Procès de Me Lionel Agbo : les dossiers renvoyés au 17 et 24 octobre 2012

Le procès Lionel Agbo, pour diffamation et offense au chef de l’Etat a débuté hier au Palais de justice de Cotonou. Après environ quatre heures de débats, les deux dossiers pour lesquels l’ancien porte-parole de la présidence de la république a été traduit devant les tribunaux ont été tous reportés.

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C’est sérieux!

Et ce n’est apparemment pas une comédie « politico-judiciaire ». Le procès Lionel Agbo aura lieu. Comme annoncé, Me Lionel Agbo, ancien porte-parole de la présidence de la république, a comparu hier devant un juge correctionnel au Tribunal de première instance de première classe de Cotonou pour un procès dans lequel il est accusé par le président de la république et son cabinet civil, de «diffamation et offense au chef de l’Etat». Il sonnait à peu près 11 heures (locale), quand le prévenu, Me Lionel Agbo, vêtu d’un ensemble costume de couleur bleue, chemise blanche et cravate bleu-blanc zébré, a été appelé à la barre dans la salle d’audience E du Palais de justice bondée de monde (journalistes, amis et proches du prévenu et autre curieux). Au prétoire, à la droite du président de l’audience, les avocats des plaignants ; un collectif de cinq avocats à la tête duquel se trouve, Me Kato Atita. Et à la gauche du président,  les avocats de la défense.  Il s’agit d’un collectif d’une vingtaine d’avocats avec à sa tête Me Alfred Pognon, ancien bâtonnier. La salle d’audience était entièrement pleine.

Que d’exceptions!

Pour cette première audience, les débats ont porté sur la forme, « les préalables», selon les techniciens du droit. Le premier dossier ouvert est celui relatif à la diffamation. Après une première tentative de demande de report, sur la base de l’exception de bons offices, sans succès, les avocats de la défense ont pu obtenir le report du dossier en évoquant l’exception d’inconstitutionnalité «en vertu de toutes les dispositions de la Constitution et des lois».  «Le dossier relatif à la diffamation a été renvoyé au 17 octobre 2012 pour permettre à la défense de formaliser l’exception d’inconstitutionnalité», a précisé l’un des avocats. Le second dossier est celui de «l’offense au chef de l’Etat». Il a subi le même sort que le premier : reporté, mais au 24 octobre 2012. Le prévenu a demandé que le délai d’ajournement qui est d’un mois dans le cas d’espèce soit respecté en vue de lui permettre d’organiser sa défense, selon un autre avocat. Me Lionel Agbo, faut-il le rappeler, a été traduit en justice pour avoir tenu des propos sur «la grande corruption» dans  l’entourage du chef de l’Etat lors d’une conférence de presse qu’il a animée le 18 septembre dernier au Codiam à Cotonou.  Se prononçant sur les limogeages dans l’affaire de corruption dans le dossier du port sec de Tori, il avait déclaré : «Je ne suis pas surpris. Qu’on vienne jeter en pâture quelques cadres qui ont pris de l’argent pour signer un dossier, c’est malhonnête.» Il y a des gens au Palais de la Marina que «je connais qui font énormément fortune. Ils sont aujourd’hui milliardaires. Et je dis très humblement au chef de l’Etat qu’il  sait que je sais et qu’il sait ce que je sais.»  Le cabinet civil du président Yayi et lui-même ont jugé ses propos «diffamatoires» et «offensant» le chef de l’Etat.

