Dossier : ultimatum du Chef de l’Etat aux vendeurs de «kpayo»

(Bientôt 49150 «nouveaux chômeurs» Menace sur le panier de la ménagère) Dans un mois, les étalages d’essence frelatée communément appelée «kpayo» devront disparaître. Cette décision du gouvernement ne se fera pas sans conséquences sociales sur les revendeurs de produits en provenance du Nigeria et des menaces planent déjà sur le panier de la ménagère déjà vide.

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Que deviendront les «49150 fraudeurs» de l’essence frelatée provenant de chez «le grand voisin de l’Est» ? C’est bien là une des préoccupations majeures auxquelles acteurs de la vie sociale et mêmes politiques devront trouver réponse dans le délai très court d’un mois. En attendant cela, les résultats des investigations menées par notre équipe de rédaction n’augurent rien de bon. Les 49 150 personnes (selon les chiffres de la Sonacop) qui exercent directement dans la vente illégale de l’essence frelatée pour subvenir aux besoins vitaux de leur famille se retrouveront bientôt sans occupation et viendront gonfler, sans grand doute, le nombre chaque jour croissant de sans-emplois dans le pays. Car, il faut le dire, il est impossible de «faire la reconversion de tous les revendeurs de l’essence «Kpayo» en pompiste dans les stations et mini-stations du pays». Encore que ces dernières sont  dénombrables du bout des doigts. L’on se demande aussi, si les opérateurs formels privés que sont les transporteurs et marketeurs qui assurent 60% du marché formel voudront mettre la main à la patte ? Si comme, lors de la crise du «kpayo» en janvier dernier, ils sont réticents et ne rouvrent pas leurs stations et mini-stations fermées depuis plusieurs années du fait de la concurrence déloyale de l’essence frelatée, le problème sera plus accru. Cette situation impactera, tel que le prédisent déjà certains citoyens, sur la sécurité intérieure. «Si les gens n’ont pas d’emploi et les petits commerces qu’ils initient pour pouvoir joindre les deux bouts sont encore interdits, il ne serait pas étonnant de voir certains s’adonner à des sales besognes notamment le vol», prévient Patricia, une mère au foyer.

Dans l’approvisionnement des populations en produits pétroliers, il pourrait également se poser un problème du fait du nombre très réduit de stations et mini-stations. Le long du trajet Carrefour Kpota dans la commune d’Abomey-Calavi au stade de l’Amitié de Cotonou, seulement deux stations services situées pratiquement aux deux extrémités ont été dénombrées. On imagine également le calvaire des populations dans les longues files d’attente à n’en point finir qui se formaient devant les quelques stations dans la ville de Cotonou. Avec par endroit des ruptures de stock comme ce fut le cas en janvier dernier. Sur les denrées alimentaires de première nécessité, des menaces planent également. Et cela sur le prix. Qu’il vous souvienne que le «kpayo» occupe la grande part du marché de pétrole au Bénin et les diverses crises enregistrées dans le secteur ont permis de mesurer l’impact sur le transport. Ce qui n’a pas manqué d’impacter le prix  des produits vivriers en provenance de l’intérieur du pays. Dans le rang des mères au foyer, on croise déjà les doigts tant le panier de la ménagère ne cesse de maigrir avec le chômage grandissant et un pouvoir d’achat encore faible.
Yao Hervé Kingbêwé

