Nous sommes tous des Pascal Todjinou !

En sortant de son domicile mercredi dernier Pascal Todjinou, le truculent et inamovible secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin(Cgtb) ne se doutait pas qu’il venait de passer la toute dernière nuit en famille cette semaine.

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 Et probablement des six mois à venir. Si un sixième sens lui avait soufflé à l’oreille qu’il allait dormir debout dans cet ensemble boubou trois pièces qu’il arborait ce jour là, au violon du commissariat central du célèbre commissaire Louis Philippe Houndégnon, nul doute qu’il aurait   protesté avec  véhémence de  sa voix grave à l’élocution traînante qu’on lui connaît. Car il ne pouvait pas imaginer que sa notoriété de syndicaliste,  bête noire de tous les régimes, pouvait le conduire en prison,  après un banal accident qu’il n’a pas lui-même provoqué et  qui n’a donné lieu à aucune perte en vies humaines…. pour défaut d’assurance. Qui ne connaît pas Pascal Todjinou ? Il n’a certes pas la virulence d’un Gaston Azoua ni d’un Paul Issé Iko de la Cstb. Mais,  comme le Sg Dieudonné Lokossou de la Csa, il n’a pas sa langue dans sa poche et sait asséner quelques vérités qui peuvent faire rougir les yeux de ses interlocuteurs. Comme ce jour où il a déclaré sur le mode de l’ironie cinglante à la cantonade sur un plateau de télévision  que «Les mêmes qui avaient été là avant-hier, les mêmes qui étaient là hier , sont les mêmes qui sont là aujourd’hui .»  Ce jour là, il avait mis tous les rieurs de son côté. Aujourd’hui,  il serait le premier à reconnaître que si les hommes et les pratiques ne changent pas dans notre pays, il peut avoir des variantes dans les pratiques des hommes du pouvoir. Aux méthodes brutales et sans fioritures du prpb de sinistre mémoire, peuvent succéder celles tout en douceur  toute «démocratiques» qui vous traquent et vous acculent à la faute, mine de rien, amenant le public des moqueurs à s’exclamer : « Mais lui aussi ! C’est de sa propre faute ; il n’avait qu’à…. »

                        Depuis mercredi dernier donc, l’idée véhiculée par une certaine presse opportunément appuyée par les avis de praticiens du droit laissent croire que le sg Todjinou a enfreint la loi, puisqu’il roulait un véhicule sans assurance.. Or,  tout  le monde sait qu’en matière d’application de la loi, la pratique constamment observée dans tout le pays  n’est pas celle qu’on a appliquée à Pascal Todjinou. Quand vous roulez avec une voiture sans assurance,   même en cas d’opération coup de poing, la coutume  est de mettre la voiture en fourrière, à charge pour le propriétaire d’aller payer son  assurance  avant de revenir le lendemain avec les pièces justificatives  pour son retrait, avec les frais de mise en  fourrière en sus. En cas d’accident, le règlement à l’amiable est la chose  la  plus courante. Les policiers chargés des constats qui ne sont pas légion dans la ville de Cotonou    sont parfois  les premiers à proposer aux automobilistes en faute, cet arrangement qui les libère des longues et interminables procédures mises en place par les sociétés d’assurance. On sait que ces dernières rechignent à indemniser aussi promptement qu’elles encaissent les frais d’assurance. Jamais,  de mémoire d’automobiliste, on a mis quelqu’un en détention préventive pour défaut d’assurance, surtout quand il n’y a pas  mort d’homme. La loi qu’on appelle à la rescousse aujourd’hui, est une loi de 1965 opportunément relayée par une certaine presse. L’avant dernier alinéa  de l’article 1er de cette loi définit on ne peut plus clairement son champ d’application « Sont assujettis à l’assurance obligatoire les  véhicules ci-dessus définis dont la puissance en cylindrée part de 125cm3.» Avec cette loi,  ce sont toutes les motos des milliers de fonctionnaires de nos villes et campagnes,  des milliers de paysans et pêcheurs de nos contrées qui adorent pétarader sur ces bolides de marque chinoise moins chères que leurs cousines japonaises et  surtout la grande masse des zémidjans qui devraient être assujettis à l’assurance. Nous sommes tous des Pascal Todjinou au terme de cette loi obsolète et c’est nous tous,  sauf quelques uns d’entre nous qui roulent des véhicules de l’Etat dont on ne sait s’ils sont tous assurés,  qui devrions être conduits en prison pour défaut d’assurance. Car s’il faut appliquer la loi, il faut l’appliquer, non de manière sélective et arbitraire mais dans sa totalité. Or, il est de notoriété publique qu’aucune de ces motos n’a d’assurance et tout le monde sait et les autorités ferment les yeux là-dessus que lorsque vous avez un accident avec un Zem, ou un conducteur de moto, vous n’avez aucune chance d’être dédommagés.

On peut conclure aisément que la sanction déjà  infligée à Pascal Todjinou a un caractère  éminemment politique .Tout le monde a observé avec quelle célérité on l’a mis en garde à vue, avant de le jeter   au violon,  puis en prison, lui qui de sources syndicales, vient de sortir d’une longue maladie ! Comme s’il y avait une volonté manifeste d’humilier un homme  qui présente toutes les garanties de sécurité et de crédibilité. A-t-on seulement observé la même célérité dans les traitements des  dossiers de malversation  et de mauvaise gouvernance qui ont jalonné tous les régimes depuis 1990 au moins ? Qui a arrêté un seul des protagonistes du  dossier sulfureux de la Censad ? Des scandales à répétition de  toutes les sociétés d’Etat ? De la récente affaire du port sec ? Pourquoi depuis plus de deux ans,  on maintient tous les protagonistes du fameux dossier Icc services en prison sans jugement, lors même que le délit de collecte illégale d’épargne publique est constitué ? Tout se passe comme si le régime avait dans son viseur tous ses détracteurs et qu’il était prêt à les jeter en prison sans ménagement à la moindre faute !Les détracteurs du régime doivent s’attendre à tout ,y compris être interpelés au bord de la route en train d’acheter du kpayo dont le commerce est  formellement interdit par la loi.C’est par eux qu’on commencerait à appliquer cette loi qu’on sait pertinemment inapplicable…comme celle de 1965!

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