Boni Yayi et sa parodie de panafricanisme

Il rêvait d’être pasteur. A la fin de sa présidence à la tête de la Banque ouest africaine de développement (Boad), il pensait revenir au Bénin pour prêcher la bonne nouvelle quand le virus de la politique l’a atteint. Au détour d’une conversation avec un des plus grands stratèges politiques de notre temps, nous a-t-on soufflé.

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Le banquier revoit ses prétentions à la hausse et se met dans la posture du messie venu de Lomé pour sauver le peuple béninois. Soutenu par les lobbys politico-financiers et les masses populaires, il réussit  du coup à briguer la magistrature suprême au nez et à la barbe de vieux briscards de la scène politique. Son élection est sans contestation puisque son challenger du second tour, va même le féliciter. Une première dans l’histoire du Bénin démocratique. Il prône le changement, le retour à une République vertueuse où chaque Béninois est récompensé au prorata de ses efforts et de son mérite. Il déclenche une guerre sans merci contre la corruption, organise une marche verte, traque et persécute des prévaricateurs et assainit les finances publiques. Ses actions de début suscitent une grande admiration au sein des masses qui voient en lui le sauveur. Mais très tôt, le sauveur verse dans les mêmes travers d’antan.  Il est récupéré par la haute pègre, celle qui régente la République depuis des lustres. Ses ambitions politiques de fédérer toutes les sensibilités politiques aidant, il lâche prise dans la lutte contre la corruption, s’accoquine avec les corrompus qui vont tous à la mouvance pour ne pas subir les représailles déclenchées contre les hommes politiques qui se réclament de l’opposition. Un à un, ils courent à la Marina pour proclamer leur allégeance au Chef de l’Etat.  La République de rigueur se transforme en une véritable aristocratie où une minorité se sucre allègrement sur le dos de la majorité. Un a un, les scandales éclatent et éclaboussent les plus proches collaborateurs du Chef de l’Etat. Cen-Sad, Icc, machines agricoles, puis coton, vont contribuer à tirer le Bénin vers le bas. Conséquence, le pays prend la lanterne rouge dans la zone Uemoa, loin derrière des pays en guerre. Le navire Bénin tangue dans les mains de Boni Yayi. L’échec est cuisant mais, par des tours et des stratagèmes, il parvient à se faire réélire. Il mue son rêve de nationaliste en celui de sauveur de l’Afrique, multiplie les courtoisies à l’endroit de certains « grands » de l’Union Africaine et parvient à se faire élire président en exercice de l’Union Africaine. Il bourlingue beaucoup, vole de pays en pays et va de sommets en sommets. Partout, il plaide pour un panafricanisme nouveau, basé sur la solidarité sud-sud et prône la paix sur le continent. Mais malheureusement pour lui, son mandat sera caractérisé par plusieurs conflits. La Côte-d’Ivoire était un brasier incandescent, puis la Nigéria où sévit le terrorisme incarné par Boko Haram, les pays du Magreb seront eux aussi secoués par les révolutions. A l’est du Congo, la guerre fait rage. On en était là quand un coup d’Etat met fin au régime démocratique malien. Au nord, le péril terroriste se fait menaçant. Les terroristes et autres djihadistes menacent de prendre l’Etat malien, Yayi  courre à Paris et sollicite l’aide de la France pour attaquer ces terroristes. En ce moment, la solidarité africaine est mise entre parenthèses. Il court à droite et à gauche, organise beaucoup de sommets, discute partout, mais son leadership ne parvient à éteindre aucun feu en Afrique. Et jusqu’au 27 Janvier où il passe le témoin au premier ministre éthiopien, l’Afrique est toujours infesté par des foyers de tensions. Yayi pense à autre chose. Mais existe-il autre chose auquel prétendre après l’Union Africaine ? Il est bloqué, rumine son dégoût en critiquant un peu l’Ua qu’il pense réformer.  Mégalomane, il ne renonce à rien, il est toujours entre deux avions pour participer à des sommets, des colloques, et semble même continuer, de fait, à jouer le rôle de Président en exercice de l’Ua. Tous les moyens sont bons pour devenir un héros de son temps. Pendant ce temps, le Bénin se meurt à petit feu. La paupérisation gagne du terrain, l’anarchie s’installe. Des braquages et des hold-up spectaculaires emportent les maigres ressources de l’Etat. D’autres sont engloutis dans les voyages interminables.  Peu importe ce que le Bénin deviendra, le héros continue son rêve.

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