Kora 2012 : naufrage dans la lagune EBRIE

Depuis qu’il a quitté son giron sud-africain, les Kora Awards ont du mal à s’expatrier. Annoncés un temps au Nigéria, organisés presque à la sauvette en 2010 à Ouagadougou, ils ont trouvé un point de chute à Abidjan en cette fin d’année 2012.

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L’ancienne capitale ivoirienne, naguère principal pôle musical d’une Afrique francophone où Houphouët Boigny savait huiler l’inspiration des vedettes par sa générosité légendaire, a fait sa toilette des grands jours au palais des congrès de l’Hôtel Ivoire transformé en un grand restaurant-dancing. « The show must go on », disait-on, un show digne de ceux qui s’organisaient à Sun City à Johannesburg.

Ernest Adjovi, le chairman de la cérémonie, avait annoncé lui-même la présence d’une brochette d’artistes hors paire, ceux qui font actuellement danser le continent, de Patience Dabany à P-Square, de Chidinma à Sexion Dassaut. Mais, à la veille de la cérémonie, surprise : la soirée a été reportée pour le lendemain. Cause : le sulfureux chanteur noir-américain, Chris Brown, la méga star annoncée qui devrait venir rehausser l’événement de par sa présence, aurait tout simplement…raté son vol. Rien que ça !

Donc rebelote pour le dimanche 30. A vingt deux heures piles, la retransmission de la douzième édition du Kora Awards a été lancée. Yves Zogbo Junior, animateur vedette des plateaux de télévisions africaines, ouvre les « hostilités » dans un magnifique décor. Les artistes défilent, des plus connus au moins connus, les prix se succèdent selon les catégories. Ce qui est étonnant, ce sont les ministres du gouvernement Ouatara qui montent sur scène, font la présentation des prix selon les découpages géographiques, lisant laborieusement des textes dont ils ne s’étaient même pas assurés la cohérence. A ce jeu, c’est le ministre d’Etat, Ahmed Bagayoko qui remportera la palme, puisque sollicité cinq fois, il manifestera sa lassitude par des gestes d’énervement. En tout cas, de la vingtaine de titres décernés, seuls trois ont échappé au parrainage d’un ministre de la République.

Des satisfactions, il y en a eu très peu. On citera la prestation de Chidinma, la belle et rafraichissante nigériane qui planait sur le podium avec son sourire et ses coups de hanche ; le prix du Meilleur Artiste féminin de l’Afrique de l’Ouest qui lui a été décerné; la distinction de Cheb Khaled pour son magnifique morceau « la vie », au titre de Meilleur Artiste de l’Afrique du Nord ; le plébiscite de Sessimè, la béninoise, pour son prix « espoir féminin », les frères Guèdèhounguè pour le prix de musique traditionnelle.

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Mais les déceptions, elles, se sont multipliées. D’abord, les ennuis techniques. Les problèmes de coordination entre la régie vidéo et les animateurs ont jalonné l’ensemble de la cérémonie. On sent une impréparation à tous les niveaux, ce qui a provoqué parfois une gigantesque cacophonie, comme si on était dans une soirée de concert de collégiens.

Deuxième déception : certains prix décernés. La crédibilité des Koras s’en est sévèrement ressentie. Comment peut-on préférer DJ Arafat à un chanteur comme Lokoua Kanza ? Comment peut-on choisir un disque jockey – sans doute animateur hors pair – au détriment d’un vrai chanteur à la voix épurée aux compositions raffinées avec des textes profonds ? DJ Arafat, qu’on se rappelle, ne tranche pas par sa voix, il ânonne plutôt qu’il chante, ses textes ne sont que des onomatopées interminables….Autre prix immérité : la distinction de Magic System à côté des groupes comme X-Maleya du Cameroun, Toofan du Togo : certes, Magic System est un groupe hors norme, mais le morceau qui était en compétition était d’une qualité médiocre par rapport à ses concurrents.

Mais la plus insupportable de ces déceptions, c’est l’absence des trois personnalités sensées porter la cérémonie : il s’agit d’Abu Thiam – frère du chanteur sénagalo-américain Akon – de Patience Dabany et de Chris Brown.

Si pour le troisième, il avait été dit qu’il se produisait sur scène à Yopougon, on ne comprend pas pourquoi celui au nom de qui la cérémonie avait été reportée, n’ait pas gratifié la salle – et l’ensemble des téléspectateurs – d’une présence de quelques secondes. Il aurait été préférable qu’il vînt à la cérémonie au lieu d’aller animer ce concert où seuls moins de mille personne étaient allées l’applaudir alors que le show était annoncé comme devant rassembler vingt mille fans. Et c’est à cause de cette désaffection du public que Rihanna, qui était en compagnie de Chris Brown, aurait refusé de monter sur le podium. Une diva qui se produit devant un public inexistant, ça serait désastreux pour son image.

Mais alors, que dire de l’absence de Patience Dabany l’ex-première dame du Gabon, chanteuse populaire en Afrique francophone ? Comment comprendre les chaises laissées vides par P-Square, le plus international des groupes musicaux que l’Afrique ait jamais connu ?

Les Kora Awards n’en finissent pas de dégringoler. Si à Ouaga, ses ailes se sont coupées, à Abidjan, cette fois-ci, ils se sont abîmés dans la lagune Ebrié. La question est de savoir s’ils se sont définitivement noyés ou si, comme son président exécutif de Sphinx, ils renaitront un jour de leurs restes.

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