«Des traces de pas sur le rocher» du Docteur Basile Adjou-Moumouni

 

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(Le devoir de rendre compte et de sauver l’histoire) Des traces de pas sur le rocher. Le quatrième ouvrage du Docteur Basile Adjou-Moumouni. Le devoir de rendre compte de sa mission jusque là sur terre, le devoir de ne pas partir avec dans sa mémoire, la mémoire d’un peuple et des événements dont il a été témoin, offrir aux jeunes générations les pistes de s’inspirer de ses expériences pour bâtir un pays indépendant pas seulement sur papier, sont entre autres, les motifs qui sous-tendent la publication de ce livre de l’octogénaire paru en 2011 aux éditions Spl.

Des pans de l’histoire des pays ont disparu faute de n’avoir pas été consignés quelque part et sur un support approprié. Ils sont transmis de génération en génération par le mode de l’oralité. Le risque, c’est la déformation d’une personne à une autre. Elle est tronquée au fil des années. Pour ne pas être responsable de cette lourde faute vis-à-vis, notamment, de ses cadets, le Docteur Basile Adjou-Moumouni consigne ses réflexions, ses contributions à la nation dans ses ouvrages. Dans le tout dernier, du moins de ceux qu’il a publiés déjà, il laisse ses empruntes sur le rocher. «Des traces de pas sur le rocher» publié en 2011 aux éditions Spl.

Ce livre, c’est le condensé des «réflexions et méditations» de l’auteur «sur les événements qui ont jalonné son existence pendant neuf décennies». Certes l’histoire personnelle du 5è fil du Koukou, le cuisinier, mais à travers, celle d’autres personnes qu’il a côtoyées, celle de son pays. Le médecin légal et tropical spécialiste de santé publique, fonctionnaire de l’Organisation mondiale de la santé (Oms) fait le récit de sa vie; partage avec le lecteur les enseignements qu’il en tire sur le plan humain, philosophique et spirituel ; des conseils de vie. Toutefois, en toute modestie, l’auteur ne s’affiche pas comme un donneur de leçon en dépit de la richesse morale contenue dans ses enseignements. C’est plutôt l’homme animé d’un esprit d’ouverture, prêt à toutes discussions pour que l’histoire du pays en sorte gagnante. Et puisqu’il s’agit d’histoires, donc destinées à toutes les cibles, le médecin écrit dans une simplicité de style. Aussi, une diversité de genre journalistique.

Le Yoruba prince à Abomey

Le récit du Dr Adjou commence déjà par une petite brèche sur le vécu de son père. Son père de qui il hérite à 60 ans une place dans la cour royale des Zinzindohoué. Yoruba, le père, Monsadiwin, était devenu, par alliance, Dah chez les Houégbadjavi. Il était “aboméen’’ au point où peu de gens ont eu connaissance de ses origines yoruba. Le fils, appelé a assuré la succession  de son géniteur devint Dah Ayan n’doté dans sa cour maternelle. Nonobstant tous les honneurs qu’on lui accordait et  sa fierté d’appartenir à cette famille maternelle de la lignée du Roi Agonglo, Basile Faliho a toujours revendiqué ses origines Yoruba. Et il obtient d’ailleurs plusieurs statuts chez son père. A daye ba, le Egun de son père, le Oni apini des adeptes du culte Egungun, le Ajana des adeptes du culte oro, … Dans l’exercice de ces différentes attributions, l’auteur retient : Le mépris avec lequel nous abandonnons  nos cultures d’origine ressemble étrangement au rejet d’une partie de nous-mêmes» (p 16).

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Les mémoires d’une génération

C’est à travers les récits qu’il raconte des gens qu’il a côtoyés qu’il révèle son existence dans les lignes de ce livre. Après des descriptions sur quelques merveilles naturelles du monde, rencontrés sur ses chemins, l’auteur décrit ce qui fait la particularité de chacun de ses amis d’enfance, à l’âge adulte et de ses parents dans leur quotidien. Comme un journaliste spécialiste des sujets d’investigations, le portrait que fait le médecin-écrivain de chaque personne ne s’arrête pas à leur vécu ensemble dans un quartier, dans un village ou dans une école. L’auteur nous informe aussi de ce qu’est devenu, des mois ou des années plus tard, chacun de ses concitoyens d’une époque donnée, qu’ils soient maintenant au Bénin, en Afrique ou partout ailleurs dans le monde.

Outre un seul camarade de classe ayant passé 6 ans au cours préparatoire, tous les autres amis ont connu du succès dans leurs cursus scolaire. Mieux, il est aisé de remarquer l’excellence des étudiants dahoméens dans toutes les universités où ils s’étaient inscrits. Ils se distinguaient toujours pour seconder les formateurs européens, informe l’auteur. De cette remarque, l’auteur trouve paradoxale que le Bénin peine toujours à s’organiser et être véritablement indépendant.

Au nombre des personnages que décrit l’auteur, il parle aussi des enseignants qui sont, dit-il, les façonneurs de cette existence dont il fait le point dans ce livre. C’est un hommage à ceux qui ont fait sa personne. Ce sont ses professeurs de l’école laïque de Cotonou, l’école régionale de Covè, l’école primaire supérieure Victor- Ballot de Porto-Novo, l’école normale William Ponty (Sénégal), l’école de médecine et de pharmacie Jules-Carde de Dakar, etc. De ses enseignants, le jeune Basile à l’époque a tiré beaucoup de vertus qu’il partage dans «Les traces de pas sur le rocher». Desquelles vertus la jeune génération pourrait s’inspirer. Car, lui-même en a donné la preuve de ce que les qualités de ses enseignant ont permis de former un jeune médecin béninois cadre supérieur de l’administration française et ivoirienne puis de son pays, fonctionnaire de l’Oms dont la carrière a été couronnée de succès dans près de ¾ des pays africains qu’il a parcourus.

