UN « PATER NOSTER » DE TROP : Contre les errances et les déviances de l’Etat Laïc au Bénin

(L’article posthume de  Guy Landry Hazoumé) L’article qui suit est écrit par le Coordonnateur de « Conscience Patriotique et Démocratie » ; cette contribution à la réflexion collective de nos compatriotes  devait faire l’objet de nos discussions le 21 Août 2012, jour où notre camarade Guy Landry HAZOUME  a eu le malaise qui l’emporta le lendemain.

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  Sa plume nous fera défaut désormais hélas ! Nous renouvelons nos condoléances à sa famille et la remercions de nous avoir permis d’entrer en possession de cet écrit.

‘’Parmi cent stratégies de conduite, la tolérance est la première’ (Confucius)

Parmi les cérémonies de lancement officiel, des épreuves des examens de la dernière année scolaire, nous avons retenu particulièrement une ; celle du BEPC au Collège Père AUPIAIS de Cotonou. En présence du Ministre de l’Enseignement Secondaire, et donc d’un représentant de l’Etat et du Gouvernement, un prêtre catholique installé au podium officiel dit un “PATER NOSTER“ repris ou plutôt ordonné à l’Assistance. Si l’on sait que cette prière cordiale, et primordiale, de la liturgie est au centre de toutes les messes et de toutes les célébrations des Eglises catholiques romaines, on doit convenir que le spectacle offert et organisé est provoqué et d’intention dominatrice. Il est celui, en dehors de toute célébration œcuménique annoncée, d’une remise en question publique de ce que doit représenter, incarner et sauvegarder l’Etat Laïc.

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Le débat sur la laïcité

                Il ne s’agit pas alors, à notre sens, d’une manifestation mineure, ou banale. Car ce spectacle insolite s’ajoute surtout à cet emballage religieux et de cette propension quotidienne à imposer une forme insidieuse de terrorisme évangélique dans l’univers civique et politique. Ainsi doit-on pour, conquérir une sorte de légitimité supplémentaire et quasi-sacrée, proclamer sa “crainte de Dieu“ ou du “SEIGNEUR“ et recouvrir tous ses actes et projets de la couverture de citations et d’exemples bibliques. Il y aurait ainsi une évidence philosophique nouvelle après celle du “Cogito ergo sum“ (je pense donc je suis) pascalien. Celle qui établirait la vérité suivante : « je crois donc je suis». Evidence et nécessité réelles et vitales où la religion équivaudrait à l’air que l’on respire, et où l’invocation de Dieu et du Seigneur constituerait une démarche naturelle et imposée, dès qu’il faut dire son projet politique, et balbutier ses choix sociaux ! Mais le problème de ce “PATER NOSTER“ à la cérémonie de lancement du BEPC est véritablement simple. Il introduit en effet une contrainte et une posture rituelles, injustifiées et injustifiables, dans une salle d’examen où la présentation du Livret de Catholicité n’était nullement exigée à l’entrée !

                Le temps du débat citoyen sur la neutralité exigeante et totale de l’Etat laïc, par rapport à la pratique libre des cultes de la sphère des croyances religieuses, doit donc revenir et interroger notre conscience démocratique.

Peut-être devrions-nous dire en poursuivant notre quête de la vérité et de l’équité laïques, que la religion est (comme on l’a par dérision dit pour la guerre et les militaires) une chose trop sérieuse pour être confiée aux religieux !

Le paysage urbain quotidien, l’environnement et le matraquage médiatique, la propagande “urbi et orbi“ qui recouvre les murs de nos administrations publiques de versets bibliques ; d’extraits de l’Evangile, et d’icônes chrétiens, ont certes sédimenté un relief incommensurable d’habitudes acquises et de gestes faussement normaux. L’on ne compte plus aussi le nombre de prières, ou d’offices religieux dits et célébrés dans les locaux de l’Etat et de l’Administration, et en plus diffusés sur commande sur nos chaînes d’information audio–visuelle. L’on ne compte plus le nombre de grappes de prières qui transforment bureaux et salles de réunion des administrations en temples du Christ, avec une facilité et une régularité qui ne tiennent leur légitimité anti-laïque que de certaines solidarités évangéliques, entretenues et encouragées depuis le sommet de la pyramide de l’Etat.

                Or l’on ne saurait lutter contre l’intolérance religieuse, certaines velléités théocratiques, et les menaces rampants de l’obscurantisme militant, qu’en préservant un Etat laïc, en consolidant la laïcité, organisant et développant un mouvement d’idées laïciste, pacifique, et réconciliateur de toutes les croyances diverses et colorées du tissu religieux national ; un riche et véritable arc-en-ciel à préserver !

                Car, en dehors du discours conventionnel et du détour presque protocolaire par la volonté de “Dieu Tout-Puissant“ et la grandeur invisible du “Général des Armées“, il existe un chemin de vérité et d’équité que la conscience laïque doit ouvrir ici et maintenant. Afin d’une part de démasquer tant de tartufferies, et d’exposer toutes les bigoteries qui rivalisent d’ardeur et d’hypocrisie sous nos cieux de “pays béni par le Seigneur“.

                Le principe et le droit nous paraissent en effet simples et clairs sur ce terrain de la laïcité promue et défendue. Ils ne chercheront qu’à encourager et protéger la légitimité de la croyance religieuse, et de la pratique des cultes religieux, tant qu’elles se maintiendront dans des cadres et des lieux d’expression et de manifestation privés et non ostentatoires et surtout non provocateurs à l’égard de chapelles ou de professions de foi différentes.

                Coexistence et Paix constitueraient ainsi pour un Etat Laïc des préoccupations et des digestifs qui nourriraient la tolérance et la sécurité publique ; refuseraient d’entretenir l’arrogance et la cupidité de tant de nouveaux pasteurs et de nouveaux prophètes autoproclamés des lieux de “miracles !“.

                Assurer l’esprit de tolérance des religions entre elles, et empêcher leur ingérence dans la sphère de l’Etat et de l’Administration des collectivités publiques, doivent donc constituer les socles d’un exercice démocratique de la laïcité.

Dans notre pays et notre société, l’Etat Laïc reste encore largement à découvrir et à instituer. Et il faut pour en garantir la pérennité et le fonctionnement régulier et satisfaisant, maintenir un débat constant sur son mode de fonctionnement, en défendre et promouvoir, la légitimité et la régularité des formes d’existence.

Tolérance absolue

Certains esprits hostiles ou malins pourraient à ce sujet vouloir légitimer une époque ou une esquisse de théocratie [ou de parrainage divin de l’Etat], en recourant à un syllogisme né de notre propre Constitution. Lorsqu’en effet le Président de la République du Bénin prête serment devant “Dieu et les Mânes de nos Ancêtres“, rien ne saurait selon ces citoyens zélés de la Cause prophétique rendre illégitime la présence et le recours à l’Eternel dans les actes de la vie administrative et le gouvernement de l’Etat. Mais la croyance en cet être suprême ou ce prophète divinisé sans en instaurer un culte officiel comme à certaines époques de la Révolution française – resterait un fait de culture (peut-être !) ou un héritage de civilisation pour certains constitutionalistes. Et cela ne devrait pas nous conduire, fatalement et mécaniquement à un gouvernement des citoyens de forme et d’inspiration théocratiques ; sous le contrôle absolu “d’appareils idéologiques d’Etat“ d’essence religieuse. Tant de chapelles, par ailleurs, de congrégations et de sectes se bousculent aux portes du paradis de la Divinité Suprême, que nul ne saurait établir qui en est le meilleur messager ou le meilleur disciple et missionnaire. Nous ne commettons aucun péché de “relativisme“ en soulignant ce doute énorme et terriblement têtu de réalité historique !

