Les «Fous du roi», sont-ils vraiment fous pour Yayi?

Dans la vague des déclarations de soutien qui ont suivi l’éclatement de l’affaire de la supposée tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat par Talon et ses comparses, j’ai plaint tout le temps nos tympans. Quel supplice !

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Des jours durant, ils ont enregistré les incongruités les plus indigestes et les balivernes les plus honteux. Le flot et la fréquence des déclarations, des messages de soutien, des prières laissaient à peine le temps du recul et de la réflexion aux uns et aux autres. Passèrent ainsi devant nous, des personnages politiques, des représentants de telle ou telle communauté, des ecclésiastes de tout acabit, compatissant, priant et parfois larmoyant pour Boni Yayi. Dans ce méli-mélo médiatique, un groupe retient toutefois l’attention par son nom assez curieux et par le caractère peu scrupuleux de ces membres. Il s’agit des «Fous du Roi». C’est le nom que ses fondateurs eux-mêmes ont donné à leur nouveau groupe. Et de quel groupe s’agit-il? Un groupe d’avant-garde, «prêt à réagir à toutes les attaques et les conspirations contre le régime», selon la déclaration de son coordonnateur, El Farouk Soumanou.  Une petite fouille lexicale permet de comprendre que le «fou» est un homme qui a perdu la raison. Doit-on croire que le groupe  est composé de gens qui souffrent de déficiences psychiques. Apparemment non. C’est qu’il a toujours existé dans tout régime, aux temps de la royauté, dans les régimes médiévaux mais aussi démocratiques,  des «fous du roi». Chantres endurcis, zélateurs aux grandes gueules, griots aux talents lumineux, ils ne manquent aucune occasion de défendre le Chef de l’Etat même dans ses frasques les plus abjects et ses folies meurtrières. Ces « Fous du Roi »-ci nous renvoient-ils à ces époques là ? Oui et non. Oui parce que dans le lot, on retrouve des jeunes qui ont su bien jouer ce rôle dans le passé. On peut citer sans risque de se tromper, Fred Houénou, Frédérick Béhanzin, Lucien Mèdjico… Passons un peu au scanner quelques ténors de ce groupe.

Frédérick Behanzin. Ses talents d’orateur et de politicien se sont  affinés et révélés vraiment au grand public après son séjour à la prison civile de Cotonou. Il va créer le MAR (Mouvement pour une alternative républicaine) et gagne le champ politique. En 2005, soucieux de savourer très vite les délices du pouvoir, il fait la mauvaise option de susciter et de soutenir la candidature de Pierre Osho, le plus fidèle des Kérékouistes. Avait-il suivi béatement les signaux lancés par la Marina ? Toujours est-il que Pierre Osho ne sera pas de la course présidentielle en 2006. Béhanzin jette son dévolu sur un autre «proche» de Kérékou, Sévérin Adjovi lequel soutiendra Boni Yayi au second tour. Depuis, Frédérick Béhanzin a créé le Mouvement des jeunes Patriotes au nom duquel il monte tout le temps au créneau pour défendre chaque fois le régime qui est en place.

Le parcours de Fred Houénou n’est pas plus reluisant. C’est vers la fin du régime de Mathieu Kérékou qu’il va se faire remarquer par son mouvement et a soutenu de façon franche le projet de révision de la constitution en vogue à l’époque pour donner deux ans de plus à Mathieu Kérékou. Après avoir essuyé un échec dans cette tentative, il va disparaître un peu de la circulation pour revenir quelques années plus tard avec le Rassemblement national des jeunes du Bénin (Rnjb). Il lance quelques invectives à l’endroit du régime. Il est récupéré par Hervé Kérékou puis par Kamarou Fassassi – qui tentait une seconde vie politique – avec lequel il côtoie un peu les leaders de l’Un avant de faire un revirement spectaculaire pour rejoindre la majorité présidentielle. Il est dans les bonnes grâces des caciques du régime qui lui confient les sales boulots. C’est lui qui va diriger la campagne de dénigrement contre Me Adrien Houngbédji alors qu’il était fraîchement désigné candidat unique de l’Un et donnait de l’insomnie à la Marina.

Lucien Médjico a aussi soutenu la révision de la constitution pour le prolongement du dernier quinquennat de Mathieu Kérékou. Il faisait même partie du « noyau dur de la révision » avec un certain Nazaire Dossa. En 2006, il soutiendra Houngbédji contre Yayi. Habile dans la reconversion politique, il changea vite sa veste et créa quelques années après les « Jeunes turcs de la République ». Il professe une politique de  répression à l’endroit des opposants à son mentor Boni Yayi. Souvent excessif dans ses déclarations, il a, aux temps forts du complot, suggéré que tous ceux qui persécutent Yayi soient tués et leurs corps lestés et jetés en haute mer. Tout récemment encore, il a fait une déclaration dans laquelle il s’autoproclame « chien d’attaque de Boni Yayi ».

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El Farouk Soumanou a aussi crevé l’écran sous le général Mathieu Kérékou qui le promut Chef de cabinet civil. Il va aussi se mettre dans la danse politique en créant le Mouvement des Jeunes Porte parole du gouvernement, et parcourt les communes du pays pour vulgariser le programme d’action du gouvernement (Pag2). Après l’avènement de Yayi au pouvoir, il va investir les médias pour louanger le Chef de l’Etat. Moins talentueux que son géniteur fait Dg et ministre plus tard, il va bénéficier au moins d’un poste de directeur au ministère de la jeunesse, des sports et des loisirs.

Le dernier est Arnaud Téhou. Peu connu du grand public, il a beaucoup œuvré pour l’avènement de Yayi au pouvoir en 2006. «Jeune patriote», il n’entre pas tout suite dans les arcanes du pouvoir. C’est après la victoire de 2011 qu’il est nommé au port de Cotonou par l’ex-Dg Ahanhanzo. Et en ces temps de remue-ménage dans la maison, il doit être bien soucieux de son maroquin. Au total, on constate que tous ces jeunes, à l’exception du dernier, ont été des «prestataires de service politique » sous Kérékou. Depuis 2006 ils polluent constamment l’environnement politico-médiatique. Après Yayi, ils seront toujours là pour le même job. Fous hier pour Kérékou, fous aujourd’hui pour Yayi, ils le seront demain encore ? De grâce, nos tympans !

Si Yayi ne peut pas les arrêter, si les médias ne peuvent pas s’empêcher d’exposer leurs ignominies,  qu’ils écoutent eux-mêmes leur bon sens et leur cœur. Qu’ils aient au moins pitié de ceux qui portent leurs patronymes.  Ah, mes lectures me rappellent  quelqu’un. Toundi, le héros du roman «Une vie de boy» de Ferdinand Oyono.  Au début du roman, sa maman lui disait : «Toundi, ta gourmandise t’amènera loin». C’était une prophétie. Ses déboires et sa fin fatale le confirmeront plus tard.  Je n’en dirai pas plus.

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