Comparution hier de Me Lionel Agbo : Le juge Togbonou surprend tout le monde

Comme annoncé, Me Lionel Agbo était hier au tribunal de Cotonou pour les dossiers diffamation et offense au Chef de l’Etat dans lesquels il est poursuivi. Le 18 septembre dernier, au cours d’une conférence de presse au Codiam à Cotonou, Me Lionel Agbo, ancien porte-parole de la Présidence de la République et conseiller spécial du Chef de l’Etat a dénoncé une certaine corruption qui règnerait dans l’entourage du chef de l’Etat.

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Ces propos lui ont valu une poursuite pour diffamation et une autre pour offense au Chef de l’Etat. La première plainte émane de certains membres du cabinet civil du Chef de l’Etat, la seconde est du Président de la République lui-même. Hier, les deux dossiers étaient à l’ordre du jour d’une audience au Palais de justice. Les deux dossiers ont été renvoyés au 26 décembre et au 16 janvier en attendant la Décision de la Cour constitutionnelle saisie par la défense. Pour le dossier, la décision de renvoi a été précédée d’une audience houleuse et à suspense. Vu le déroulement des événements, tous s’attendaient à la condamnation de Lionel Agbo. La suite dans le récit de l’audience. Un récit fait à travers une synthèse du rôle joué par chacun des acteurs clés.  Le juge, le procureur, Me Agbo et son avocate.

Me Sandrine Aholou : c’est un simulacre de procès, je m’en vais

A l’audience du mercredi 12 dernier, on s’en souvient tous les conseils de Me Lionel Agbo s’étaient déconstitués,  sauf Me Sandrine Aholou. Hier, elle était donc le seul avocat à défendre Me Agbo. Hier, elle a posé deux actes majeurs. Primo, elle soulève l’exception d’inconstitutionnalité. Selon son argumentation, du moment où la défense a saisi le président de la Cour d’appel pour une récusation du juge, ce dernier doit se déporter en attendant la décision de la Cour d’appel. Mais bien que les avocats de Me Agbo ait saisi la Cour d’appel pour une récusation du juge Togbonou, ce dernier décide de poursuivre la cause. Elle déduit alors que les droits du prévenu sont violés. Conséquence, elle décide de saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle se prononce sur la conformité du procès par rapport à la constitution. Et quand le juge donnera la parole au Conseil de la victime et au procureur pour que ceux-ci se prononcent sur l’exception de Constitutionnalité qu’elle a soulevée, Me Sandrine Aholou revient à la charge, « Les audiences se suivent et se ressemblent depuis le début de ce procès. Lorsque l’exception d’inconstitutionnalité est soulevée, ni les avocats, ni le procureur ne doivent prendre la parole. Le juge constitutionnel est saisi. Le sursis est immédiat et la décision du juge se fait sur le siège.» Elle demande le renvoi pur et simple du dossier. Quand le procureur fait remarquer que la défense a déjà soulevé plusieurs fois l’exception d’inconstitutionnalité dans le même dossier, elle rebondit et se fait plus catégorique. « La loi n’a pas  encore limité le nombre de fois où on peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité dans un dossier. » Le juge insiste et veut que le procès se poursuive. Me Aholou décide alors de rejoindre ses collègues « dans le camp », pour ainsi dire,  de la déconstitution. « Je vous prie M le Président de prendre acte de ma déconstitution dans ce dossier. Je ne peux plus continuer dans ce simulacre de procès. Les règles ne sont pas respectées ».

Me Lionel Agbo : je veux d’autres avocats

Se retrouvant sans avocat après la déconstitution de Me Sandrine Aholou, Me Lionel Agbo n’a eu qu’un seul langage jusqu’à la fin de l’audience : « Je demande le renvoi du dossier pour me constituer d’autres conseils». Il a tenu le même langage avant et après les réquisitions du juge. Pour l’avocat-politique, c’est son droit le plus élémentaire que d’avoir un avocat pour sa défense en tant que prévenu. « C’est mon droit constitutionnel en tant que citoyen lambda », a-t-il martelé. « J’ai les pièces et je ne fais pas du dilatoire. Je ne peux pas être assisté, je n’ai pas pu constituer de nouveaux conseils. Je ne peux rien dire. »

