Développement: de la lettre à l’esprit

Développement. Voilà le refrain qui rythme les jours et les nuits de tous les pays sous-développés de la terre. Le développement est ainsi devenu la terre promise vers laquelle marchent tous les "damnés de la terre".

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Il est envisagé, dans les têtes et dans les esprits, comme une ligne d'arrivée victorieusement franchie au terme d'une course longue et harassante. On comprend que ce soit le mot le plus usité sous nos latitudes déshéritées. Mais à force d'être mis à toutes les sauces, tel un arôme magique destiné à relever indistinctement tous les mets, le développement  s'use, au sens propre et au sens figuré. Le mot n'a plus de sens précis. Il se prête à tous les usages. Il sert à couvrir tous les simulacres.

Nous n'avons pas la prétention de faire dire au développement ce qu'il veut dire. Nous n'en avons point les moyens. Mais nous pouvons essayer de dire ce que le développement n'est pas, ce que le développement ne saurait être ni ici ni ailleurs. Et c'est peut être en explorant ce versant-là du mot que l'autre versant pourrait se révéler et nous faire ainsi découvrir ce que le développement est, ce qu'il doit tendre à devenir. Nous avons retenu trois paramètres pour soutenir notre démonstration.

Premier paramètre. Le développement n'est pas la juxtaposition de groupes sociaux que tout pousserait à se haïr et à se combattre. D'un côté, une poignée de nantis n'ayant que des droits. De l'autre, une masse de déshérités n'ayant que des devoirs. Des nantis qui bénéficient d'un statut social avantageux et qui jouissent de relations privilégiées. Des déshérités pauvres comme Job, taillables et corvéables à merci. Ils n'ont plus qu'à se soumettre ou qu'à se démettre, plus précisément qu'à se suicider.

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L'Afrique du Sud de l'apartheid a incarné un tel modèle de société jusqu'à la caricature. Une minorité gourmande et à l'appétit vorace, blanche de surcroît, s'était accaparée toutes les richesses du pays. Après qu'elle eut relégué la majorité autochtone noire dans les cachots à ciel ouvert des bantoustans. Les immenses ressources du sol et du sous-sol de l'Afrique du Sud n'ont ni promu cette minorité blanche ni assuré à celle-ci un pouvoir politique fort et stable.  L'injustice à l'oeuvre a étouffé dans l'oeuf tout espoir de développement. Comme si le pays s'était condamné à l'avance. Comme si le pays portait en lui les germes de son propre anéantissement.

Deuxième paramètre. Le développement n'est pas la fétichisation de l'argent érigé en mesure de toute chose, opposable, comme tel, à tout, même à une vie humaine. Voilà où nous ont conduit les excès et les outrances d'un capitalisme sauvage qui ne se reconnaît aucune limite. Dans des sociétés capitalistes, alors regardées comme développées et nanties, l'argent était le régulateur,  le métronome de la société. Tout se vendait. Tout s'achetait. Tout avait un prix.

Mais comme l'indique la sagesse des nations: "Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse". La récession frappe de plein fouet la plupart des pays développés. Des faillites retentissantes et en cascades ont fini de plonger la société dans le trou noir, sans qu'on sache d'où viendra le salut. L'Etat est en cessation de paiement, multipliant des plans d'austérité qui ne font qu'aggraver le mal. Ce désordre mortel n'est pas arrivé par hasard. Il signe la faillite d'un modèle de développement. Les populations, à la base, paient de leur sueur, de leur sang, si ce n'est de leur vie la gourmandise des bouffe-tout. Ceux-ci ont fait de l'argent leur dieu. Ils lui vouent un culte, chaque jour, en son sanctuaire à la Bourse de New York, de Londres ou de Paris. Ce sont des milliards de dollars virtuels qui  transitent de compte en compte, favorisant toutes les triches, encourageant toutes les arnaques.  

Troisième paramètre. Le développement n'obéit  point qu'aux seules lois du marché. Parce que le développement est d'abord et avant tout une initiative humaine dont les fins ultimes doivent servir l'homme. Or, comme on le sait, l'homme ne vit pas que de pain. Même si, dans ses prétentions technicistes et hégémonistes,  l'Occident capitaliste a poussé l'outrecuidance jusqu'à proclamer, comme l'a fait Nietzsche, la mort de Dieu.  Un modèle de développement  sans la crainte de Dieu, donc sans référence aux lois de la nature, donne la priorité à la courbes des intérêts, au gain et au profit. En somme, chacun s'assied et le capital le pousse. Rappelons Joseph Ki-Zerbo, pour nous rappeler son mot célèbre: "On ne développe pas, on se développe". Pour dire que dans tout développement, l'homme est premier. Mieux, il est l'alpha et l'oméga de tout développement.

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