Polémique autour de la réussite de la campagne cotonnière 2012-2013 : la guerre des chiffres aura lieu

La polémique qu’a suscitée la publication dans la presse d’un rapport attribué à l’Union Européenne sur la campagne cotonnière 2012-2013 s’inscrit, sans doute,  dans le cadre d’une guerre prévisible des statistiques, au regard des circonstances dans lesquelles se déroule la campagne.

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On n’avait pas vu un scénario pareil depuis longtemps.  L’actualité nationale étant depuis le mois d’aout marqué, d’abord par l’historique et très controversé entretien « A cœur ouvert du Président Boni Yayi » du 1er août, puis successivement des dossiers, port sec de Tori, Ortb Bell Bénin-Canal 3 et supposé tentative d’assassinat du Chef de l’Etat, le coton est passé pendant quelques temps dans les divers. Et voilà qu’il revient au top du tableau. Ce lundi, comme aux heures chaudes du bras de fer entre le gouvernement et ses anciens partenaire de l’Aic, il y a quelques mois, le ministre du développement, Marcel de Souza, son homologue de l’agriculture, Sabai Katé, et le Directeur général de la Sonapra, Idrissou Bako, face à la presse pour se prononcer sur la filière coton.. Ce lundi soir, des membres du comité interministériel de suivi de la campagne coton en cours, Marcel de Souza, Sabai Katé et Idrissou Bako, ont animé une conférence de presse pour se prononcer sur un supposé rapport alarmant de l’UE sur la campagne cotonnière 2012-2013 publié dans la presse ce lundi même. Leur dernier exercice de ce genre remonte au mois de juin. Ils s’étaient expliqués sur les rasions de  l’opération de réquisition des intrants de l’opération Patrice Talon.

Attaques

Le document dont la publication a suscité la conférence de presse de ces membres de l’Exécutif, est un rapport attribué à une mission d’évaluation de l’Union Européenne. Il s’agit de la mission d’évaluation ex post du projet de l’UE d’appui à la filière coton béninoise : Campagne 2012-2013. Le document annonce que le «bilan de la campagne 2012/2013 » est « particulièrement déficitaire pour les finances de l’Etat.» «La prise en compte de diverses hypothèses permet d’attendre un résultat négatif qui, dans le meilleur des cas atteindra 9.1 milliards de f CFA, et dans le pire des cas 19.7 milliards f CFA», nous apprend le document. Qui nuance : «Mais à ce déficit d’exploitation, il conviendra d’ajouter les subventions aux intrants (9.4 milliards) et les perspectives de gap lié au remboursement partiel des produits de traitement (4.5 milliards), portant le déficit de campagne respectivement à 29.4 milliards dans le meilleur des cas et 39.7milliards dans le pire des cas.» Le document a évoqué plusieurs constations dont la suspension de l’accord cadre liant l’Etat à l’Aic, l’existence de conditions agro-climatiques favorables, la couverture du préfinancement des engrais et produits de traitements, la situation peu favorable sur la marché international et une base erronée d’estimation de la valeur de la récolte béninoise.

Contre-attaque

 Après les démentis du Fmi et de l’UE dans la matinée du lundi,  l’après midi ce fut le tour du gouvernement qui monte au créneau à travers la conférence de presse des ministres de Souza, Katé et le Dg Sonapra. Morceaux choisis dans l’intervention du ministre de Souza : « Il est dit que ce rapport a été établi au mois d’Octobre. Or au mois d’octobre, nous n’avions pas fini les mesures Gps qui sont les techniques les plus sures pour avoir les prévisions. Et malgré les chiffres officiels de 351.000 ha que l’Etat a retenus avec toutes les précautions prises, ils parlent eux de 336.000 ha. Où obtiennent-ils leurs chiffres ? » Questions ? Plus loin, il va faire savoir que « Nous faisons une incursion sur le marché à hauteur de 200 tonnes par jour. Le tout, 11.000 tonnes autour de 850 à 866 F. Et tant que le prix dépasse les 800 F, la filière ne peut sortir déficitaire. »

La guerre a déjà commencé

« Le Chef de l’Etat avait un objectif et l’objectif est atteint. Et nos amis d’en face ne veulent pas digérer leur défaite. J’invite les braves producteurs à ne pas se laisser distraire ». Ces propos sont un extrait de ceux tenus par le ministre de l’agriculture à la conférence de presse du comité interministériel de suivi de la campagne cotonnière 2012-2013. Ils témoignent bien du fait que la publication de cet extrait du rapport incriminé et la réaction du gouvernement, est une manifestation du bras de fer auquel se livrent le gouvernement et ses anciens partenaires de la filière.  Cela était prévisible au regard du contexte dans lequel le gouvernement avait décidé d’assurer à titre exceptionnel la gestion de la campagne. Pour rappel, la prise en charge de la gestion de l’actuelle campagne par le gouvernement est venue après la suspension de l’accord cadre qui lie l’Aic (Association interprofessionnelle du Coton) à l’Etat béninois. Cet épisode a été marqué par des accusations de tripatouillages de statistiques et de détournements de fonds de la part du gouvernement, un bras de fer entre le Chef de l’Etat et Patrice Talon, le magnat de la filière coton.

