Le Bénin, terre de contradictions

Nous savons le Bénin terre de contraste. Les dépliants touristiques ne l'ont que trop clamé. Nous ne pouvons qu'en être  convaincus. Par contre, il n'est pas sûr que nous sachions  que le Bénin est également terre de contradictions. Le contraste renvoie à la diversité du paysage humain, physique, culturel de notre pays.

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 C'est une bénédiction.  La contradiction nous place dans la posture de gens qui prennent un singulier plaisir à réunir des éléments incompatibles, à associer ou à faire coexister des choses contraires. C'est une calamité. Quelques exemples pour le montrer.

Depuis plus de dix jours, toutes les stations d'essence sous le contrôle de la SONACOP, société d'Etat, sont fermées. Est ainsi mis hors service, le circuit le plus important de l'essence propre, de l'essence "vertueuse" devrions-nous dire. Voilà une situation gravissime en soi. Mais, apparemment,  une situation  sans conséquences pour l'ensemble du pays, sans dommages pour l'économie nationale.

Arrêtons-nous sur un symbole fort. Il mérite de retenir notre attention. Avec la longue queue des véhicules de l'Etat qui s'observe devant les étals des vendeurs de l'essence frelatée, c'est l'économie informelle qui a désormais le dernier mot. C'est l'informel qui étale sa toute puissance. C'est la fraude qui impose sa souveraineté. Le Bénin terre de contradictions: le formel et l'officiel se donnent formellement et officiellement la main pour légaliser et légitimer l'informel.  Cela frappe de nullité ou cela réduit à de simples propos de comédiens tous nos discours guerriers contre le "Kpayo".

Le ciment est devenu horriblement cher: 100 000 francs la tonne. C'est assez éloquent pour réveiller les souvenirs de certains de nos compatriotes. Sur le ton de "il était une fois",  ils racontent, avec nostalgie, l'heureux temps où la tonne de ciment ne coûtait que 7 000 francs. Il a coulé de l'eau sous les ponts et l'inflation est passée par là.

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Mais curieusement, c'est au moment où le ciment prend du prix que la ville de Cotonou, pourrait-on dire, prend de la hauteur. Nous assistons, en effet, à un boum immobilier sans précédent. La ville se hérisse d'immeubles à plusieurs étages. Le Manhattan béninois sur Nokoué se profile déjà à l'horizon. Et c'est parce qu'il en est ainsi qu'il n'est ni juste ni sain, économiquement parlant, que le prix du ciment atteigne des sommets en concurrence avec la hauteur de nos immeubles.

Quand le bâtiment va, tout va, dit le proverbe. Et la meilleure façon de booster l'emploi dans les divers métiers du bâtiment (maçon, électricien, plombier, carreleur, peintre…), c'est de revoir à la baisse le prix d'un produit aussi essentiel que le ciment. Moins il sera cher, plus nous construirons. Il faut savoir lâcher d'une main, pour mieux récupérer de l'autre.   

Dans le Bénin, terre de contradictions, l'Etat qui vit d'impôt, ne voit pas toujours plus loin que ce qu'il engrange immédiatement. C'est, comme on le dit dans les milieux populaires, le "So tcha, du tcha". L'Etat pressé de bouffer, se condamne à payer cher un ciment trop cher. Selon la loi des grands nombres, il vaut mieux gagner 1 franc fois 1 million que 100 francs fois mille.

Dernier exemple qui nous montre et nous situe dans le confort de nos contradictions, c'est au niveau du football que nous le notons. Ce n'est plus un secret: notre sport-roi est mal en point. Nous ne cessons de régresser dans le classement FIFA. C'est normal. Apprenons, pour un football national en panne, qui fait semblant de vivoter, qu'on ne fait pas du feu avec des braises éteintes. Simple question de bon sens.

Que font alors les Béninois éplorés, orphelins de leur sport favori? C'est le coeur serré et les larmes aux yeux qu'ils accueillent les propositions, les unes aussi alléchantes que les autres, qui leur arrivent de toutes parts. Les télévisions nationales rivalisent de retransmissions ou de rediffusions des grands matches internationaux. Les entreprises qui proposent, sur abonnement, des images des télévisions étrangères,  le football en prime, n'ont jamais autant prospéré. Dans les arrière-cour des maisons, des places payantes s'aménagent. L'Espagne de Ronaldo, l'Angleterre de Adébagnor ou l'Italie de Balotelli n'ont jamais été aussi proches du Bénin. Comme on le voit, dans le Bénin, terre de contradictions, pleurer sur le football national n'exclut  point de se délecter du beau spectacle offert par les autres. On vous l'a dit: l'amour finit au tombeau.

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