Connaître sa culture pour s’assumer ; discerner pour s’orienter et s’élever. Tel est le credo du Groupe SPL, agence culturelle qui n’a pas ménagé ses efforts en 2012 pour initier des conférences visant à vulgariser[1] la sagesse existentielle du système IFA, en écho au Code de vie du primitif, une précédente publication du même auteur. Le 23/11/2012, SPL s’illustrera par le volet éditorial de ses activités : nous avons le plaisir d’animer la vie littéraire béninoise en publiant les mémoires du Dr Basile ADJOU-MOUMOUNI, l’énigmatique…
Descendant de captifs Yoruba émigrés en pays Fon par la force des circonstances, homme d’Etat ‘‘invité’’ parmi les politiciens, le Dr ADJOU-MOUMOUNI traversa le ciel politique dahoméen comme une étoile filante : en effet, il remporta les élections présidentielles de mai 1968 avec près de 85% des suffrages au premier tour et fut aussitôt dessaisi de sa victoire dans le tourbillon des intrigues d’une époque trouble… Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli[2]. Cœur de lion, taille d’éléphant, sagesse de caméléon[3], exemplaire sans prétendre être parfait, il a eu la sagesse de s’incliner et de retourner à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), pour continuer d’y servir l’Afrique, avec humilité et dévouement.
A l’heure où l’organisme abandonne le réflexe pour adopter le geste réfléchi et mesuré, ainsi que le ferait un caméléon en marche vers une nouvelle destination[4], l’auteur nous propose le récit véridique et pudique de son existence à travers deux siècles parmi les hommes, avec Dieu à ses côtés. Du voyage inoubliable que vous ferez en lisant son émouvant témoignage, vous reviendrez édifiés et transformés[5], comme le dit justement Gabriel YANDJOU, le préfacier.
Gratien AHOUANMENOU
Promoteur Groupe SPL
Bibliographie
Pour un Bénin métamorphosé, la nation que nous voulons ; Flamboyant, 1999
Le code de vie du primitif ; sagesse africaine selon IFA (Tome 1&2);
Ruisseaux d’Afrique, 2007
Le code de vie du primitif ; sagesse africaine selon IFA (Tome 3&4);
Ruisseaux d’Afrique, 2008
Maintenir la flamme ; SPL Editions, 2010
Faciliter l’apprentissage, challenge pour un éducateur engagé ; SPL Editions, 2011
Brève biographie
L’auteur est né le 5 octobre 1922 à Cotonou. Brillamment formé dans les plus prestigieuses écoles de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et diplômé en médecine légale et tropicale (Bordeaux-1955), il est aussi titulaire d’une maîtrise en Santé Publique (Montréal-1963) et d’une maitrise en Sciences de l’Education (Illinois Champagne-1972).
Après avoir servi comme médecin en Cote d’Ivoire (1955-1959) et au Dahomey (1959-1962), il a rejoint l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Pour le compte de cette institution, il fut Conseiller Régional en Santé Publique (1962-1971), chargé du Projet d’Assistance aux Ecoles, Institutions et Facultés en matière de planification des programmes et de formation des enseignants selon la méthode novatrice de formation par objectifs (1973-1975) et dirigea ensuite le Centre de Formation en Santé Publique de Lomé – TOGO (1975-1982).
A son admission à la retraite, en 1982, il fut recruté successivement par les universités de Boston et Harvard comme professeur émérite pendant une dizaine d’années au total, en raison de son expertise pédagogique et managériale.
Quatrième de couverture
Basile Adjou-Moumouni, le 5e fils de Koukou le cuisinier
Un serviteur raconte sa traversée de deux siècles, parmi les hommes
Fils de l’un des cuisiniers qui servirent Charles Noufflard, Gouverneur de la colonie du Dahomey de 1912 à 1917, le Dr Adjou-Moumouni a traversé le XXe siècle. Né en 1922, à Cotonou, il a connu l’époque coloniale marquée par l’idéologie assimilationniste dominante. Ensuite, il a vécu plus d’un demi-siècle de souveraineté nationale. Le Pr Alfred Mondjanagni dit de lui qu’il est un visionnaire, bien qu’il ait perdu la vue depuis une vingtaine d’années. Pour sa part, le Dr Ayité d’Almeida le place dans son panthéon des mélano-africains, à côté d’Aimé Cesaire, Kwamé Nkrumah et Frantz Fanon.
