Respect des droits de l’homme et des libertes publiques au benin : plaidoyer pour une police nationale républicaine

Le terme « police républicaine vient du grec « politeia », signifiant "art de gouverner la cité" et du latin « res publica », chose publique. La « police républicaine » est ainsi  cette noble et respectable institution qui concourt, sur l'ensemble du territoire, à la garantie des libertés et à la défense des institutions de la République, au maintien de la paix et de l'ordre public et à la protection des personnes et des biens.

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 Dans cette mission régalienne, la police applique la loi de manière générale et la loi pénale de manière spécifique. Etant entendu que la loi votée émane du peuple souverain à travers ses représentants appelés « députés à l’Assemblée Nationale », l’on peut affirmer sans ambages que la police nationale est au service du peuple qu’elle a la mission prioritaire de protéger. Mais au sein de ce corps respectable où certains s’échinent à faire leur travail dans le plus grand respect de cette profession et dans cette rigueur d’antan, d’autres par contre continuent de fouler au pied les règles élémentaires et basiques de cette profession.

La police nationale instrumentalisée

Dans un Etat républicain, la police est au service de la population et non au service des hommes qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition.  Ce qui caractérise une police républicaine c’est sa neutralité. Il n’exécute pas tous les ordres et ne doit pas être au service des « politiques » pour des règlements de compte politique.

C’est ce que confirme M. Rached Mahjoub, Président de l'Association Tunisienne pour une Police Citoyenne (ATPC), lorsqu’il affirme que : « Nous sommes la police de l'Etat et non une police à la disposition des  hommes au pouvoir ». Allant toujours dans ce sens, il refuse « une instrumentalisation politicienne des incidents » et fustige « les tentatives bruyantes de certains qui cherchent à mouiller l'institution sécuritaire dans le jeu des tiraillements et querelles politiques ».

Pour nous, la police reste un « symbole » de neutralité de la République et l’on ne saurait l’utiliser pour mettre en péril les lois de la République.

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Si notre police doit être Républicaine, ce sont d’abord ses acteurs qui doivent le montrer dans les actes quotidiens qu’ils posent.

On ne comprend donc pas  le comportement de ce Responsable de la Police Nationale  qui affirme avoir été  instruit pour interpeller un homme politique,  ancien candidat à la magistrature suprême de notre pays de surcroit pour des propos qu’il aurait tenus au cours d’une conférence de presse publique. Ainsi,cet homme a été convoqué, arrêté et gardé à vue  pendant 11 heures au Commissariat Central de Cotonou pour avoir émis une opinion. Quand bien même les propos émis seraient jugés diffamatoires ou offensants pour le chef de l’Etat, cet homme politique n’a rien à faire au commissariat,  puisque le délit d’offense au chef de l’Etat et/ou de diffamation  relève de la loi n° 97-010 du 20 Août 1997 portant libéralisation de l’Espace Audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin. Pour nous, cet homme politique a fait l’objet d’une garde à vue irrégulière si on s’en tient aux dispositions de la loi applicable en la matière.

Si nous savons que la garde à vue est une mesure policière en vertu de laquelle sont retenues, dans certains locaux non pénitentiaires et pour une durée limitée variable selon le type d’infractions, des personnes qui, tout en étant  ni prévenues ni inculpées, doivent rester à la disposition des autorités de police ou de gendarmerie pour nécessité d’enquête, l’on doit déplorer l’attitude de cette autorité policière du Commissariat Central de Cotonou qui a mis en œuvre cette procédure.

On ne peut comprendre ni accepter la procédure ayant abouti à la garde à vue  onze (11) heures durant de cet homme politique  lorsque le législateur de la loi n° 97-010 du 20 Août 1997 portant libéralisation de l’Espace Audiovisuel et dispositions pénales spéciales relatives aux délits en matière de presse et de communication audiovisuelle en République du Bénin a clairement dit à l’article  107 de la loi que « la détention préventive en matière de presse est interdite ».

Procédure viciée

Si nous savons que cette procédure conduite en méconnaissance des lois de la République a été exécutée au niveau du Commissariat Central de la plus grande ville (capitale économique) de notre pays, commissariat qui doit être la référence et le modèle sur l’ensemble du pays, l’on est en droit de s’inquiéter. Ce qui est triste pour notre Etat de droit et constitue un mépris est que dans cette matière,  le législateur a clairement édité la procédure à suivre. En effet, n’est-ce pas clair  dans la loi que « dans les cas prévus aux articles 81 (offense au Président de la République), 83 (atteinte à l’honneur à personne), 91 (offense envers les Chefs d’Etat et chef de gouvernement étrangers), 92 (outrage public envers les ambassadeurs…) de la présente loi, la poursuite aura lieu sur demande des personnes offensées, adressées au ministère de la justice.