Une décision louable sur fond d’inquiétudes

Dans un mois, la vente de l’essence frelatée  va prendre fin au Bénin. C’est du moins ce qui se passera, si l’ultimatum d’un mois donné aux vendeurs d’essence frelatée par le chef de l’Etat venait à être respecté. Cet ultimatum, le président Boni Yayi l’a lancé le week-end dernier alors qu’il recevait dans la salle du peuple du Palais de la présidence de la république, les femmes bénéficiaires du programme micro-crédit au plus pauvre. Elles ont tous fait le déplacement de la Marina pour ne pas ramer à contre-courant de la vague de soutien et sympathie au chef de l’Etat depuis le début de cette rocambolesque affaire de la présumée tentative d’assassinat manqué dont il aurait été victime. Et depuis l’annonce du président Yayi, les analyses et commentaires vont bon train sur une mesure jugée louable mais dont les implications et la faisabilité suscitent débats. La fin du kpayo signifie une augmentation de recettes fiscales pour l’Etat. Tout comme les autres entreprises formelles de commercialisation de produits pétroliers, la Sonacop, société étatique est aussi plombée par la vente du Kpayo. Selon des sources internes à la Sonacop, si la société tourne au plein de sa capacité, c’est plus de 80 milliards de recettes fiscales qu’elle pourrait verser à l’Etat. Cela est sans compter avec les recettes fiscales des autres compagnies privées et les emplois que cela va permettre de créer.  Si l’ultimatum du chef de l’Etat reçoit un écho favorable, dans un mois, les hangars de vente de kpayo, les bidons d’essence exposés le long des voies des villes du pays avec tous les risques sécuritaires y afférents vont disparaitre. On ne verra plus au Bénin, ces images de voitures grosses cylindrés, qui garent le long des trottoirs pour se faire ravitailler en essence par des enfants en âge d’aller à l’école devenus «travailleurs». Et à quel prix? Avec l’annonce de cet ultimatum, les environnementalistes, urbanistes et activistes du droit des enfants doivent se frotter les mains. Cela dit, la vente du kpayo, devenu un problème sociologique ne peut être résorbé sur la base d’un simple ultimatum d’un mois donné aux commerçants. Selon des statistiques, le secteur de commerce de vente illicite d’essence emploie plus de 5O mille personnes. Ce qui signifie que ce commerce constitue le gagne-pain de milliers de personnes. Le principal défi de cette lutte contre le kpayo reste et demeure la reconversion des vendeurs de Kpayo. Il y a aussi le problème de l’inexistence et le manque de stations-service dans certaines zones rurales et urbaines du pays. Le régime Yayi avait essayé en 2006-2007 une guerre contre le kpayo. Elle l’a perdue vue la complexité du problème. On est impatient de voir l’alchimie auquel le gouvernement va recourir pour déminer cette bombe socio-économique. Vouloir éradiquer la vente du kpayo, c’est une bonne nouvelle. Mais quant au succès de cette initiative, l’on est partagé entre scepticisme et optimisme.
Léonce Gamaï

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Le gouvernement a la mémoire courte

Pour une deuxième fois, le gouvernement du docteur Boni Yayi a décidé d’éradiquer le commerce du «Kpayo» au Bénin. On se rappelle qu’en 2006, alors qu’il avait pris fraîchement le pouvoir, le Chef de l’Etat a tenté de mettre fin à la vente de l’essence frelatée au Bénin. Mais en face, le gouvernement a rencontré une résistance farouche de la part des acteurs qui n’ont pas accepté de se laisser enterrer vivants. La crise avait pris l’allure d’une insurrection, surtout à Porto-Novo où il y a eu de violentes échauffourées entre forces de l’ordre et trafiquants. Au finish, le gouvernement a reculé devant des acteurs à qui on a promis la reconversion mais rien n’a été fait pour cela. Six ans après, le gouvernement revient à la charge avec la même méthode de la précipitation. Les minis stations ouvertes entre temps ont tous fermé.Moudjaïdou Soumanou, le principal acteur de la répression de 2006 broie le noir à la prison civile de Cotonou. Aucun plan de reconversion n’existe. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut parier que la résistance des trafiquants sera aussi violente que celle de 2006. 
Marcel Zoumènou

Les vendeurs de Kpayo entre colère et volonté de reconversion

Depuis le vendredi dernier, les acteurs du secteur de l’essence frelatée sont sonnés de vider le long des artères du Bénin. Cette annonce est diversement appréciée  par  les vendeurs de ce liquide qui sont partagés entre colère et  volonté  conditionnelle de changer de métier.

