Le coup de poker de Boni Yayi à Bangui

Annoncée  à  grands renforts de publicité, la visite à Bangui du président de l’Union Africaine a toutes les apparences d’un coup de poker sans lendemain plus que d’une vraie tentative de médiation devant déboucher sur une véritable solution de  sortie de crise.

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Le président de l’Union africaine qui est allé tout seul à Bangui sans la présidente de la commission, n’a rencontré que le seul président Bozizé. Ni les politico –militaires de la Selaka encore moins l’opposition politique  n’ont eu droit à cet honneur. Certes, les rebelles de la fameuse Seleka  (coalition en langue sango)  avaient décrété une journée de trêve à l’occasion de la visite. Mais c’est après avoir  occupé  la ville de  silbut à quelques 160 kilomètres de la capitale Bangui en violation de l’accord de cessez-le feu conclu avec la Fomac(la force de maintien de pais de la ceac(communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Afrique centrale). C’est vrai aussi qu’à l’issue  des quelques trois heures d’entretien du président Boni Yayi à l’aéroport de Bangui sécurisé par l’armée française, le président Bozizé a  fait des propositions de nature à décrisper la tension politique dans le pays. : participation aux pourparlers de Libreville sans conditions préalables, formation d’un gouvernement d’union nationale, réaffirmation  de sa volonté de ne pas se représenter à l’élection présidentiel de 2016. Cependant, il est à craindre que ces concessions arrivent un peu trop tard. D’autant que les  rebelles, confortés par la prise sans combat du dernier verrou de Sibut avant celui de Damara, montent les enchères et  mettent maintenant dans la balance du dialogue,le départ du président Bozizé du pouvoir. Ils affirment par ailleurs que la participation à un gouvernement n’est pas leur objectif

Le syndrome de la bataille d’Abidjan

L’avancée des troupes de la rébellion vers la capitale Bangui ressemble à s’y méprendre  à celle des Forces Nouvelles  à Abidjan avant un certain 1 avril 2011. Comme ces dernières, les rebelles centrafricains venus du nord prennent les villes menant vers la capitale une à une presque sans combattre. Au moment où nous écrivons ces lignes, les rebelles sont aux portes du dernier verrou de Damara sur la route de Bangui. Si, devant la détermination des rebelles,  les forces de la Fomac renforcées par les troupes tchadiennes  les laissent  entrer  dans Bangui, Bozizé risque de se retrouver dans la même situation que Laurent Gbagbo environ de deux ans plus tôt. Avec la grande différence qu’il n’aura pas l’armée française, contrairement à Ouatarra, pour le soutenir contre les rebelles. C’est sans doute en prévision de ce scénario -catastrophe que le président Bozizé s’est empressé de faire ses  dernières concessions et s’est dit prêt à aller aux négociations de Libreville  sans condition.

A l’évidence, le Président Boni Yayi n’a servi que de boîte aux lettres à un président aux abois qui a toujours rusé avec ses adversaires politiques. Le président  en exercice de l’Union africaine n’est venu à Bangui que pour permettre à Bozizé de reprendre la main et gagner du temps. En invitant Boni Yayi à Bangui en effet, Bozizé fait d’une pierre deux coups : avoir la caution de l’organisation panafricaine et subsidiairement se rappeler au bon souvenir de ses coreligionnaires  du Bénin. Pasteur de l’Eglise du christianisme céleste depuis son exil à Cotonou dans les années Kolingba, Bozizé n’avait jamais manqué aucun pèlerinage annuel  de la plage de Sèmè le 25 décembre  de chaque année depuis qu’il est au pouvoir. Ces «  visites pastorales » prenaient des allures de véritables visites officielles. Cette année Bozizé n’était au pélérinage de Sèmè- plage et pour cause !L’heure est grave et le pouvoir centrafricain a le dos au mur. Par le passé en effet, Bozizé a toujours accepté du bout des lèvres de respecter ses engagements avant de se rétracter. Le précédent dialogue dit « inclusif» qui a  été organisé un peu avant la dernière présidentielle a vite tourné en eau de boudin. L’élection présidentielle elle-même s’était déroulée dans des conditions calamiteuses -une grande partie des électeurs n’avait pas été pris en compte- et pourtant, la Cour constitutionnelle a proclamé le  Ko dès le premier tour, au  grand  dam de toute l’opposition. Quand les pouvoirs issus de pseudo élections démocratiques n’arrivent pas  conduire les processus démocratiques à la satisfaction des populations, rien ne peut empêcher  des putschistes en l’absence d’une opposition forte de s’interposer pour prendre le relais. Le Mali a montré tristement le chemin.

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