La parité : un Outil de cohésion nationale

Le 14 mai 2010, le jour où la loi sur la parité fut votée à l’Assemblée nationale sénégalaise, le président Wade, s’adressant à la marée humaine des femmes venue le remercier leur dit : «La parité représente désormais pour vous un outil de cohésion nationale, un outil de travail, de respect mutuel et surtout de progrès pour le Sénégal.»

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In outil de cohésion nationale, de progrès pour le Sénégal ! Et pourquoi en serait-il autrement pour notre beau pays aux ressources limitées? Un pays qui a tant besoin de toutes ses ressources humaines, en ces moments de crise économique internationale. Pour réaliser notre développement, le développement du pays, devons-nous laisser sur le quai plus de la moitié de la population béninoise? La moitié du ciel, comme nous appelle Mao Tsé-toung, ce grand dirigeant  qui a sorti les femmes des campagnes chinoises, pour les envoyer dans les usines et créer ainsi de la richesse. Mao a cru aux femmes de son pays. Pourquoi nous autres africaines, nous ne pouvons bénéficier de la même chance que les femmes d’autres cieux? Pourquoi, chaque fois que nous cherchons à bouger les barrières érigées par des habitudes séculaires héritées d’une société où seul l’homme avait droit de décider de tout pour nous, le consensus s’érige contre cette avancée et il n’y a plus ni mouvance ni opposition, ni modernistes ni traditionalistes?

On me répondra que c’est la femme même qui fait son propre malheur. Promptes à se détruire entre elles, elles ne peuvent donc accuser l’homme d’être à la base de tous leurs maux. Au Mali, on a bien vu des milliers de femmes marcher contre le Code la famille qui va les libérer du joug masculin. Je me suis interrogée : «savent-elles vraiment en quoi consiste cette marche, alors qu’elles ont été instrumentalisées par les Islamistes soit disant leaders religieux.»

Il est question actuellement de voter une loi en faveur de toutes les femmes du Bénin. Chers parlementaires,  il s’agit d’une loi en faveur de vos épouses, de vos sœurs, de vos filles. Une loi qui apportera un meilleur épanouissement à la gent féminine de notre pays et nous aidera à mieux assurer notre rôle à vos côtés pour le développement du Bénin, à assumer nos tâches au quotidien, pour notre épanouissement personnel et celui de toutes les femmes qui travaillent à vos côtés et vous accompagnent dans toutes les activités pour faire du Bénin un pays moderne et prospère.

 Ainsi depuis le 14 mai 2010, le parlement sénégalais a voté la loi sur la parité.  Ici au Bénin, j’ai lu avec attention les journaux qui ont relaté l’atmosphère qui a prévalu à l’Assemblée nationale  lors de cette rentrée parlementaire où la question était inscrite à l’ordre du jour. Tous les titres ont montré que cette loi ne fait pas l’unanimité au sein du parlement. Certains arguent du fait que la loi n’a plus sa raison d’être, du moment où «le principe de l’égal accès aux fonctions entre hommes et femmes est déjà consacré par la Constitution»… Et que les femmes n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque exclusion ou discrimination. «Pour une meilleure représentativité des femmes dans les diverses instances étatiques et plus précisément à des postes électifs, certains députés pensent que ce ne peut être une loi mais plutôt la capacité des femmes à s’organiser  de manière à s’affirmer, à gagner la confiance de la majorité de leurs paires en vue de bénéficier de leur soutien indéfectible à travers un suffrage massif». L’Autre quotidien N°2059 du jeudi 17 janvier 2012.

