ta maison me dévore

            De l’avis des membres de son entourage, le prélat, fraichement intronisé,  portait déjà quelques signes de fatigue à son arrivée au diocèse de Porto Novo en février 2007. Mais,  à son corps défendant, il s’est mis au travail et s’est investi,  corps et âme, avec le zèle qu’affiche un nouveau converti. La parole biblique : « Le zèle de ta maison me dévore » trouve en lui tout son sens et son amplitude. Au fait, les multiples souffrances ne pouvaient dicter la loi au religieux imbu de foi, conscient du service et du devoir. Comment ne pas citer ici les versets Isaïe 53, 10 à 11 « Broyé par la souffrance, le Serviteur a plu au Seigneur. Mais, s’il fait de sa vie un sacrifice d’expiation, il verra sa descendance, il plongera ses jours : par lui s’accomplira la volonté du Seigneur. A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu’il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés ».  Et Marc 10, 45 rejoint Isaïe quand il énonce dans son Evangile : « Le fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Ces citations bibliques ne sont elles pas opportunes pour mieux comprendre la philosophie de l’humble serviteur,  de ce fou de Dieu ?

Le pain mensuel de Monseigneur

A l’image du Christ qui connaît ses brebis, il s’est efforcé d’être à l’écoute de ses fidèles et des démunis,  en proie, en ce temps de crise économique aigue, à des épreuves et difficultés de toutes sortes. Pour régler les problèmes du diocèse et prendre des dispositions utiles pour faire face aux besoins immenses, il a crée et institué la quête spéciale de 100f,  le mois, par fidèle. Elle est connue dans les paroisses sous l’appellation du pain mensuel de Monseigneur. Au cours des audiences qu’il accorde à ses visiteurs à Porto Novo, il revient inlassablement sur le bien fondé de cette quête. Il cite opportunément le miracle du pain partagé.  Avec 5 pains et 2 poissons,  Jésus a nourri une grande foule,  rappelle t il. Et, pour lui,  la générosité du Seigneur continue aujourd’hui. Ce faisant, il veut bien compter sur la quête de 100f, venant d’au moins 300 000 fidèles de toutes les paroisses afin de satisfaire les besoins du diocèse. Et si la quête est bien comprise et donnée, elle permettra d’obtenir une cagnotte de 30 millions le mois. Un tel pactole mensuel ne vient il pas à point nommé,  pour soulager les fidèles ? 

C’est pourquoi, avec force détails, il a redit ces préoccupations à la délégation de la station Notre Dame de la Route de la paroisse Saint Joseph de Podji reçue le 1^er juin 2012  Ne crayant  pas de heurter la sensibilité de ses visiteurs, il dit, sans fioriture, je vais peut être vous décevoir : «  ma priorité, ce  n’ est pas votre station, mais bel et bien la cathédrale de Porto Novo en attente d’être réfectionnée, et où reposent le premier prêtre béninois, le père Thomas Moulero et le premier évêque de Porto Novo, Monseigneur Vincent Mensah». Mais, comble de coïncidence, lui, le quatrième évêque, va y, bientôt, trouver aussi sa demeure.

L’autre préoccupation pour Monseigneur, c’est  Maria TOKPA, l’unique site diocésain de pèlerinage marial qui, pour lui,  doit être réfectionné et se doter d’infrastructures,  dont une église, le tout,  pour un coût,  d’environ 600 millions de francs CFA.

A  l’analyse, de tels propos prononcés par Monseigneur, en audience, il y a cinq mois seulement, semblent prendre aujourd’hui des allures d’un testament. Comment  ne pas aussi rappeler son souhait de voir s’ériger à la station Notre Dame de la Route,  une statue géante de la Vierge Marie surplombant l’autoroute,  à l’image de celle dont il a marqué l’enseigne de la cathédrale de Cotonou. Sise au PK 20, ladite station partage, avec la paroisse Sacre Cœur de Cotonou, le privilège d’être en bordure de l’autoroute, et d’offrir sa façade au regard des usagers de cette route.

La bonne semence de vie consacrée

On ne peut faire le portrait du défunt sans rappeler son sens de relations humaines marqué par sa qualité de pasteur rassembleur, son aisance à communiquer dans l’humour et le fou rire. J’ai encore frais en ma mémoire  ses propos, tenus à la paroisse St Joseph de Podji Daxo, relatifs à la situation de désarroi d’un malade de GBEKO, Saint Michel, doyenné d’AZOWLISSE. La langue de cet dernier sorti de sa bouche, et s’étire tout le long de son corps. Dans cet état, il court vers le prêtre en compagnie d’une foule impressionnante. Le prêtre de la localité, d’abord surpris, désemparé, et pris en otage, implorera la miséricorde du Seigneur qui l’interpella à sa manière « Oh Seigneur Jésus, si tu n’accordes pas le pardon et la guérison, qu’adviendra t’il de ce malade, de la foi de cette foule, de l’église locale et de l’œuvre d’évangélisation ? Mais le Seigneur exauça la prière et la langue se replia doucement jusqu'à rejoindre sa cavité, sous le regard émerveillé de la foule. Des approbations fusent pour saluer le miracle de Jésus et la bonne communication de Monseigneur.

Au regard de notre développement sur la vie et l’œuvre de Monseigneur, j’admets que mon témoignage est trop léger pour refléter la mission accomplie par l’illustre défunt qui a assumé d’autres responsabilités sur lesquelles nous n’avons pas pipé un seul mot. En l’occurrence, il a été président du comité national de préparation de la visite du Pape Benoit XVI, Aumônier des prisons, responsable de la commission épiscopale d’action sociale et de développement : CARITAS, etc. Au terme d’une vie aussi bien remplie, au service de ses fidèles, quels vœux formulés  si ce n’est que la prière que sa mort soit la semence propice qui fasse germer à sa suite, d’autres modèles de vie consacrée, et de don de soi.