N’est-il pas aussi clair pour tous que la poursuite se fait à deux conditions ?

  1. sur demande des personnes indiquées dans les articles 81, 83, 91 et 92.
  2. sur plainte adressée au Ministère de la justice.

Quelle est la loi qui justifie le maintien de l’intéressé au Commissariat Central de Cotonou pendant onze (11) heures ?

Es-ce que la plainte a été régulièrement adressée au Ministère de la justice ?

Quel est le juge du parquet qui a ordonné une pareille procédure ?

Il faut qu’on nous le dise car l’une des caractéristiques de l’Etat de droit est la primauté de la loi.

Pour nous et à voir de près ce qui s’est passé ce vendredi 20 septembre 2012, il ne peut que s’agir d’une violation de la loi et un acte attentatoire aux libertés publiques et aux droits de l’homme. Normalement et nous l’espérons vivement,  l’Institution « gardienne des droits de l’homme et des libertés publiques » devrait pour le respect de la personne humaine, la paix  et la cohésion nationale sanctionner une pareille dérive « policière » car nous sommes bel et bien dans une matière sensible qu’est le respect des libertés publiques.

La sanction de l’autorité policière ayant exécuté cette procédure du vendredi 21 septembre 2012 est d’autant plus nécessaire et pédagogique que le décret      n°95-296 du 18 octobre 1995 portant statuts particuliers des Corps des personnels de la Police Nationale dispose en son article 49 que : « Les Commissaires de Police sont Magistrats de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire et exercent les attributions dans les limites fixées par les lois et règlements. Ils assument à la Police Nationale les fonctions de conception, de direction et de commandement et d’une manière générale dans toutes administrations ou tous Organismes auprès desquels ils sont éventuellement détachés…

Les Commissaires de Police ont la qualité d’Officier de Police Judiciaire qui leur est conférée par le Code de Procédure Pénale ».

Un Commissaire de police exerçant surtout au Commissariat Central de la plus grande ville du Bénin ne saurait justifier la non maitrise des textes de la République pour mener une pareille procédure. Il est d’autant plus  incompréhensible d’admettre cette situation que le décret n°95-296 du 18 octobre 1995 portant Statuts Particuliers des Corps des personnels de la police nationale en son article 49 fait du Commissaire de police  un « Magistrat  de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ».

Pour nous, aucune raison ne peut justifier cette procédure,  et si l’on pense avoir des raisons de « faire comme on l’a procédé », la transparence et le respect que nous avons et devons à la Police Nationale  exige que l’institution policière monte au créneau pour nous éclairer.

En entendant que l’institution « Police Nationale »  vienne nous édifier sur cette procédure du vendredi 21 septembre 2012 qui a fait garder au Commissariat Central de Cotonou pour 11 heures un homme politique pour un délit de presse, il est nécessaire de rappeler aux acteurs de la police nationale que  la raison de l’obéissance au Chef ou à l’autorité ne saurait être évoquée du fait de l’existence de l’alinéa 2 de l’article 19 de la constitution béninoise du 11 decembre1990.

En effet, selon cet article « … Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue  une atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’homme  et des libertés publiques ».

Comme nous l’avons souvent évoqué, il ressort de cet article que le subordonné « ne devait pas exécuter » un ordre illégal ; il doit le refuser pour ne pas engager sa propre responsabilité. La norme supérieure au Bénin qu’est la Constitution du 11 décembre 1990 a même  précisé la nature de l’ordre « ordre qui constitue une atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques ». 

En acceptant d’exécuter un ordre illégal, l’Agent de la Police Nationale ne remplit pas sa  fonction destinée à rendre un service à l’État, lequel est au service du peuple mais plutôt se comporte comme un fonctionnaire dans la situation d’une armée civile, corvéable à merci, et ne devant se poser aucune question, quel que soit l’ordre qui lui est donné. Il s’agit là d’une obéissance servile qui est source des pires atrocités.

Doit –on encore rappeler que des cas existent au Bénin et certaines personnes victimes se sont vues condamnées alors même que les donneurs d’ordre (les Chefs hiérarchiques) ont été déclarés irresponsables.

Selon le Conseiller d’Etat français, Christian VIGOUROUX, « le fonctionnaire n’est pas fait pour avoir l’encéphalogramme plat pour être un porteur de serviette ou un domestique », il doit être un homme responsable c’est-à-dire s’impliquer, s’engager, décider, assumer et réparer. Dans ce contexte, les agents de la Police Nationale doivent se considérer comme des « citoyens » c’est-à-dire des serviteurs de la République.Il est donc d’une impérative nécessité de savoir que tous les ordres ne doivent pas être exécutés sans discernement.

Serge Prince Agbodjan
Juriste

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