Victime de la méchanceté de l’homme

Les enseignants n’ont pas été les seuls à influencer la vie de l’auteur de «Les traces de pas sur le rocher». Et sa vie n’a pas été marquée uniquement de façon positive. Dans un monde entouré de gens «sympas», il s’est trouvé aussi des hommes qui ont marqué sa vie de par leur malveillance et leur méchanceté. Et ce, depuis son enfance. Basile Adjou-Moumouni se rappelle encore de l’hostilité de ses camarades quand il est sorti major de sa promotion pour le concours d’entrée à l’Ecole Victor Ballot à Porto-Novo en 1938. Elle était si grande que l’enfant âgé de 15 ans ait parcouru la distance Porto-Novo-Cotonou à pied de peur que ses camarades ne le guette à la gare où il devrait prendre le train.  C’est entre autres, les scènes malsaines qu’il a vécues. Certains des auteurs ne sont pas pour autant méchants eux-mêmes si ne n’est pas les actes qu’ils posent. «Si nous ne mettons pas la mort à l’épreuve, nous ne pourrons pas savoir qu’elle a de la méchanceté dans le ventre» (P 86). Mais l’innocence de Basile lui a toujours été profitable. La nature lui a toujours rendu justice. Lui qui semblait même ignorer son sort et se préoccuper de l’injustice faite à d’autres camarades. A l’analyse, il prie : «Que le discernement et l’introspection nous aident à éviter ces écueils de la vie en commun ; surtout pour ceux à qui incombent des charges sociales importantes» (p 91).

La politique à la béninoise des années 1960

Déjà, il se suffisait de ses qualités professionnelles à Brazzaville quand de jeunes cadres de son pays ont cru en lui, l’homme capable de sauver le peuple béninois en 1968. Mais il sera très tôt victime de la politique à la béninoise. Sorti vainqueur des présidentielles de cette année, et ce au premier tour avec plus de 85% des suffrages, Basile Adjou-Moumouni n’aura jamais eu l’occasion d’occuper le fauteuil présidentiel. Ainsi en a décidé les militaires à l’époque. Beaucoup d’autres événements politiques (des dirigeants sans visions, des dirigeants peu ou pas du tout soucieux du peuple, des dirigeants au service de leurs intérêts personnels au détriment de ceux de la nation …) amène l’auteur à affirmer: «Si faire la politique, c’est “gouverner avec justesse, aimer le peuple et vouloir le servir sincèrement’’ comme l’a affirmé Dilma Roussel, il semblerait qu’en Afrique et notamment au Bénin, nous manquions cruellement de noblesse dans notre vision des services à rendre au peuple» (p 109).

L’esprit de patriotisme

Certes, Dr Basile Adjou-Moumouni a subi la méchanceté de ses compatriotes béninois surtout politiciens, mais il ne ménage pas sa contribution pour l’émergence de son pays. Pays qu’il considère comme la dépouille mortelle de sa maman. «Un diable de fou dit : tant que la dépouille de ma mère ne sera pas mise en terre, ma main sera toujours sur elle, la caressant, la retournant sur la droite, la retournant sur la gauche jusqu’à ce qu’elle soit mise en terre» (p 119). C’est ce que Dr Adjou fait de son pays. Malgré les séquelles qu’il a reçues sur ses sentiers de contributions au développement du Bénin, il revient dans ce livre avec des propositions. Car, il est toujours peiné de voir ce pays, dit-il, perdre de plus en plus le contrôle de ses affaires, 50 ans après son accession à la souveraineté internationale. Ces conseils vont à l’endroit des politiciens, de la jeunesse, à tout le peuple béninois. En onze points, il expose les tâches auxquelles devraient s’atteler les dirigeants de ce pays d’une part. D’autre part, après une analyse de ces 50 ans d’indépendance du Bénin, l’auteur tire les conclusions relatives aux obstacles à la démocratie béninoise et propose aussi des solutions pour une amélioration de la situation. Il en appelle à la contribution de tout le monde : «Transforme ton pays afin d’y créer tout le confort que tu recherches ailleurs.»

Obéissance, forte spiritualité, réjouissance aux heures de difficultés.

D’après le récit, on se rend compte que le Docteur Basile Adjou-Moumouni est un homme qui prend toujours de manière positive, les événements de cette vie sur terre. Même les événements malheureux, il s’en réjouit. Car, à l’en croire, tout se passe selon un programme de Dieu établi pour sa vie. «Je suis un enfant programmé». Convaincu donc que tout est programmé par Dieu, Basile trouve qu’il n’y a rien de plus bienséant que  d’obéir. Plutôt que l’événement (triste ou heureux) qui se produit, cette obéissance fait objet de réjouissance et de fierté pour l’auteur. Il conseille : «Frêle créature humaine, écoute ton créateur ! Sa voix ne se confond jamais à celle du diable. La récompense que tu peux tirer de ton obéissance ne doit pas être le critère de ta décision. Vise simplement à lui obéir, tu ne seras jamais déçu» Au service de Dieu, point de souffrance, les difficultés sont des leçons.» L’auteur fait montre d’une foi en Dieu. Cette croyance qui l’amène à une grande spiritualité lui permet de recevoir fréquemment des messages provenant de Dieu. Toutefois, il n’ignore pas la présence de ses parents défunts comme aussi des gardiens de sa vie.

 

Tel le dit Dr Basile S.F.O. Adjou-Moumouni, que l’intelligence vive qui perce le secret des mots, la science des phénomènes et la richesse des catastrophes, soient avec les lecteurs des mémoires du 5ème fils de Koukou, le cuisinier.

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