Justin Gbènaméto : Me Agbo doit aller en prison

Absent aux audiences précédentes, le Procureur de la République près le tribunal de Cotonou, Justin Gbènaméto, était lui-même de la partie hier dans son rôle de ministère public.Signe évident que le procès allait prendre une autre tournure.Et,  l’assistance ne tardera pas à le savoir. Sur toute la ligne, il n’a pas semblé faire le bonheur du prévenu, Me Lionel Agbo. Première illustration, sa réaction par rapport à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par les avocats de Me Agbo. « Cette exception est soulevée pour faire du dilatoire», fait-il remarquer. Mais avant, il explique que le législateur n’a pas instauré  l’exception d’inconstitutionnalité pour que l’on s’en serve pour bloquer le fonctionnement de la justice. Mais c’est l’impression que donnent les avocats de Me Agbo. « La Cour a déjà été saisie dans ce dossier et a rendu sa décision. » « Le procès doit suivre son cours ». Il a la même réaction quand Me Aholou s’est déconstituée laissant le prévenu sans défense.

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12 mois d’emprisonnement ferme

Deuxième illustration, ses réquisitions.  Selon le procureur, il ne faut pas confondre outrage, offense et le droit du citoyen de critiquer l’action politique. « Dans le cas actuel, il y a une volonté de porter atteinte à l’honorabilité du Chef de l’Etat. Le Chef de l’Etat n’est pas un vulgaire citoyen pour que n’importe qui dise sur lui ce qu’il veut. » Conséquence : « Vous devez (il s’adresse au juge) rendre votre décision pour que le Béninois sache que la démocratie n’est pas synonyme de désordre. Il faut que le désordre cesse. »  Après avoir évoqué l’article 79 de la loi sur le délit de presse,  il requiert «   que le délit d’offense est avéré ». Et demande de retenir Me Agbo pour « complicité d’offense au Chef de l’Etat », le condamner à 12 mois d’emprisonnement ferme, suivi d’un arrêt de dépôt sur le champ. Me Agbo ira donc en prison, si le juge donne suite favorable aux réquisitions du procureur.

Gilbert Togbonou et le suspens de 18 heures

17 h 27. Le juge Ulrich Gilbert Togbonou ouvre l’audience qu’il avait suspendue en fin de matinée. Il a en main l’avis de la Cour d’appel sur la demande de récusation formulée par la défense. Il le lit à haute et intelligible  voix. On en retient que la Cour d’appel rejette la demande de récusation du juge. Et condamne le conseil de la défense à payer  une amende de 50. 000 fcfa. Selon le contenu de cet avis, la loi prévoit déjà 9 cas dans lesquels un Conseil peut demander la récusation du juge en charge d’un dossier dans lequel il est constitué. Mais les motifs évoqués par le Conseil de Me Agbo ne concordent avec aucun de ses points.  Mieux, le juge ajoute que l’article 533 du code de procédure pénale lui permet de continuer un procès, même après une demande de récusation, s’il n’y a pas une décision du Tribunal qui vient exiger le contraire. Il demande donc à Me Agbo de fournir les preuves de sa déclaration du 18 septembre. Pour la réponse de Me Agbo, voir article du haut.  Après les réquisitions du procureur, qui a demandé un an d’emprisonnement ferme, le juge suspend l’audience. Il est 17 h 59. Le délibéré à 18 heures 15, précise-t-il. La peur et l’inquiétude se lisent sur la majorité des visages. Au niveau de ceux qui sont sortis pour prendre de l’air, on fait moins de commentaire, contrairement aux autres fois. Une à une, quelques fourgonnettes de la police arrivent, remplies de policiers. Pour l’assistance, le vin est tiré. Me Agbo ira en prison. Il est 18 h 15. L’assistance est invitée à reprendre place dans la salle d’audience .5 minutes plus tard, le juge n’est toujours pas là. L’attente devient longue. A 18 h 24, le juge fait son entrée dans la salle, suivi du Procureur. L’audience est ouverte ! Dans la salle, un silence plat. L’on est impatient de savoir ce qui va en ressortir. Le juge Ulrich Gilbert Togbonou prendra tout le monde de court.Il ne donne pas le verdict pressenti par les réquisitions musclées du procureur  Justin Gbènamèto. Il renvoie la cause au 16 janvier, pour le sursis à statuer de la Cour constitutionnelle sur l’exception soulevée dans la matinée par Me Sandrine Aholou. L’assistance est partagée entre la surprise et le ouf de soulagement. A cette date, le dossier sera aussi mis en délibéré. 

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