Sommet de l’Ua : sous le signe du panafricanisme avec… la France

Le sommet annuel des chefs d’Etat de l’Union africaine s’est ouvert hier dimanche à  Addis-Abeba sous le signe du « panafricanisme et de la renaissance de l’Afrique », selon les propres termes de la présidente de la commission de l’Union, la sud africaine Nkosazana  Ndlamini Zuma.

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Un thème qui devrait sonner comme un slogan mobilisateur pour la prise en main de notre propre destinée. Mais qui sonne creux au regard de l’actualité récente au Mali, surtout le jour même de l’annonce de la prise de la ville multiséculaire de Gao, après moins de 15 jours de la guerre que mène la France en Afrique à la demande  des autorités maliennes. La France, ancienne puissance colonisatrice, étale ainsi  sous les  yeux de tous les chefs d’Etat réunis pour cette messe annuelle de l’unité africaine, sa toute-puissance en Afrique,  révélant au grand jour l’impuissance de la cinquantaine d’Etats souverains qui composent l’Ua. Et pour la première fois depuis longtemps, personne n’a dénoncé l’intervention de la France au Mali ni évoqué le terme péjoratif de « Françafrique ». Le président islamiste égyptien, Mohammed Morsi, qui avait jugé cette intervention inopportune, n’est même pas présent à Addis-Abeba pour renouveler ses critiques. Rien du côté de la Tunisie dont le ministre des Affaires étrangères avait pourtant dit, quelques jours plus tôt, préférer à cette intervention, une solution purement africaine. Ni de celui du petit Rwanda jaloux de sa souveraineté qui manipule au nez et à la barbe de tous, les seigneurs de la guerre civile congolaise.

Il faut lire la presse occidentale et italienne en particulier de cette semaine,  pour comprendre que cette guerre, dite propre, menée au nom de la lutte contre le terrorisme international, est aussi une guerre pour les intérêts de la France : l’uranium du Niger tout proche, la peur de  la contagion djihadiste en Europe et en  France même, et pourquoi pas  les  futures ressources pétrolières et gazières du sous-sol malien à  explorer. Comment le lui reprocher ? La France ne peut pas déployer autant de moyens et dépenser autant d’argent de ses contribuables en ces  jours de grande récession, pour les seuls beaux yeux des Maliens. Ce qui dérange c’est que personne en Afrique y compris ceux qui proclament urbi et orbi leur panafricanisme à tout crin, ne  semble s’émouvoir  de ce que l’Afrique soit le seul continent où un gendarme extérieur peut faire la police à sa place. On fait le triste constat d’un sommet qui a plutôt légitimé le rôle de la France comme gendarme attitré de l’Afrique.  Sinon comment comprendre que le président  en exercice sortant de l’Union africaine qui semble avoir entendu les critiques sur l’impuissance de l’Afrique, n’ait déploré, dans son discours d’hier, cette incapacité de l’Afrique à se prendre en charge que pour mieux  saluer l’intervention française. Affaire de logique, puisque dès le départ il s’était déclaré « aux anges » dès l’annonce de l’intervention française. Il n’avouera  jamais, au risque de se dédire qu’il n’a rien fait pour organiser la riposte de l’Afrique contre la menace djihadiste. Il a été le premier à demander ouvertement l’intervention de la France  au lendemain du coup de force du capitaine Sanogo. On sait que Hollande l’avait poliment renvoyé vers l’Onu à l’époque. C’est dans la même optique qu’il a battu le rappel de toutes les forces africaines autour de la France, au cours d’une récente  tournée marathon en Afrique de l’Est.

Pourtant, la solution africaine est à portée de main,  surtout au lendemain de la contre offensive du gouvernement d’Alger contre les preneurs d’otages du complexe gazier d’In Amenas. L’Algérie a montré au monde entier qu’elle avait les moyens de régler elle-même l’opération contre les djihadistes et l’a prouvé au prix d’un carnage des plus effroyables.  Les gouvernements de la France et des Etats Unis, contrairement à ceux du Royaume Uni et du Japon pour ne citer que ces  deux pays, ont salué la riposte plutôt musclée de l’Algérie. Au motif qu’on ne négocie pas avec les terroristes. Comportement hypocrite de la part de ces mêmes gouvernements qui avaient salué la médiation initiée quelques jours plus tôt par la même Algérie, entre ces mêmes islamistes et le gouvernement de Bamako.  Or, tout le monde sait que l’Algérie a une longue expérience de la guerre anti-terroriste contre les islamistes extrémistes  du défunt Fis. Elle  pourrait bien, dans le cadre de cette force  africaine de paix toujours rêvée mais jamais réalisée,  prendre la tête de l’offensive africaine contre les Djihadistes qui écument le Sahel et le désert saharien avec, certes, l’aide de ce qu’on appelle « la communauté internationale », mais surtout l’ensemble des pays sahéliens en plus du Tchad dont on vante la bravoure des soldats et de quelques autres pays puissants comme le Nigeria et l’Afrique du sud. Elle ferait d’une pierre deux coups : débarrasser la région des irrédentistes islamistes trafiquants de drogues et en finir avec le péril islamiste sur son propre sol. Il n’est pas certain que cette solution à l’Africaine plaise à tout le monde. Comment ne pas croire  Vincent Hugeux  qui a  écrit dans le dernier numéro de l’Express que la  Françafrique a encore de beaux jours devant elle ? Et ce sommet qui  nous a jeté la honte de notre impuissance au visage, risque de finir comme les autres : par les pétitions de principe habituelles sur l’unité africaine et les éructations de sortie de grands banquets de clôture bien arrosés. L’Ua, qui  a pris la succession de la défunte Oua, continuera  de n’être qu’un machin que certains détracteurs  assimilent avec raison  à un simple  syndicat de chefs d’Etat mal élus et tripatouilleurs de  constitution.

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