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Dans un tel contexte, il n’est donc pas surprenant que pendant qu’on tend vers la fin de la campagne, des chiffres sortent de partout, soit pour montrer le succès du gouvernement, soit pour démontrer son fiasco. Et dans cette guerre des statistiques, le gouvernement a intérêt à mettre fin au fétichisme habituel autour des statistiques qui constituent pourtant une information publique auquel le citoyen a droit. Sinon, s’attaquer aux organes de presse qui ont un scoop, l’ont balancé ne doutant pas de leurs sources et conformément à leur devoir de ne pas priver le public de l’information, n’est pas la solution. A Yayi et les siens de jouer.
Léonce Gamaï

Que cache cette frilosité du gouvernement autour de la question du coton ?

Un hypothétique rapport sur la campagne cotonnière 2012-2013 que la presse attribuerait à l’Union Européenne (UE) fait polémique dans le pays. Depuis, le gouvernement, pris d’une sorte de fièvre hectique, dément et menace les auteurs de « l’intoxication ». L’attitude est bien curieuse et cache mal les inquiétudes et les incertitudes sur le coton béninois.

Il a suffi de la publication d’un rapport attribué par une certaine presse à l’UE pour voir le gouvernement  dans tous ses états. En moins d’une journée, les représentants du Fmi et de l’UE sont passés devant le Chef de l’Etat à la Présidence de la République, pour démentir la production d’un tel rapport par leurs institutions. Ledit rapport  parle d’un déficit de plusieurs milliards sur la campagne cotonnière 2012-2013. Mais le passage des responsables de ces institutions à la Marina n’a pas suffi pour combler l’ire du gouvernement. Deux ministres du gouvernement sont montés au créneau aussitôt, pour démentir les chiffres annoncés. Ils n’ont pas fait de cadeau à la presse qu’ils ont d’ailleurs menacée d’assigner en justice. Les ministres ont affirmé que la campagne s’est bien déroulée  et la superficie emblavée avoisine les 351.000 hectares. Selon Marcel de Souza et Sabaï Katé, tout se passe bien au niveau de la campagne cotonnière 2012-2013 et il n’est pas question qu’on parle de déficit compte tenu des négociations en cours. On pourra ainsi accorder tout le crédit  à cette déclaration du gouvernement, si lui-même ne s’était pas évertué, tout au long de la campagne, à proclamer 500.000 ou 600.000 tonnes. Et c’est le Chef de l’Etat lui-même qui a embouché la trompette de la propagande en annonçant des chiffres astronomiques que lui chuchotaient ses ministres. A ce niveau déjà, on peut se permettre d’affirmer que les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Quid du rapport à polémique ? La représentante de l’UE, reçue en audience par le Président Boni Yayi, a néanmoins dans sa déclaration confirmé le fait que son institution a commandité un rapport sur la filière coton mais que celui-ci n’est pas encore disponible. Il ne devait donc pas avoir de différends autour de cela. Le gouvernement pourrait, en restant dans une posture responsable, attendre la publication de ce rapport pour se prononcer. Ainsi, le gouvernement pourra se prononcer sur des chiffres officiels venant d’une institution crédible. Mais bizarrement, le gouvernement semble utiliser la stratégie de l’intimidation pour étouffer  la presse et l’institution en question, au cas où le rapport serait prêt à être publié. La preuve, le ministre du développement, Marcel de Souza, s’en est pris vertement à ces institutions  qui, selon lui, ne doivent pas « remettre en cause » les résultats d’un Etat. Depuis la suspension de l’accord-cadre, le gouvernement gère les problèmes de la filière coton avec beaucoup d’agitations et utilise une campagne médiatique assez tapageuse autour de la question. On a l’impression que le gouvernement cherche toujours à cacher des vérités aux populations et craint un désaveu public, après avoir englouti les ressources nationales dans une campagne qui réserve encore des surprises.
Marcel Zoumènou

 

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