EN ces années de braise : Savoir pour comprendre

Il faut féliciter le Président Emile Derlin ZINSOU : c’est le seul de nos anciens hommes politiques et hommes d’Etat à avoir eu le souci de laisser un témoignage écrit à la postérité.

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De 1946 à 1960, notre nation a connu une phase de turbulences politiques, de ferveur partisane que nous ne connaîtrons plus jamais. L’enjeu, en effet, était de taille : il s’agissait de notre avenir, en l’occurrence de celui des territoires d’Outre-mer membres de l’Union française. L’ambiance des joutes politico-électorales était donc surchauffée. Ce n’était vraiment qu’en 1957 que j’ai commencé à comprendre ce qui se passait. Pour les habitants de Cotonou, couches populaires et classes moyennes totalement acquises à la puissante Union Démocratique Dahoméenne, cette année-là en particulier était une année sombre annonçant près de trois ans de violentes réactions de contestation et de graves troubles socio-politiques.  Parce que Sourou MIGAN APITHY, l’éternel député du Dahomey depuis 1946 et à qui on reprochait à tort ou à raison ses compromissions et sa nonchalance, a encore remporté les élections locales du 31 mars avec 35 des 60 sièges ! Dans ses mémoires, le Président Emile Derlin Zinsou, l’un des principaux acteurs politiques de cette époque, a curieusement occulté cette période décisive dans l’évolution politique de notre pays, n’a guère daigné insister sur les menées politiciennes de ses adversaires ou alliés tour à tour au sein de l’UDD, puis  en 1958 au sein du PRA. Or, c’était surtout au niveau de la dynamique politique intérieure que cette période fut grande de par la richesse des variables en jeu, variables déterminantes pour la physionomie du futur Etat. Dans son célèbre livre Naissance d’un Etat noir, Maurice AHANHANZO-GLELE a dépeint Emile Derlin ZINSOU comme un incorrigible intellectuel, un aristocrate issu de la moyenne bourgeoisie qui a toujours nourri une certaine ambivalence par rapport aux masses populaires, le terreau électoral de l’UDD. Aussi ce TALLEYRAND du Dahomey plusieurs fois ministre des affaires étrangères, n’a-t-il abondamment décrit dans ce livre bien écrit que ce qui a toujours constitué son violon d’Ingres : les affaires étrangères, notamment les affaires sous-régionales et l’avenir de l’AOF alors confrontée à cet enjeu de taille : fédération ou  séparation des nouveaux territoires autonomes. Pourtant, peut-être à cause de mon jeune âge à l’époque, il me semblait que le ciel allait nous tomber sur la tête en ces années infernales de 1957, 1958, 1959. Pourquoi le Président ZINSOU a-t-il snobé par un silence méprisant ces années de braise où à plusieurs reprises sa vie était en danger de par les menées criminelles de certains nervis de l’UDD dont le célèbre homme de main : Bo ZAMBO ? Je revois encore avec effroi cette brute (paix à son âme) défiler avec une horde de voyous prêts à casser tout ce qui n’était pas UDD ! Les terribles  "man" contre Guillaume FAGBAMIGBE, ZINSOU Lolo et autres, l’incendie de Biblis et farmer, la mise à sac des maisons de certains partisans indécrottables du PRD dont Moudachirou PIO, Michel AIDO dont la voiture, un DS toute neuve, fut brûlée devant moi : autant de souvenirs terrifiants pour le préadolescent que j’étais. Le grand âge de l’homme (96 ans) impose qu’on le ménage, surtout après un ouvrage si enrichissant. Sinon, nous avons le devoir de lui adresser une demande d’explication politique ; pourquoi s’est-il contenté de parler abondamment de ses luttes pour le maintien de l’AOF sous forme d’une fédération, la fédération du Mali que pourtant ses alliés béninois du PRA vont lâchement poignarder dans le dos, de son combat épique contre le RDA dont il a failli devenir le Secrétaire Général ? Il n’a nulle part dit dans ce livre qu’il avait été élu en 1957 sénateur au Conseil de la République française avec son ami politique de toujours Louis Ignacio PINTO sur la liste UDD, suite au désistement magnanime du précédent sénateur Emile POISSON, pourtant un baron de l’UDD ; alors qu’il était déjà en froid avec ce parti dont le Comité directeur dont il était membre vota le 4 mai 1956 l’adhésion au RDA, sa bête noire. Dans quelles conditions naquit la Convention africaine à Dakar ? Comment a-t-il atterri dans le gouvernement de Sourou MIGAN APITHY en 1958 ?  Emile Derlin ZINSOU, nonobstant son combat loyal et son rôle déterminant dans la fondation à la fois de la Convention africaine, du  PRA transformé plus tard en PFA, était totalement invisible en 1959, cette année maudite où par une bêtise incroyable, son ancien compagnon Justin AHOMADEGBE-TOMETIN, par simple haine tribale contre Sourou MIGAN APITHY, offrit gratuitement la primature à Hubert MAGA en mai 1959 ! On aurait voulu savoir pourquoi le PPD/PFA avait-il refusé de participer au gouvernement de large coalition proposé par le nouveau Premier Ministre.   

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