Les motifs des reports expliqués

Des avocats ont expliqué à la presse à la fin de l’audience, les termes «exception de bons offices», «exception d’inconstitutionnalité» et le «délai d’ajournement».  L’exception de bons offices a rapport avec la déontologie et le règlement intérieur de l’Ordre des avocats. Selon la déontologie et les textes qui régissent l’Ordre, quand un des leur est appelé à comparaitre pour une affaire, les bons offices du bâtonnier sont sollicités pour un règlement à l’amiable. Les avocats de la partie plaignante ont écrit au bâtonnier, mais ce dernier n’a pas répondu. Et pour le respect de cette procédure, les avocats de la défense peuvent donc demander le report de l’audience. L’exception d’inconstitutionnalité est un moyen de défense qui consiste à montrer que la Constitution a été violée dans le cadre d’une accusation. Dans ce cas, la Cour constitutionnelle est saisie pour juger de la constitutionnalité du dossier. Le délai d’ajournement est quant à lui la période qui sépare la date de réception de la plainte par le prévenu de celle de l’audience. Ce délai constitue pour le prévenu la période de préparation de sa défense. Et en cas d’offense au chef de l’Etat, le délai d’ajournement est d’un mois au minimum, a-t-on appris.

Des bruits de bottes hier au palais de la justice

Une journée peu ordinaire dans la vie de Me Lionel Agbo. Comme toutes les autres d’ailleurs et particulièrement celles qui retiennent l’attention (les 21 et 25 septembre 2012, respectivement pour la convocation au commissariat central de Cotonou et la notification des quatre citations directes du palais de la Marina) depuis sa sortie médiatique en date du vendredi 18 septembre dernier. La toute dernière comparution – ce mercredi – de l’ancien conseiller spécial du chef de l’Etat et ancien porte parole de la présidence de la république aura alerté la plupart des usagers de l’artère passage supérieur de la barrière-Palaisde la Marina. Il est 08 heures. Difficile de passer sur ce tronçon surtout pour les véhicules à quatre roue. Seuls les motocyclistes, par d’interminables subterfuges parviennent  à hauteur du carrefour de la mosquée Cadjèhoun pour comprendre les raisons de cet embouteillage. Un impressionnant dispositif sécuritaire composé des agents Crs et de gendarmerie nationale ont barricadé la voie donnant accès à l’église bon pasteur. Plus loin, juste à l’entrée principale de la rue qui débouche directement au fronton du palais de la justice, la réalité est toute autre. Ici tout parait plus calme. Mais n’entre pas qui veut. L’accès étant subordonné à la présentation d’une pièce justificative et une carte professionnelle pour les journalistes. Les quelques rares personnes qui ont réussi à franchir cet obstacle doivent ensuite gérer les «caprices» d’un autre corps armé, disposé à l’entrée du Tribunal de première instance de Cotonou. Avant d’accéder à la ‘’grande maison justice’’ où, «la star du moment» le mis en cause, Me Lionel Agbo très matinal, discutait avec ses paires vêtus de toge et quelques membres de sa famille l’air serein et aux lèvres un sourire, de quoi surmonter le stress. Il est 09 heures 30 minutes. Quelques figures de proue de la vie sociopolitique du pays font leur entrée au palais de la justice. Gaston Azoua de la Cstb, Dieudonné Lokossou de la Csa-Bénin, Jacques Ayadji du Syntra-ttp, Laurent Mètongnon de la Fésyntra-finances, les anciens ministres Richard Sènou et Gaston Zossou, une vingtaine d’avocats (de la défense) et d’autres personnalités tous venus pour soutenir l’avocat. «Ma confédération soutient les propos de Me Lionel Agbo… laisse entendre Dieudonné Lokossou. Ce sont les corrupteurs et les corrompus qui doivent être assignés et non celui qui a osé les dénoncer. Je suis prêt à aller en prison avec lui», a-t-il ajouté. Et à son collègue de la Cstb de renchérir «on ne peut pas punir un citoyen qui n’a fait que donner son opinion. Nous devons nous mobiliser pour empêcher les multiples entraves aux libertés dans notre pays. C’est ce qui justifie notre présence ici ce matin». Les autres  personnalités se sont abstenues de toute déclaration. L’audience prévue pour 08 heures a démarré un peu avant onze heures pour prendre fin après quatre heures de débats houleux. Le procès terminé, le sourire revient sur presque tous les visages. Plus serein qu’au départ, Me Lionel Agbo ne fera aucune déclaration à la presse pourtant déterminée à lui arracher quelques phrases. Sourire aux lèvres, il regagne son véhicule, salue l’assemblée et se sauve. Ses avocats aussi.
Euloge Quenum

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