En ces années de braise (partie 2)

Le Président Emile Derlin ZINSOU, homme de principes et rigoureux, n’en est pas moins un intellectuel racé et courtois. Il m’a fait l’honneur de réagir à ma chronique, m’apportant de précieux éléments que la campagne d’intoxication de ses adversaires politiques avait tronqués ;

Publicité

surtout de 1953 où il échoua à rempiler comme conseiller de l’Union Française (Tête de liste de la liste UPD-BPA : ZINSOU-AHOMADEGBE) jusqu’à son élection comme Sénateur du Premier collège au Conseil de la République en 1955 ; non sur la liste  UDD comme on nous l’avait longtemps fait croire pour mettre en exergue sa «trahison» source de violents «man xixo» de la part des nervis de l’UDD. Il m’encourage ainsi à continuer ma rétrospective, car nos jeunes ont besoin du récit de ces événements passés (Histoire). D’autres réactions de sa part me gratifieraient beaucoup.

2- Le jeu subtil des alliances et des revirements d’alliances jusqu’en 1958

La Loi n° 56-019 du 2 juin 1956 dite Loi-cadre autorisait les territoires d’Outre-mer à gérer leurs propres affaires en mettant en place des conseils de gouvernement dont le président était  le gouverneur et le vice-président,  le président de l’Assemblée Territoriale composée d’élus qui ont désormais le titre de députés. Il en était  le véritable chef  chargé de choisir les membres de ce fameux conseil de gouvernement! L’enjeu était de taille ; pour la première fois, non seulement on n’aura de vrais députés, mais aussi des ministres! Evidemment, la lutte fut impitoyable entre le PRD et l’UDD; l’ennemi à abattre était l’inoxydable Sourou MIGAN APITHY, député du Dahomey à l’Assemblée Nationale française depuis 1946 et grand vainqueur des élections locales de 1952 pour les conseillers territoriaux. Les élections se déroulèrent le 31 mars 1957 dans une ambiance surchauffée. Contre toute attente, Apithy sortit grand vainqueur de ces élections en remportant la majorité absolue des sièges (35 sièges sur 60 élus) ; malgré la hargne des militants UDD, surtout de Cotonou : je ne pouvais qu’en être puisque tous les Fons et apparentés devraient l’être. Voici le nombre de sièges obtenu par les 3 grands partis d’alors :

1. PRD (Sourou MIGAN APITHY) : 35  sièges

2. UDD (Justin AHOMADEGBE) : 7 sièges

Publicité

3. MDD (Hubert MAGA) : 6 sièges

4. Indépendants du Nord (Djougou, Kandi, Nikki, Parakou) : 12 sièges

Le 28 mars 1957, APITHY forma son premier gouvernement. C’étaient tous des ministres PRD avec certaines personnalités indépendantes cooptées et 3 ministres du Nord :

• Paul DARBOUX (Ministre des Affaires sociales)

• Moussa BIO-TCHANE (Ministre de l’enseignement technique)

• Antoine TOKO (Ministre de la Fonction publique)

Louis Ignatio PINTO, un allié politique d’Emile Derlin ZINSOU et d’Alexandre ADANDE, trio déjà uni au sein de l’UDD dissidente qui deviendra bientôt UDD-Convention, participa à ce premier gouvernement en tant  que Ministre du Commerce et de l’Industrie. On ne le retrouvera plus dans le second gouvernement formé le 18 février 1958, mais réapparaîtra dans le troisième et dernier cabinet APITHY, celui du 2 juillet 1958, cette fois-ci avec ses trois alliés du PPD/PRA ! Apparemment, les trois compères de l’UDD-Convention avaient fait montre d’un réalisme politique courant à l’époque (ils connaissaient la politique, disait le bon peuple) : ils n’étaient pas d’accord avec l’UDD qui dans  sa décision du 04 mai 1956 voulait s’apparenter au  RDA, se sentaient plutôt proches de Sourou MIGAN APITHY, chrétien humaniste comme eux, tous inscrits au Parlement français dans le groupe des Indépendants d’Outre-mer. Au Bénin, ils vont tous se rallier à APITHY au sein d’un grand regroupement rival du RDA : le PRA. Toute l’année 1958 sera une année de troubles et d’agitations socio-politiques. D’abord pensant déboulonner le chef du Conseil du gouvernement Sourou MIGAN APITHY, toutes les formations politiques vont  s’unir au sein du Front d’Action démocratique : on réclamait la dissolution de l’Assemblée Territoriale et la reprise des élections. Aussi pour calmer le jeu, certains cadres et notables recommandaient la formation d’un gouvernement d’union nationale avec la clef de répartition suivante :

– 3 portefeuilles PRD  (ce parti détenait 35 sièges)

– 3 portefeuilles MDD (6 sièges)

– 2 portefeuilles UDD (7 sièges)

– 1 portefeuille à une personnalité indépendante

Pourquoi donner 3 portefeuille au MDD qui avait 6 sièges et seulement 2 à l’UDD qui en avait 6? Pourquoi un seul portefeuille aux Indépendants du Nord qui avaient fait la prouesse de «tabasser» MAGA en remportant 12 sièges? L’UDD et le MDD devenu RDD refusèrent d’entrer dans le nouveau cabinet, et le 13 février 1958 tout le gouvernement se retrouvait derechef de tendance PRD avec deux indépendants du Nord : Moussa BIO-TCHANE (Finances et Budget) et Paul DARBOUX (Travail et Affaires Sociales). Notons que Louis Ignatio PINTO et Antoine TOKO ne faisaient plus partie de ce deuxième cabinet. Antoine TOKO, un bariba de Kouandé avait subi de fortes pressions pour s’entendre avec son frère Hubert MAGA. Toutes les autres formations politiques ont donc constitué un front de l’opposition, le Front d’Action démocratique. L’agitation était à son comble et de violentes manifestations de «man xixo» étaient surtout dirigées contre les personnes perçues comme des  «traîtres»  en ces années fatidiques de 1957 et surtout de 1958 : ceux qui avaient «transhumé» pour rejoindre Apithy. Le phénomène de «transhumance» est devenu banal dans notre « renouveau démocratique» ; à l’époque, il était vécu comme une véritable félonie, pire comme un sacrilège fait à une entité sacrée, une divinité ou à son adepte et déclenchaient de furieuses réactions de mise en anathème du profanateur : le man xixo. Quels étaient les principaux «traîtres» dont la sanction était même la mort dans cette ambiance trouble?
A suivre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité