Au pays du travail inachevé

Bienvenue au pays du travail inachevé. Nous excellons à poser les premières pierres. Nous nous surpassons pour ouvrir des chantiers. Mais nous avons le chic pour ne pas savoir les conduire jusqu'à leur terme.

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Regardez ce paysage désolant et désolé qui traverse le pays comme une vilaine balafre: des ouvrages qui attendent d'être achevés, des réalisations à peine entamées, mais abandonnées depuis à la brousse ou confiées  aux fantômes de l'oubli. Du Nord au Sud, le même et triste désert de nos travaux en panne, de nos chantiers à la peine.

Commençons notre voyage par Porto-Novo, la capitale administrative et politique de notre pays. Le bâtiment appelé à abriter le Parlement béninois, après s'être arraché, dans la douleur, aux eaux boueuses du bord de la lagune de la ville, n'avance plus. Les ouvriers se font de plus en plus rares. Le bruit naguère continue des machines a fait place à un silence inquiétant. La fièvre est tombée de plusieurs crans. Tout se conjugue au passé. Les députés s'en sont inquiétés. Le gouvernement aura à répondre, le 8 novembre, à leur question orale. Qu'est-ce qui explique le retard observé dans l'exécution des travaux du dit ouvrage?

A quelques encablures de ce bâtiment, l'immeuble de verre appelé à abriter le siège régional de la Chambre de Commerce et d'Industrie du Bénin (CCIB) dresse sa belle silhouette. Mais ne vous y fiez pas: le contenu est loin, bien loin d'avoir la prestance du contenant. Ceux qui parlent de coquille vide ne parlent qu'en leur nom. Dans tous les cas, les héritiers de ce bébé prématuré, ont du grain à moudre. Ils ont du pain sur la planche. Souhaitons-leur bon appétit.

Rallions vite Cotonou, notre capitale économique. Que dire exactement du chantier de l'échangeur de Godomey? Celui-ci, excusez du peu, avait été projeté comme l'un des   plus grands, l'un des plus importants ouvrages du genre en Afrique de l'Ouest. La vérité, c'est que nous en avons plus dit que nous n'en avons fait. Et puis, apparemment,  les travaux ne sont pas terminés et l'ouvrage n'a jamais encore été réceptionné officiellement par qui de droit.

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Attention: la longue éclipse de la Chambre de Commerce d'Industrie du Bénin (CCIB), ne l'a pas fait disparaître  de nos institutions. Le toilettage de ses textes de base, les réformes induites pour la mettre dans l'air du temps, l'adapter aux mutations d'un monde qui se globalise, ont ouvert un vaste chantier que nous ne savons pas depuis refermer. Le réformateur en chef a jeté les gants sans avoir clos l'ouvrage. Le Bénin, depuis, n'a pas de Chambre de Commerce et d'Industrie. Apparemment, cela ne gêne personne. Il ne peut en être autrement au pays où le provisoire est la règle, le précaire, la norme.

C'est à peu près une expérience similaire que nous vivons avec le football. La tête de celui-ci, à travers sa Fédération, est tout en pointillés. La guerre des chefs divise la maison football. On attend que le droit soit dit par les instances judiciaires ad hoc. On saura alors qui est le vrai capitaine aux commandes du navire. En attendant, personne ne peut faire comme si tout va bien, tout le monde se résout à accepter que tout va mal. Pauvre football!

Accélérons notre marche pour passer en revue quelques autres chantiers désaffectés, des chantiers qui attendent désespérément de revenir à leur vocation première ou de  revenir à la vie tout court. Les ports secs sont une découverte pour les Béninois. En dehors de celui de Cotonou qui marche plus ou moins bien, les autres ports secs sont morts avant même de naître. C'est le cas du port sec de Parakou, du port sec de Tori-Bossito, du port sec d'Allada. Une forte odeur de corruption flotte dans l'air.

Terminons par deux grands et beaux rêves. Malheureusement, au pays du travail inachevé, ces rêves ont tourné bien vite en un affreux cauchemar. Les Béninois, gens croyant, s'en remettent au Très Haut. La turbine à gaz de Maria-Gletta dans les faubourgs d'Abomey-Calavi a juste fonctionné comme une idée anti- délestage. Depuis, plus rien. L'aéroport de Tourou, dans le septentrion, a juste flatté notre ego de voir le Bénin indépendant se doter d'un deuxième aéroport. Depuis, plus rien. Terminons comme nous avons commencé: bienvenue au pays du travail inachevé.

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