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Dans ce pays, nous aimons vraiment nous voiler la face, pratiquer la politique de l’autruche quand  une situation ne nous arrange pas. Qui ne sait pas que nous femmes sommes discriminées? Qui ne sait pas que nous méritons plus que la portion congrue qu’on nous offre actuellement? Et quand nos élus disent de mieux nous organiser pour mériter les suffrages de nos compatriotes, ils savent de quoi ils parlent. Combien de femmes ont dû laisser leurs sièges au niveau du Parlement et au sein des Communes, parce qu’elles n’ont pas su ou pu battre campagne avec les moyens subséquents? Je réponds ainsi  à ce député – dont j’apprécie par ailleurs les interventions lors des débats-    qui exhortait une de ses collègues à battre campagne pour mériter sa place à l’hémicycle. Combien parmi nous peuvent soutenir une journée de campagne lors d’un scrutin dans ce pays? Même une heure, personnellement je ne peux l’entreprendre. Et pourtant, comme beaucoup d’autres de mon genre, je voudrais utiliser mes aptitudes intellectuelles, mon énergie et mon savoir faire au service de mon pays.

Etre en phase avec la dynamique du changement

Avec la mondialisation, le Bénin ne peut s’enfermer dans sa tour d’ivoire et ne pas suivre le mouvement Genre qui apporte une révolution dans les mentalités et entraîne la femme sur le devant de la scène au même titre que l’homme. Je sais que toute dynamique de changement dérange ; parce qu’elle ébranle des certitudes, bouscule des habitudes établies et remet en cause des acquis et des privilèges indus. Je l’ai toujours dit à nos chers époux et frères. Nous ne voulons pas vous chasser pour prendre vos places. Mais, chers parlementaires, quelle réponse donnez-vous à vos collègues sénégalais par exemple, quand ils vous demandent : «Qu’attendez-vous pour voter la loi sur la parité puisque vous avez déjà voté le Code de la famille?». J’avoue que lorsque Fatou Sow Sarr  , la Coordonnatrice du CAUCUS, une organisation intergénérationnelle, un cadre dynamique de réflexion et d’actions sur les décisions prises par les autorités pour promouvoir le statut des femmes, renforcer les conditions et compétences pour l’égalité du Genre au service du développement durable du Sénégal, lorsque Mme Sarr m’a demandé à quand le vote de la loi sur la parité au Bénin, j’ai redressé la tête et répondu optimiste : «Bientôt, très bientôt! Nous avons commencé la bataille». A mon avis  cette bataille ne peut être correctement menée  sans l’Institut national de promotion de la Femme. Car, c’est le CAUCUS qui a rassemblé toutes les femmes leaders  pour mener le combat sur la parité, pour le bonheur de toutes les Sénégalaises. Les documents que j’ai ramenés du pays de la Téranga montrent clairement que ce n’est pas le problème de quelques ONG mais de toutes les femmes leaders,  peu importe leurs bords, (société civile, partis politiques, syndicats, etc.…), mobilisées et organisées dans un creuset pour des actions de lobbying et de plaidoyer auprès des leaders d’opinion afin d’acquérir leur adhésion à l’objet de la loi pour qu’elle soit votée par consensus.  Car la Parité n’est qu’une halte, une station pour arriver à la gare «Egalité Homme- Femme.»  

Le Président Boni YAYI qui a toujours initié des actions fortes (microcrédits aux plus pauvres, césarienne gratuite, 30 % de femmes au gouvernement… etc.),  pour sortir la femme de la pauvreté et lui donner de la visibilité ne s’arrêtera pas en si bon chemin. A l’instar du président Wade à qui les femmes sénégalaises sont reconnaissantes aujourd’hui, pour avoir accompagné moralement et matériellement le projet de loi sur la parité jusqu’à son vote, le Président de la république du Bénin écrira en lettres d’or cette page de notre histoire. Au nom de toutes les femmes béninoises, je remercie mon professeur de psychopédagogie,  M. Djibril Débourou qui a initié la loi. L’histoire retiendra positivement son nom. A ceux qui sont opposés au vote de la loi, nous leur disons de voir au-delà de leurs personnes l’intérêt général, celui de toute la nation. Si les Sénégalaises ont leur loi qui leur permet aujourd’hui d’occuper la troisième place en Afrique, du point de vue de la représentativité des femmes au Parlement (43,3%), pourquoi pas le Bénin, pays des braves et immortelles amazones?

Par Adélaïde Fassinou Allagbada
(Depuis Boston,  Usa)
Professeur de Lettres- Ecrivain

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