Le Président de la République, en sa qualité de Président en exercice de l’Union Africaine, a effectué au cours du mois de Novembre 2012, une visite au Vatican, invité par l’Université Pontificale Saint-Jean de Latran.
Cette visite n’est pas passée inaperçue, comme du reste toutes les sorties du genre puisqu’elles sont souvent l’objet d’une campagne médiatique tonitruante, qui défie tout bon sens. La visite au Vatican a donc été caractérisée au retour du Président par des affiches dans quelques grandes artères de la ville de Cotonou. Nous apprenons qu’à travers la femme du Président comme à travers le Président lui-même, le Peuple béninois est inondé des bénédictions du Saint-Père comme si le Pape avait besoin d’un intermédiaire pour bénir le Peuple béninois. Une autre affiche géante nous montre le Président brandissant une bible ouverte, lui qui s’est dérobé, au cours de sa visite au Vatican, à la vénération de la Croix et de la Bible qu’on lui présentait, Croix et Bible qui sont la raison d’être de son hôte, le Pape. Se dérober à la vénération de la Croix et de la Bible au Vatican, pour brandir gaillardement la Bible sur une grande affiche à Cotonou relève de ces paradoxes et de cette duplicité caractéristique du régime.
Oui, tout ce matraquage médiatique est la marque d’un régime dont la philosophie est une exaltation grossière du mensonge. La Bible peut-être récusée au Vatican, son siège par excellence, puisque tout de même c’est le Vatican qui a fixé définitivement le canon des Ecritures Saintes et être exaltée comme objet de propagande dans les rues de Cotonou. N’allez Chercher aucune logique dans tout cela, sinon celle d’un parti-pris partisan. Tel est l’art du régime de distiller le faux pour endormir le Peuple, ou du moins quelques imbéciles qui se laissent piper comme des oiseaux.
Fermons cette parenthèse qui n’avait d’autre but que de mettre en lumière ce qu’un politologue, Edgar Morin appelle «la bêtise» ; c’est-à-dire «cette conjonction constante de différents types d’erreurs possibles : erreurs de perception, erreurs de conceptualisation, erreurs d’analyse, erreurs de prédiction».
La visite au Vatican a été marquée par l’allocution du Président à l’Université Pontificale Saint-Jean de Latran. Cette allocution, selon les propos du Président est «axée sur deux centres d’intérêts:
– Le premier présente la convergence entre les préoccupations des pays africains en matière de développement local et la doctrine sociale de l’Eglise.
– Le second porte sur les enjeux de l’entrepreneuriat, de la formation, de la gouvernance et du management dans la réalisation des objectifs du développement local en Afrique.
Volontiers, je passe sous silence la deuxième partie de cette allocution, certes la plus importante puisque c’est le développement du thème même de la rencontre de l’Université de Latran. Mais, on s’en doute bien, ce long développement ne présente aucune originalité. Il fait partie de cet arsenal de clichés extraits d’un catéchisme conçu pour l’usage d’hommes politiques en panne d’idées novatrices, d’hommes politiques à la pensée politique indigente. Le concept de changement étant passé de mode, et hors de saison, celui de refondation étant un concept avorton et mort-né depuis que son inventeur, est tombé en disgrâce, on s’est replié sur d’autres concepts qui eux aussi, anémiés par l’usage abusif qui en est fait, deviennent de plus en plus des mots gris-gris et incantatoires, malades d’épuisement «Gouvernance, management, entreprenariat, émergence» sont ces mots qui subissent aujourd’hui les derniers outrages quand ils sont utilisés par des hommes qui, dans leur comportement quotidien font exactement le contraire du sens véritable de ces mots. Considérez par exemple le mot gouvernance et voyez l’application qui en est faite au Bénin.
Revenons donc à la première partie de cette allocution, celle qui porte sur le titre suivant : «Convergence entre la Doctrine Sociale de l’Eglise et le développement local».
C’est pour la première fois qu’un Chef d’Etat dahoméen et béninois se hasarde sur ce terrain. On pourrait donc se réjouir de cette nouveauté et de l’audace du Chef de l’Etat. Aucun de ceux qui l’ont précédé ne se sont hasardés sur ce terrain. Aucun des Pères fondateurs de notre République, tous pourtant papimanes : ni Apithy l’homme à la foi accommodante, ni Maga dont la foi fruste et simple, foi du charbonnier, était sincère et admirable, ni Ahomadégbé resté longtemps à l’écart de toute vie sacramentelle, mais dont la foi, comme mise en sourdine, a été compensée par une exigence morale qui force l’admiration, ni même Nicéphore Soglo, oui, aucun de ces Présidents papimanes ne se sont hasardés sur ce terrain, en présence des Papes qu’ils ont rencontrés. Quelle mouche a donc piqué Yayi pour qu’il rentre dans cette galère?