En 1955, jeune diplômé de la Faculté de Médecine de Bordeaux, il avait deux ambitions : être un bon médecin dévoué au bien-être de son prochain et un bon père de famille. Il se trouvera pourtant impliqué dans des enjeux de plus grande portée. Homme d’Etat ‘‘invité’’ parmi les politiciens, il a traversé la scène politique dahoméenne comme une étoile filante : vainqueur des élections de 1968 avec près de 85% des suffrages au premier tour, il fut dessaisi de sa victoire dans un tourbillon d’intrigues confuses. Dans les années 1970, pour le compte de l’OMS, il fut chargé d’initier les formateurs africains en Sciences de la Santé, à la méthode pédagogique novatrice dite formation par objectifs. Admis à la retraite en 1982, il fut recruté par les universités de Boston et Harvard comme professeur émérite pendant une dizaine d’années, en raison de son expertise pédagogique et managériale.
A ceux qui voudront bien lire les ‘‘élucubrations’’ d’un nonagénaire, le cinquième fils de Koukou le cuisinier propose le récit de sa vie. Au-delà du témoignage et à travers des réflexions édifiantes, il partage les enseignements qu’il en a tirés au plan humain, philosophique et spirituel. Servi par une mémoire prodigieuse, l’humilité et la dignité caractéristiques de ses ancêtres Yoruba de la tribu Owu, l’auteur révèle dans ce récit véridique et pudique, trois qualités enviables : une acuité intellectuelle empreinte de détachement, un sens aigu du dévouement et, enfin, une spiritualité profonde et sans opacité.
Préface
Il est venu parmi les siens, et les siens ne l’ont pas accueilli[6].
L’intention de l’auteur de cette préface n’est nullement de se lancer dans un sermon, en dépit d’une forte présence de la spiritualité dans les mémoires du Docteur Basile Adjou-Moumouni. En effet, toute personne qui se donnera la peine – Ô, combien bénéfique ! – de lire Des traces de pas sur le rocher, ne tardera pas à se rendre compte que son auteur, le Docteur Faliho Salou Otolorin Basile Adjou-Moumouni a placé toute sa vie sous le signe de la foi et de l’espérance. Il ne s’agira donc pas de tenir un discours de nature religieuse. La tentation en est pourtant grande, en ces temps où le religieux semble devenir un fonds de commerce, d’autant plus recherché qu’il ne coûte rien et qu’il rapporte gros, puisqu’il n’y a pas de droits d’auteur ou autre taxe ennuyeuse à payer. Cette tentation, Basile Ajou-Moumouni, d’ailleurs, nous en prévient dans son ouvrage.
L’utilisation de cette phrase en guise d’exergue vient du parallèle que je me permets d’établir entre la vie du Christ (sans parti-pris religieux aucun) et celle de Basile Adjou-Moumouni ; mais un parallèle prudent et modeste, modeste comme le sont les deux personnages eux-mêmes. J’imagine, par avance, les vives protestations de l’auteur à la seule pensée que l’on puisse établir une telle comparaison sacrilège. Mais, s’il est vrai que « Comparaison n’est pas raison », il est aussi vrai, du moins à mon sens, que la comparaison vient parfois suppléer la raison, quand celle-ci peine à exprimer certaines réalités, autrement ineffables.
Les circonstances (le Destin, dirait sans doute le vénérable nonagénaire) ont voulu que je sois associé – c’est un honneur insigne – aux préparatifs de la publication des mémoires du Docteur Basile Adjou-Moumouni, Des traces de pas sur le rocher. A cette occasion, j’ai découvert avec fascination que cet ouvrage raconte, au travers du récit de la vie d’un être et de sa famille, des pans entiers de l’histoire de notre pays et, même, d’une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest et du Centre et au-delà ! Il s’agit, ni plus, ni moins, d’une fresque de l’histoire de nos pays, peinte par l’un de ses acteurs de premier rang et des premières heures. Il fut, dans ces pays, un bâtisseur infatigable, dévoué, talentueux, pétri d’initiative et de sens du devoir, efficace bien que modeste, se dédiant au service des autres, rempli d’ambitions pour son pays, pour son continent et pour tous les pays qui restent à bâtir.
