Mali : une si longue guerre

Près d’une semaine après les premières frappes françaises en terre malienne, l’euphorie et l’approbation du départ commencent à laisser place à l’anxiété. On réalise peu à peu que cette guerre sera plus longue que prévue. Elle sera longue, ennuyeuse et surtout ruineuse pour la France.

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« Nous poursuivons ces actions aussi longtemps que nécessaire ». Ainsi parlait Jean Yves le Drian, le ministre français de la défense le samedi 12 janvier lors de sa première conférence de presse à Paris pour donner les raisons de cette guerre que la France a déclenché deux jours plus tôt. Il levait ainsi, sans trop le savoir lui-même et sans force détails, un coin de voile sur la caractéristique d’une guerre : une guerre longue comme d’ailleurs toutes les guerres contre le terrorisme. Et pour cause. L’ennemi en face est presque « invisible ». Il ne laisse pas voir son visage, disparaît rapidement quand il voit que son adversaire est en position de force. Il est très mobile, profite fortement de sa capacité à vivre et résister aux climats et sols arides. Cet ennemi-là est partout et nulle part à la fois, capable de dévorer des centaines de kilomètres grâce à ses pick up, capables de locomotion dans les dunes de sable et les montagnes et de résister face aux vents de sable. L’ennemi contre qui combattent les français et leurs alliés a une autre caractéristique. Il est très téméraire, méprise la mort qu’il prend comme l’heureux aboutissement d’une vie de Moudjahidine consacrée à Allah. Ces psychopathes d’un genre nouveau, endoctrinés dans les madrasas, les mosquées et les katibas par des sourates souvent travestis et lus à l’envers, n’ont aucune considération pour la vie humaine qu’ils ôtent sans  vergogne. Ces « fous de l’islam », sanguinaires et cruels, tuent sans limite, imposent partout la charia et prennent pour l’ennemi de l’islam tous ceux qui ne partagent pas leur conviction religieuse perverse.  N’ayant donc pas peur de la mort, ils peuvent tout tenter, oser l’impossible.  Face à de tels ennemis, le front de guerre  n’est nullement tangible. Il est souvent mobile et se déplace au gré des caprices de ces terroristes. Décimés, ils sont capables de reconstituer leurs troupes après des années et recommencer la même lutte. Lutter face à de tels ennemis relève d’un travail de fourmi. La France devrait donc s’attendre à une guerre longue. D’abord, c’est la situation géographique de la zone de conflit qui s’y prête. Un désert si vaste, sans limites précises où s’enchevêtrent des frontières peu tangibles de plusieurs états. Chassés de Kidal, de Menaka, de Tessalit, de Gao, ils pourront se retrouver aux confins de la Mauritanie, de l’Algérie, du Niger pour aller se mettre à l’abri et éviter les frappes Françaises. Au fur et à mesure que la guerre va se poursuivre, les français bombarderont des camps de plus en plus vides, et tueront moins de djihadistes qui sûrement se sont déjà préparés des abris de sécurité loin des zones de frappe au sud de l’Algérie, en Mauritanie, au Niger et dans d’autres pays.  Ils chercheront à privilégier les guérillas et les attentats même dans des pays insoupçonnables loin de la zone de conflit.

Mobilisation internationale

L’autre donnée qui va compliquer la tâche pour les Français, c’est la composition des groupes en présence. Au début, c’était des touaregs venus de la Lybie majoritairement, pour créer le Mnla. Puis après, Ansare Dine a pris le devant des choses. Aujourd’hui, Aqmi et Mujao se sont ajoutés. Et depuis, le djihadisme international étale ses caprices dans le nord du Mali totalement acquis à leur cause. Ces nombreux groupes ont pu importer des terroristes. Ainsi des Sahraouis, des Algériens, des Marocains, des Pachtounes venus de l’Afghanistan, du Pakistan, des Yéménites, des Nigériens, des Saoudiens et des Libyens auxquels se sont ajoutés des trafiquants de drogue et de métaux précieux venus de partout,  font la pluie et le beau temps dans le nord du Mali. On y retrouve des djihadistes chevronnés comme ceux d’Aqmi qui totalisent des années de maquis. C’est le cas d’Abdelmalek Droukdel, d’Abou Zeib (dont la katiba aurait pris Diabali), de Mokthar Belmokthar, connu sur les sobriquets de Malboro ou le borgne, tous anciens du Fis et du Gspc. L’autre contingent est venu du Waziristan, zone montagneuse de l’Afghanistan où se refugient les hauts responsables d’Al Qaida. On y retrouve aussi des jeunes recrues comme ceux du Mujao, très friands des rapts et des trafics de métaux sans oublier les touaregs d’Ansare Dine appuyés par des Arabes et des terroristes d’Afrique subsaharienne.  Il suffit de lire la déclaration de Sanda Ould Bourama, porte parole d’Ansare Dine pour s’en convaincre. Joint par France 24, au début du conflit, il affirme que  c’est grâce à leurs troupes que les Français ont fui de l’Afghanistan. Il s’agit donc de terroristes venus de plusieurs pays. Chacun y est venu avec ses talents, ses astuces, ses expériences de guérilleros et de terroristes. C’est à eux que la France et les forces armées africaines ont affaire. Des ennemis courageux, véloces et invisibles. Pour les vaincre vraiment, il faut les tuer tous à la fois. Ils sont teigneux et vindicatifs et peuvent, tel un phénix, se régénérer de leurs décombres. Une guerre contre ceux-là ne se plie pas en peu de temps. Elle durera très longtemps. Et les derniers revers subis par la France en sont des illustrations. La France et ses alliés africains ont-ils pris la mesure d’une guerre partie pour durer assez longtemps?.

 

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