La  vocation de l’Etat laïc étant d’assurer une  égalité entre les cultes, une équité entre les institutions de la vie religieuse, tout devrait justement nous conduire à une tolérance zéro de l’intolérance dans ce domaine de sensibilité extrême. Rétablir et consolider la laïcité de l’Etat, ne saurait ainsi correspondre à ce que certains procès d’intention – ou des faux procès – qualifieraient “d’anti cléricalisme primaire“. Aucun clergé et aucune institution religieuse ne devrait redouter le règne codifié et vigilant de la tolérance absolue, si le prosélytisme dogmatique et sectaire ne constituait sa raison d’être. Et surtout l’Etat – comme à certaines heures glorieuses de l’Empire colonial – n’assure plus, (ce dont nous pouvons au moins remercier le gouvernement colonial et le mouvement démocratique et laïc dans notre ancienne métropole !) une protection prioritaire et armée à une œuvre quelconque d’évangélisation.

Personne ne songe désormais à légiférer sur la religion et à la bannir comme un “opium des peuples“, ni à imposer et instituer un Etat sans Dieu. Seuls la pratique et le rayonnement de leur Foi, sauront distinguer certaines Eglises et beaucoup de leurs laïcs impatients, de ce troupeau – bien humain et reconnaissable hélas – d’imposteurs et de faux prophètes, qui peuple les pâturages de péchés et de vertus mêlés de notre humanité de souffrances, d’inégalité et de “désordres établis“.

Un nouveau facteur, dont l’urgence radicale vient imposer la nécessité d’une consolidation de l’Etat laïc et d’une adhésion large et populaire aux codes et obligations légales de la laïcité, est celui de l’Islamisme.

Avec leur lot tragique de sang, de violences et de terreur, et leur aveuglement obscurantiste, les formes actuelles d’agression islamiste confèrent ainsi une valeur nouvelle et une actualité extraordinaire au combat pour la Laïcité.

De la Somalie au Nigéria, et plus récemment au Mali, le terrorisme islamiste s’organise en colonnes de “fous de Dieu“ et en cohortes armées d’envoyés “infaillibles d’ALLAH le Tout–Puissant“. Il sévit et installe sur notre Continent l’une des aventures théocratiques les plus sanglantes et les plus intolérantes depuis des siècles.

La nécessité historique d’une défense de la laïcité n’en est donc que plus nette et évidente pour ceux qui douteraient encore de son extrême fragilité dans nos corsets actuels d’incomplétude démocratique, de pauvreté et de corruption dominantes.

La seule voie qui reste productrice d’émancipation démocratique, de liberté et d’équité, ne s’ouvrira qu’à travers un chantier permanent de mobilisation et d’éducation pour la laïcité.

L’Etat, avec toutes ses institutions constitutionnelles, par des actions et une législation qui devront être définies, et répertoriées, orientera et supervisera cet énorme chantier.

Les Partis et la “Société Civile“ feront également leurs propositions et exposeront dans des relevés précis de tâches spécifiques, les modalités de leur contribution.

Les Eglises, missions et couvents endogènes eux-mêmes seront des parties prenantes privilégiées dans ce débat, et cette entreprise d’humanité et de vertu. Car telle est, nous semble-t-il, dans la charité et la tolérance proclamées et prêchées, leur vocation originelle !

Enfin, le combat suprême et la “mère des batailles“ devront s’engager dans le peuple et avec le peuple.

Par nos programmes d’éducation scolaire, et un discours constamment audible et répétitif sur les vertus intrinsèques et les valeurs inégalables, l’Etat laïc et la Laïcité ajouteront à notre Liberté et notre progrès. Et ces valeurs ajoutées resteront aux yeux de l’histoire toujours et partout inestimables.

Guy Landry HAZOUME
Pour ‘’Conscience patriotique et Démocratie’’

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