Dans cette partie de son discours, le Président de la République tente d’abord une approche de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Il écrit : «Les valeurs de justice sociale, de non exclusion, de partage, d’égalité, de l’attention aux plus pauvres et de promotion de la dignité de la personne humaine sont au cœur du message évangélique et de la doctrine sociale de l’Eglise». Ainsi comprise et définie par le Président, la Doctrine Sociale de l’Eglise apparaît comme un complexe de valeurs et en cela, le Président dit vrai. Seulement voilà. La convergence que souligne le Président entre la Doctrine Sociale de l’Eglise et le développement local, il l’illustre par la «décentralisation». Irrecevable, Monsieur le Président. La décentralisation n’est qu’une «technique administrative» entre mille autres techniques, et l’exemple choisi n’illustre nullement la convergence. La Doctrine Sociale de l’Eglise, déjà dans l’approche que vous en avez faite se situe au niveau des valeurs, donc elle n’est pas une technique. Voici une définition plus complète qu’en donne le Pape Jean-Paul II, dans son Encyclique ‘’Sollicitudo Rei Socialis’’ (VI, 41) :
«L’Eglise n’a pas de solutions techniques à offrir face au problème du sous-développement comme tel, ainsi que déclarait déjà le Pape Paul VI dans son encyclique. En effet, elle ne propose pas des systèmes ou des programmes économiques et politiques, elle ne manifeste pas de préférence pour les uns ou les autres, pourvu que la dignité de l’homme soit dûment respectée et promue et qu’elle-même se voie laisser l’espace nécessaire pour accomplir son ministère dans le monde (…) La doctrine sociale de l’Eglise n’est pas une «troisième voie» entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées : elle constitue une catégorie en soi. Elle n’est pas non plus une idéologie, mais la formulation précise des résultats d’une réflexion attentive sur les réalités complexes de l’existence de l’homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. Son but principal est d’interpréter ces réalités, en examinant leur conformité ou leurs divergences avec les orientations de l’enseignement de l’Evangile sur l’homme et sur sa vocation à la fois terrestre et transcendante ; elle a donc pour but d’orienter le comportement chrétien. C’est pourquoi elle n’entre pas dans le domaine de l’idéologie mais dans celui de la théologie et particulièrement de la théologie morale».
Vouloir donc trouver une convergence entre la décentralisation, simple technique ou pratique administrative et la doctrine sociale de l’Eglise, c’est ou n’avoir pas compris grand’ chose à cette doctrine, complexe de valeurs qui se situe donc dans le domaine des valeurs ou vouloir délibérément entretenir la confusion et le faux pour dire de cette doctrine ce qu’elle ne dit pas. C’est ce mauvais usage dévalorisant de la Doctrine Sociale de l’Eglise qu’il faut réfuter toute de suite et cela d’autant plus que déjà, elle devient la tarte à la crème qu’on sert gaillardement aux coton-culteurs sur leurs champs de coton.
Oui, il y a des hommes qui ont délibérément choisi de vivre dans la contradiction, de vivre plusieurs vies contradictoires, de vouloir passer pour bons alors que leur méchanceté et leur perversité éclatent au grand jour et connues de tout le monde et j’entends le psalmiste qui leur scande :
«Qu’as-tu à réciter mes lois,
à garder mon alliance à la bouche,
toi qui n’aimes pas les reproches
et rejettes loin de toi mes paroles?
Si tu vois un voleur tu fraternises,
tu es chez toi parmi les adultères;
tu livres ta bouche au mal,
ta langue trame des mensonges.
Penses-tu que je suis comme toi?
Je mets cela sous tes yeux et je t’accuse.» (Psaume 49, 16-19)
Au total, ce voyage au Vatican aura une fois encore été l’illustration du double jeu de ce régime, illustration de la bêtise qui en est le fondement. Jamais, dans ce pays, régime n’aura allié avec autant de légèreté le faux et le vrai, lui qui chante l’amour avec les «Zémidjans», mais qui poursuit avec une rare férocité pour le gracier, contre toute attente, selon l’humeur du moment. Oui, la gouvernance, la bonne gouvernance, c’est peut-être aussi la fantaisie du Prince.
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