Dithyrambes, flatteries, exagération, inventions, mensonges ? Peut-être aurons-nous droit à ce genre d’assertions qualifiant, à la fois, les affirmations de l’auteur, son œuvre et tout ce qu’elles inspireront d’élogieux, inévitablement. « Si quelqu’un y trouve à redire, qu’il le déclare maintenant, ou qu’il se taise à jamais ! »
Et, en ce sens, la démarche mémorielle du Docteur Adjou met tout le monde à l’aise. Au Bénin, hélas, sauf à répandre des rumeurs ou des ragots, peu de gens aiment vraiment parler à visage découvert et encore moins, laisser des traces écrites, particulièrement quand il s’agit de sujets sérieux. Tout un pan de notre histoire et de notre héritage culturel a ainsi disparu, faute d’avoir été consigné grâce à un support moins labile que la tradition orale. Cela permet à certaines personnes de se prévaloir aujourd’hui de faits glorieux ou de proférer en toute impunité des affirmations fausses et de tordre le cou à l’histoire, assurées qu’elles sont que les jeunes générations ne savent pas et que celles qui savent préfèrent se taire. À présent, une brèche est ouverte dans ce mur du silence et le tabou est sévèrement mis à mal. Ceux qui ne se retrouveront pas dans les affirmations du Docteur Adjou auront tout loisir de saisir leur plume. Ainsi la vérité fera encore un pas en avant.
Pour certaines personnes de la génération quinquagénaire à laquelle j’appartiens, génération qui est à peu près celle de ses enfants, le nom de Basile Adjou-Moumouni restera lié, à son corps défendant, au souvenir de calamiteuses élections présidentielles, aux côtés d’autres noms comme Ganmadoualo, da Silva, Hazoumè ou Prudencio. Il les gagna brillamment mais fut dépossédé de sa victoire. De leur historique génération, combien sont encore vivants et capables de témoigner pour éclairer la postérité ? Combien parmi eux ont accompli ce devoir au moment où ils le pouvaient encore ? Il est inutile de répéter ici la belle sentence, utilisée jusqu’à l’usure, de feu Amadou Hampâté Bâ sur le vieillard africain assimilable à une bibliothèque. En s’exprimant ainsi, le vieux sage de Bandiagara voulait attirer notre attention sur l’urgence de sauvegarder le savoir accumulé par nos vieilles personnes avant que leurs détenteurs, semblables à des bibliothèques qui brûlent, ne disparaissent avec leur trésor intellectuel, par ailleurs patrimoine inestimable de nos civilisations.
Le paradoxe, dans le cas du Docteur Adjou et de sa génération, c’est qu’il ne s’agissait point de personnes ne disposant pas de l’arme de l’écrit pour consigner leurs pensées. Tous les acteurs principaux de la vie politique et sociale de notre pays, à l’époque, savaient lire et écrire ou tout au moins, avaient largement les moyens de faire consigner par écrit leurs pensées par des personnes habilitées. Pourquoi, donc, ce désert mémoriel, ce vide sidéral dans lequel nous évoluons, dès qu’il s’agit de l’histoire politique et sociale de notre pays ? Mystère ! Mystère béninois, ce qui n’est pas peu dire…
En quoi consiste, pour y revenir, Des traces de pas sur le rocher ? Il s’agit d’un ouvrage qui consigne des souvenirs de Basile Adjou-Moumouni, aussi loin que sa mémoire puisse l’y autoriser, et au sujet de tous les aspects de sa vie, aussi bien publics que privés. Servi par une mémoire prodigieuse, l’auteur lègue à la postérité tout ce qui, dans son existence riche et féconde, est susceptible, à son avis et en toute humilité, d’être utile à ses semblables, toutes générations confondues. La volonté de témoigner est manifeste et explicite, mais l’auteur ne se pose pas en donneur de leçon, en moraliste ou en fin connaisseur de quoi que ce soit. Il estime simplement que, revenu de ce long et parfois périlleux pèlerinage que constitue le parcours de la vie, une fois sa besace et son bâton posés, ses sandales ôtées, il peut raconter à son entourage la belle aventure qu’il a vécue. La fatigue du long, très long chemin se manifestant, il veut transmettre à ceux qui le veulent bien, tout ce qu’il a rencontré et vécu, avant que le sommeil ne le surprenne.
