Papa yi gbodjè

« Papa Yhi gbodjê ». A traduire littéralement par « Papa, vas te reposer ». C’est ce que l’on entend, souvent, dans les rues de Cotonou. Quelques jeunes effrontés cherchent, ce disant, à railler des personnes du troisième âge. Ils estiment, en effet, que ces personnes n’ont plus leur place dans la vie active.

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Parlons clair et net : dans une Afrique où le grand âge inspire   toujours respect, ces jeunes insolents ne manquent pas d’air.

Mais pourquoi ce mépris gratuit de jeunes en révolte contre des aînés qu’ils ne connaissent, pourtant, ni d’Adam ni d’Eve ? En fait, les personnes âgées ici bousculées, voire insultées ne sont que des cibles accidentelles. Ce sont   des victimes collatérales de la révolte des jeunes en croisade contre un système. Celui-là qui leur bouche tout horizon. Celui-là qui leur barre tout avenir. Celui-là qui les condamne à l’oisiveté et au chômage. Pendant que les plus âgés occupent toutes les places, s’illustrent dans tous les rôles, refusant de comprendre la vie comme une course de relais. Ceux qui arrivent au terme de leur parcours doivent savoir raison garder et partir. Ils doivent passer le témoin aux plus jeunes.

Voilà très exactement le contexte qui justifie le « Papa Yhi gbodjê ». Surtout quand il est éructé comme un cri de guerre contre des feuilles mortes qui tentent désespérément de faire mentir la nature. Comme si un cours d’eau pouvait revenir à sa source, tournant le dos à son seul et unique destin : se perdre, tôt ou tard, de gré ou de force, dans l’immensité océane.

Voilà très exactement ce qu’a compris le Pape Benoît XVI. Il   n’a pas voulu présumer de ses forces dans la direction et dans la gestion de cette entreprise universelle qu’est l’Eglise catholique. Belle leçon de sagesse et d’humilité   comme seuls savent en administrer les grands hommes. La grandeur ne court pas les rues. La sagesse ne se débite point comme  quartiers de viande sur les étals du marché international Dantokpa. On peut aisément comprendre pourquoi sont-elles rares ces étoiles d’exception. A l’instar du Pape Benoît XVI, elles illuminent les consciences et les éclairent de l’incandescence de quelques vérités simples immédiatement promues au statut de véritables boussoles de vie. On oubliera peut-être tout de ce pape. Sauf ce coup de panache final par lequel il a clos sa mission à la tête de l’Eglise. Il n’y a pas de doute que cela fasse école.

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Pour être plus près de la vérité, cela commence déjà par mouler une nouvelle conscience du devoir. Cela fait naître de nouvelles exigences dans le rapport au service. Comme a su éloquemment le souligner le Médiateur de la République, Monsieur Albert Tévoèdjrè. Cet homme qui a été de tous les combats et qui a blanchi sous le harnais se dit inspiré par l’exemple de Benoît XVI. L’âge le place quasiment sur la même ligne que le Pape. Peut-être fera-t-il comme le Pape : se décider à tresser la nouvelle corde au bout de l’ancienne, pour que s’accomplisse, dans l’harmonie, le destin du Bénin à travers la chaîne des générations.

Ainsi vu, le « Papa Yhi gbodjê » n’a plus l’accent irrévérencieux d’une injure faite à un adulte. On aurait pu bien l’entendre comme une simple invite au repos, la   sanction d’un parcours achevé, la récompense d’une mission accomplie, en somme, le repos du guerrier. On n’a jamais fini de labourer un champ. Les enfants auront à assumer leur part d’héritage et à faire plus et à faire mieux que leurs pères. C’est ce que dit à peu près Gustave Courbet quand il écrit (Citation) : « A quoi sert la vie si les enfants n’en font pas plus que leurs pères ? » (Fin de citation).

Ainsi vu et ainsi compris, le « Papa Yhi gbodjê » pourrait prendre le sens de partir pour mieux faire profiter aux jeunes générations de la somme d’une expérience de vie. C’est bien ainsi qu’ont pris les choses, deux baobabs, devrions-nous dire, de notre espace national. Il se trouve que tous les deux sont nonagénaires. Il se trouve que tous les deux sont médecins. Il se trouve que tous les deux ont eu quelque chose à voir avec le pouvoir politique, notamment la Présidence de la République dans notre pays. Il se trouve que l’un et l’autre viennent de publier leurs mémoires.

Le Dr Basile Adjou-Moumouni publie à SPL Editions « Des traces de pas sur le rocher ». Le Dr Emile Derlin Zinsou publie à Riveneuve Editions « En ces temps-là… » Deux ouvrages qui ont une valeur et une charge testamentaire certaine. Comme si deux anciens donnaient la main à la jeune génération de leurs compatriotes, sous le sceau de la sagesse des nations : « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait »

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