La Haac de la régulation à la répression de la liberté de presse ? (Nécessité de faire aussi respecter l’équilibre de l’information à l’Ortb)

Elle l’a fait. La Haac a suspendu respectivement pour  deux semaines et trois mois, le forum de discussion sur l’émission Actu Matin et l’émission A Palabre. La décision n°12-035/Haac du 20 novembre 2012 vient supprimer un espace d’expression dans le pays.

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Et ce, en dépit des motifs avancés. L’un des rares espaces de contradiction existant dans l’espace médiatique béninois sous l’ère Yayi. Cette décision devrait entraîner plus d’équilibre dans le traitement de l’information sur l’Ortb, le media de service public. Les Conseillers ont entre autres motivé leur décision par «le caractère déséquilibré que présentaient les forums de discussion qui suivent les chroniques souvent réquisitoires lues au cours de l’émission «Actu Matin» de même que l’émission «A Palabre» du dimanche 16 septembre 2012.»  La Constitution béninoise dispose à l’alinéa de son article  142 que la Haac « veille au respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication.» Cette disposition est reprise dans la loi organique, N°92-021 du 21 août 1992 relative à la Haac. Pourtant, l’accès inéquitable des parties politique et le monolithisme médiatique à l’Ortb, organe de presse de surcroît de service public est une évidence. Pour preuve, sur la télévision nationale, les débats contradictoires sont quasi-inexistants, aucune émission d’analyse et de commentaire des faits saillants de l’actualité nationale,  quand un leader politique de l’opposition y est reçu, c’est un évènement. Il en est de même quand sur un sujet d’intérêt national, la parole est donnée à une personnalité critique vis-à-vis du pouvoir. « Depuis quelque temps, l’ossature du journal télévisé de l’Ortb se présente comme suit : activités du chef de l’Etat, marche de soutien à Yayi et coton», a fait remarquer un confrère. Conséquence, dans l’opinion la télévision nationale ne donne pas l’image d’un media de service public. Elle apparait plutôt comme un media d’Etat au seul service du culte du président Boni Yayi et de la propagande de son régime. La Haac devrait voir de ce côté-là pour un véritable «accès équitable des partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels d’information et de communication ».  Dans le cas contraire, elle donnera raison à ceux qui soutiennent qu’elle est passée d’une institution de régulation de la liberté de presse à une institution de répression de la liberté de presse. Elle va conforter l’image d’une « institution que le gouvernement utilise pour quadriller et orienter la liberté de presse selon ses intérêts» que lui  collent depuis quelques années des observateurs. A quelque chose, malheur est bon.
Léonce Gamaï

Pour qui roule la Haac ?

Les Béninois qui en raffolent devront se priver du forum de l’émission matinale « Actu Matin » pendant les deux prochaines semaines. Ils devront aussi apprendre à ne plus suivre l’autre émission « A palabre » pendant trois mois.  La Haac, comme à son habitude, a décidé de marcher sur les plates bandes de l’Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias(Odem)  et s’est prévalue d’une violation du code de déontologie de la presse pour sanctionner ces deux émissions de grande écoute. La faute déontologique incriminée ici est l’équilibre de l’information, un  principe sacro-saint du métier de journaliste. Et à ce niveau, la Haac a fait œuvre utile de nous le rappeler. Seulement voilà, la déontologie et la rigueur professionnelles ne peuvent ici fermer les yeux sur un certain nombre de considérations. La première est la qualité du média. Canal3, pour peu qu’on puisse se tromper est une chaine privée. Elle n’est donc pas arrimée au pouvoir. Le média a la latitude d’opiner, de critiquer et de donner son point de vue sur tel ou tel sujet. Personne ne peut lui en vouloir de critiquer le gouvernement ou de l’encenser. L’essentiel étant de le faire dans les règles de l’art. Dans les grandes démocraties du monde, il existe des médias qui épousent des idéologies politiques et prennent du plaisir à  soutenir même des candidats à diverses élections. Pourtant, ceci ne les empêche pas de recevoir des gens de l’autre camp. Dans une option, on peut être d’accord ou ne pas l’être. On peut critiquer le gouvernement. C’est le principe de la liberté d’opinion mais jamais on ne doit empêcher d’opiner.  Celui qui n’est pas d’accord avec une opinion peut se plaindre au niveau de la chaîne et demander un droit de réponse. Il peut aussi se plaindre devant les tribunaux.  Toutes ces possibilités pourraient être exploitées par quiconque et les décisions du genre ne devraient être que des solutions extrêmes. Car, empêcher une émission c’est fermer un espace de liberté d’opinion pour laquelle plusieurs Béninois se sont battus au prix de leurs vies.  Ce qui écœure plus d’un c’est qu’une telle décision, malgré sa gravité, n’ait été prise que sur aucune base.

Le comble

Sur la seule plainte du Chef de l’Etat, la Haac s’est réunie pour prendre cette décision. Quid des nombreuses plaintes déposées à la Haac par les ténors de l’UN en son temps?. Là où le bât blesse c’est que depuis près d’un mois, Canal3 n’est plus assez critique comme avant.  Certains ont même dit qu’elle a fait un virage à 90° pour se retrouver du côté du pouvoir. Normalement, c’est au moment où les journalistes étaient assez critiques contre le pouvoir que cette décision pourrait avoir son sens. Mais depuis, la chaîne a changé de fusil d’épaule et semble emboucher la trompette de la mouvance présidentielle.  Ces derniers jours, on a vu fréquement  le chef de l’Etat dire publiquement son antipathie pour cette chaîne dont les journalistes «ne font que l’insulter tous les matins», selon lui. Ces plaintes ont-elles réveillé la Haac ? Rien n’est moins sûr au regard de la période de la prise de cette décision. La Haac roulerait-elle pour le Chef  de l’Etat ? On pourrait dire « oui ». Mais il y a mieux à faire à l’Ortb.
Marcel Zoumènou

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