Ahouato, solidarité nationale en berne

Là-bas à Newtown, bourgade de l’Etat de Connecticut aux Etats Unis, située à mille lieues de nous, un jeune homme nommé Adam Lanza, souffrant du syndrome d’Asperger, une variante de l’autisme (handicap intellectuel grave), propulse cette petite ville au devant de la scène internationale. 

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Le jeune homme, séduit par les théories apocalyptiques de sa maman, a simplement choisi de mettre fin à la vie de 26 personnes dont lui-même et son inspiratrice de mère. L’Amérique, grande puissance de tous les temps, est sous le choc. Le président Barack Obama, fraîchement réélu, n’a pu se passer d’aller sur les lieux du drame pour dire sa compassion aux parents des victimes. Les médias internationaux n’ont pu s’empêcher d’en faire leurs choux gras. Depuis ce vendredi, on ne s’en lasse pas d’en parler. La tristesse et l’émotion sont assez grandes. Vingt quatre heures plus tard, c’est le Bénin qui est frappé à son tour par un drame. Bilan : 19 morts. Ici, ce n’est pas un jeune homme un peu débile qui exécute sa vengeance avec des armes, mais ce sont les eaux placides d’un étang appelé « Héélou ». Un étang dont on saura plus tard qu’il s’est lui aussi vengé, après qu’on ait violé ses interdits. Il a néanmoins bénéficié de la complicité d’un passeur cupide qui a tenu à mettre plus de vingt sept personnes et quatre motos dans une barque qui ne pouvait en garder que dix. Il tenait, lui, à ses pièces d’argent et non à la vie de ses clients. Au cours de ce court voyage, la barque chavira et dix neuf  personnes mouront. La plupart des victimes sont des enfants et des femmes. Le ministre de l’intérieur qui est allé sur les lieux le dimanche, a vu l’horreur. Des cadavres sortis de l’eau sont entassés à même le sol, sur des herbes fraîches. Le ministre et sa délégation eurent à peine le temps de compatir à la douleur des familles éplorées. La compassion n’a duré que le temps de cette visite et puis l’amnésie, l’indifférence, les vicissitudes de la vie font passer ce drame dans le rang des événements ordinaires. Ce qui se passent tous les jours sans que grand monde ne s’en émeuve. La presse locale a eu quelques rares occasions d’en parler. Mais jamais la sensibilité béninoise n’a été secouée et la solidarité nationale n’a jamais agi. A peine a-t-on mis les drapeaux en berne. A peine a-t-on observé une minute de silence dans les écoles, les administrations. A peine a-t-on pensé à aider les familles des victimes qu’on a assimilées à des « cons » qui ont commis l’imprudence d’entrer dans une barque aussi chargée. Et pourtant, ce ne sont pas les structures spécialisées dans ces genres d’assistance qui manquent. Il existe un ministère de la famille, un haut commissariat à la solidarité nationale, et j’en passe. Pourtant, la solidarité nationale semble bien être en berne.  La misère ici a formaté la cervelle de maints Béninois. Elle les a rendus dingues et insensibles à tout. Même les morts les plus atroces n’émeuvent pas grand-monde ici. La course pour la survie et l’accumulation des richesses mondaines devient la seule raison de l’existence humaine. Du temps où nous étions petits, les Béninois étaient plus sensibles devant le phénomène de la mort. Aujourd’hui, 19 morts peuvent passer inaperçus et ne préoccupent personne.  A cette allure, nous perdrons bientôt tout de notre être et de notre humanité.

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