Et nous, lecteurs, témoins privilégiés, nous écoutons, ou plutôt lisons ce récit d’une vie qui nous conduit de Covè à Dakar, de Paris à New Dehli, de Montréal à Kinshasa, Brazzaville ou Conakry, Cotonou, Porto-Novo, Port-au-Prince, Lomé, Kingston, Parakou, Abidjan, Tchaourou, Agra au cœur de l’Inde, Nairobi, Agbassa, et j’en passe ! Les détails foisonnent sur sa famille, celle dont il est issu et celle qu’il a fondée, celle constituée par ses nombreux amis et collègues, aussi ; sur son parcours scolaire et universitaire plus qu’édifiant à l’heure des raccourcis, des passe-droits et des facilités ; sur sa carrière exemplaire mais semée d’embûches et sur la part active qu’il a prise à l’édification de nos pays, et dont nul ne peut porter témoignage aussi bien que lui-même ; sur ses joies et ses peines, sur ses certitudes et sur ses doutes, sur ses convictions profondes et sur les « questionnements » qui sont les siens.
Il ne s’agit point, ici, de jeter au lecteur de la matière à distraction, de meubler les pages d’un livre par des affirmations spécieuses et peu dignes d’intérêt, de faire du remplissage. Dès que l’on pose ses yeux sur les premières lignes de l’ouvrage, il faut s’attendre à passer une nuit blanche, c’est-à-dire à ne relever la tête qu’une fois la dernière ligne lue ; et encore faut-il faire un effort pour se libérer de la tentation de reprendre la lecture da capo (c’est-à-dire à partir du début) ! Futurs lecteurs de Des traces de pas sur le rocher, un petit conseil : avant d’en commencer la lecture, libérez-vous de toute occupation, assurez-vous de ne point être dérangés, environnez-vous de cousins moelleux, mettez la lumière adéquate et, assis ou allongés, partez pour un fabuleux voyage d’où vous reviendrez édifiés et transformés.
Saurons-nous tirer, de ce tête-à-tête avec Basile Adjou-Moumouni par livre interposé, la substantifique moelle du récit véridique et pudique de sa vie, de manière à nous en inspirer ou à en tirer quelque enseignement susceptible de nous aider à construire la nôtre propre ? Il ne tiendra qu’à nous. Ni la langue, qui est belle, ni le style simple, agréable et captivant, ni, encore moins, le contenu de l’ouvrage ne seront pour nous prétextes à interrompre notre lecture ou à nous détourner de ce testament, qu’il constitue en réalité.
Testament ? Le mot n’est pas trop fort, autant dans son sens de « témoignage » que dans celui, non pas de « dernières volontés » mais de legs. Témoignage d’une grande âme qui n’a pas vécu inutile ; legs du patriarche qui nous invite à reprendre le témoin, qui nous transmet la flamme de l’espoir en un avenir meilleur pour nos pays, avenir que nous pouvons bâtir par le travail, la tolérance, l’amour et le service des autres et de la vérité, les ambitions saines, la conviction et la confiance en soi, et pour que nous la maintenions, cette flamme, plus brillante et plus vive que jamais. C’est notre part d’héritage.
Je sens qu’une question revient dans votre esprit, depuis que vous avez commencé à lire cette préface. À quoi fait donc allusion la phrase en exergue ? Je vous invite à vite lire Des traces de pas sur le rocher. Il répondra largement à vos interrogations. Vous hésitez encore ? Alors, je dirais : Basile Adjou-Moumouni, BAM, comme l’appellent affectueusement certains de ses intimes, lui non plus, n’a pas été prophète dans son pays.
Parmi les nombreux proverbes et sentences que l’auteur utilise avec maestria, dans l’ouvrage, pour illustrer sa pensée, une phrase m’a marqué ; il s’agit d’un proverbe arabe : « Si tu veux tracer des sillons droits, attache ta charrue à une étoile ». Basile Adjou-Moumouni me paraît ce genre d’étoile. Saurons-nous y attacher nos charrues ?
[1] Intitulé Un fabuleux outil de développement humain : le système IFA, un opuscule didactique a été publié le 10 mars 2012 pour amorcer une série de causeries radiophoniques et de conférences patrimoniales.
[2] Evangile de Jean (1, 11).
[3] Adjou-Moumùouni Basile, Maintenir la flamme ; SPL Editions – 2010 ; propos de Eric-Hector Hounkpè, p. 62.
[4] Adjou-Moumouni Basile, Des traces de pas sur le rocher ; SPL Editions – 2012 ; épilogue, p. 227.
[5] Adjou-Moumouni Basile, Des traces de pas sur le rocher ; SPL Editions – 2012 ; préface de G. Yandjou, p. 5.
[6] Evangile de Jean (1, 11).
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