Alors qu’il servait en toute quiétude un client, avec d’autres en attente, Jean, un vendeur d’essence frelatée situé non loin de la télévision privée Canal 3 Bénin, reçoit la visite des forces de l’ordre. On  est dimanche 18 Novembre 2012 à Cotonou, quartier menontin. Avant qu’il n’abandonne le client pour s’intéresser à eux, ces dernières se sont  mis à embarquer  plus d’une  vingtaine des autres bidons  de 50 litres de carburants encore intacts, installés à même le sol sous un chaud soleil de midi. Toutes les tentatives de corruption  ou encore les quelques goutes de larmes écoulées par le propriétaire des lieux n’ont émoussé l’ardeur des hommes en uniforme. «Ce sont les ordres…», murmuraient les agents de la Compagnie Républicaine de Sécurité (Crs) dépêchés sur les lieux. En effet, cette  répression peut se comprendre comme  une suite logique de l’ultimatum donné par le chef de l’Etat aux vendeurs de l’essence frelatée communément appelée (Kpayo). C’était au cours d’une rencontre entre lui et les femmes bénéficiaires de la micro finance, il y a quelques jours, au palais de la présidence. Si la nouvelle, n’étonne pas les acteurs directs de ce secteur informel mais non moins important,  la manière de son annonce ainsi que sa méthode de mise en œuvre revoltent plus d’un. «Sans nous, le pays serait déjà à feu et à sang comme le souhaitent certains politiciens  en prenant des décisions sur le coup de leur humeur. Parce que sous l’effet de la rareté de ce liquide précieux, les populations se seraient déjà soulevées. Une situation qui aurait pu rendre difficile la gouvernance de ce pays», s’insurge un grossiste de l’essence frelatée qui voit en cette décision une cruelle ingratitude à leur égard. Mais il peut avoir négociation. «On est des acteurs de développement, nous aussi. Avant de nous donner un ultimatum, le président de la République pouvait chercher à négocier avec nous et définir un plan de conversion progressif dans le temps», se désole un autre. Comme lui, beaucoup d’autres vendeurs du «Kpayo» sont prêts à abandonner ce métier mais avec des conditions d’assurance de réinsertion professionnelle  préalable. «Si j’exécute cette décision aujourd’hui, personne ne me connait pour me donner un emploi, donc je ne suis pas en sécurité sociale», s’est inquiété un jeune vendeur du kpayo.
Camille A. Segnigbindé

Le Nigéria aurait-il influencé la décision ?

Alors qu’il annonçait cette décision le samedi 17 Novembre dernier aux femmes bénéficiaires de microcrédit, le Chef de l’Etat a dit laconiquement et sans trop de précision qu’il a discuté de ça avec son homologue nigérian lors de sa dernière visite au Nigéria. Selon des sources diplomatiques, cette information n’est pas aussi fausse que ça. La question de la lutte contre l’essence frelatée avait fait partie des sujets sur lesquels les deux Chefs de l’Etat ont échangé. Seulement, nous a-t-on précisé, la volonté du Chef de l’Etat nigérian Goodluck Jonathan n’aurait pas un caractère impératif. Il aurait souhaité voir le Bénin l’accompagner dans la lutte qu’il a engagée pour l’assainissement du secteur pétrolier dans son pays. On se rappelle que depuis le mois de Janvier dernier, le gouvernement nigérian a pris la décision d’arrêter les subventions qu’il accordait à cette filière et qui permettaient aux nigérians d’acheter les produits pétroliers à des prix relativement bas pour investir dans d’autres secteurs vitaux de l’économie nationale. Cette décision avait déclenché une grève générale au Nigéria qui a duré des jours avant qu’un accord ne puisse être trouvé entre les deux parties. Le gouvernement nigérian se plaignait du fait qu’il investissait chaque année des milliards pour subventionner du pétrole qui sert en grande partie aux pays limitrophes. L’essence qui entre au Bénin par la contrebande est donc subventionné par le gouvernement nigérian. Mais reste à savoir si des milliers de personnes qui en vivent au Nigéria pourront aussi  abandonner cette activité en un mois comme le veut le gouvernement béninois.
Marcel Zoumènou

 

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