Pour une société du dialogue

Vous  l’aurez remarqué : le dialogue ne s’impose à nous que comme un recours. A l’image d’une bouée de sauvetage pour naufragé luttant avec l’énergie du désespoir pour se tirer d’affaire.

Publicité

Nous ne parlons de dialogue, dans notre bon et beau pays, que quand nous avons déjà tout tenté, tout essayé. Acculés, nous nous engageons à abattre notre dernière carte. Sur le mode de « advienne que pourra ». Ce proverbe veut dire exactement: qu’il en résulte ceci ou cela, peu importe.

Nous ne dialoguons, au Bénin, que parce que contraints et forcés. Le dialogue n’est pas encore, chez nous, une culture. Il ressemble encore à s’y méprendre à un jeu d’anciens combattants. Ayant déjà perdu la guerre, ceux-ci cherchent à se consoler en rappelant le souvenir de l’une de leur bataille gagnée. Ils pensent ainsi se donner bonne conscience de n’avoir pas tout à fait perdu la guerre.

L’exemple le plus éclairant à cet égard, c’est le face à face actuel entre le gouvernement et les syndicats des enseignants. Les deux parties dialoguent, nous dit-on, pour éviter les  tensions et les soubresauts qui vicient tout. Ces accidents de parcours pourraient blanchir l’année scolaire à la chaux des grèves, des sit-in et des marches. Les enseignants n’ont-ils pas plus d’une flèche dans leur carquois ? Le dialogue, ici, n’est pas de règle. C’est un accident. Il est de l’ordre d’une exception.

Voilà en pointillé le diagnostic du mal social qui ronge notre pays. Nous ne nous parlons pas vraiment. Nous nous méfions les uns des autres. Nous n’avons pas une culture de dialogue qui amène toutes les parties à pratiquer le « devoir de s’asseoir », avec la volonté d’abattre toutes les cartes pour un échange ouvert, confiant et sincère. Le dialogue dont nous nous gargarisons est encore à inventer.

Publicité

En faisant l’option d’une société où toutes ses composantes sont en dialogue, nous nous rendrons compte que nous avons tant de choses à nous dire. Nous lèverons tout aussitôt les équivoques regrettables, les malentendus déplorables. Nous réinstaurerions la confiance entre des gens qui doivent s’admettre comme des partenaires. Dieu sait qu’ils n’ont aucune raison de se méfier les uns les autres.

Dialogue parents-enfants. Ne fermons pas les yeux sur  l’absurde situation de gens qui vivent sous le même toit et qui s’ignorent. De parfaits étrangers qui se regardent en chiens de faïence. Le pont entre parents et enfants est tombé depuis longtemps dans plus d’une famille. Il a été balayé par un vent de mépris et d’indifférence. On se côtoie sans se parler vraiment. Au mieux, on se tolère. Quelle éducation dans ces conditions ? Quel héritage transmettre à qui ? Quelle continuité possible dans la chaîne des générations ?

Dialogue autorités-handicapés. Oui, nous nous honorons d’avoir un ministère en charge des personnes handicapées. Mais les marginalisés dans nos sociétés n’ont pas toujours droit à la parole ou voix au chapitre. Au mieux, on parle pour eux. On décide pour eux. On aurait tellement voulu, dans l’esprit d’un dialogue fécond, que les handicapés de notre pays déroulent leurs cahiers de doléances, disent ce qu’ils ressentent, laissent parler leurs cœurs. Ils nous édifieront de leur droite vérité. Cessons de les prendre tels que nous les voyons ou tels que nous voudrions les voir.

Dialogue justiciables- hommes et femmes de justice.  Le temple de Thémis, la déesse de la Justice et de la Loi chez les Grecs, est presque partout regardé avec vénération et crainte. Pouvoir est donné à des hommes de juger d’autres hommes et de leur infliger des peines et des sanctions qu’appellent leurs forfaits. C’est un pouvoir colossal. Il ne devrait pas isoler ceux qui   l’incarnent. Bien au contraire. Il devrait plutôt rapprocher ceux-ci de tous les usagers de la justice. Quand on dit que nul n’est censé ignorer la loi, on sait, en conscience, que les voies du droit sont fort complexes. Que les spécialistes veuillent donc descendre dans l’arène à la rencontre du bon peuple. Rendons-lui justice de sa soif de connaître et de savoir.

Enfin, le dialogue des religions. Ici, tout devrait aller bien et de soi. Ne sommes-nous pas entre institutions se réclamant du seul et unique Dieu? Dès lors que l’on ne dispose que d’un seul chapeau pour couvrir tout le monde, il peut paraître indécent de chercher à faire prévaloir une tête contre toutes les autres. « L’Eternel est vivant, clame le psalmiste, et béni soit mon rocher ! Que le Dieu de mon salut soit exalté » Psaumes 18, verset 47.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité