Affaire présumée tentative de coup d’Etat au Bénin : les derniers développements

Le dossier de supposé coup d’Etat déjoué connait un nouveau développement. De sources judiciaires, on a appris que Patrice Talon, richissime homme d’affaire béninois, cousin de l’expert comptable Johannès Dagnon, mis sous mandat de dépôt dans le même dossier, fait objet d’un mandat d’arrêt international depuis vendredi dernier.

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Tout comme dans l’affaire de supposée tentative d’empoisonnement de Boni Yayi, le nom de Patrice Talon serait cité dans ce dossier de putsch déjoué. Ce mandat d’arrêt ainsi émis, est le second dont fait Sous le coup duquel se trouve cet ancien magnat du coton qui s’est réfugié à Paris quelques semaines avant l’éclatement du feuilleton « empoisonnement ».

Témoignages sur l’interpellation et la garde à vue de Johannes Dagnon

Après l’épisode de ce vendredi où Johannes Dagnon et le commandant Pamphile Zomahoun ont tous deux été mis sous mandat de dépôt, la rédaction de la Nouvelle Tribune a recueilli le témoignage d’un des collaborateurs de Dagnon. Sous anonymat, ce dernier  a bien voulu nous faire un récit, jour après jour, des conditions d’interpellation et de la garde à vue de son assicié. Il raconte.

Selon le récit par un des proches collaborateurs de Johannes Dagnon, sous anonymat, tout a commencé le vendredi 22 février entre 8 h et 8 h 30 (heure de Cotonou). Ce jour là donc, une douzaine de gendarmes arrivent au siège de la société d’expertise comptable, la Fiduciaire d’Afrique, dont Johannes Dagnon est le Président directeur général (Pdg). Ils montent au troisième étage où se trouve le bureau de Dagnon. Ils lui demandent de les suivre. Destination : la brigade de recherches sise au carrefour dit des trois banques, en plein cœur de Cotonou. Pendant ce temps, deux officiers et deux des gendarmes sont restés sur place, «pour garder les lieux ».

A 10 h, le même jour, une escouade de gendarmes et de militaires retournent, accompagnés de Dagnon, au siège de Fiduciaire d’Afrique.  Et sans avoir présenté aucun mandat, ils perquisitionnent le bureau du Pdg  pendant quatre heures, donc jusqu’à 14 h. Après cela, Johannès Dagnon est reconduit à la brigade de recherche où il est mis en garde à vue. «Nous sommes restés au niveau de la brigade de recherche jusqu’à 21 heures sans pouvoir le voir », fait remarquer notre interlocuteur. Mais il nuance : « Mais son épouse a été autorisée à lui donner à manger.»

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Notre source poursuit que dans l’après-midi du samedi, il reçoit l’alerte que «des gendarmes son encore là ». Bien que son lieu de résidence soit éloigné du cabinet, il s’active pour s’y rendre automatiquement. A son arrivée, il constate la présence d’un groupe de cinq gendarmes dont deux au troisième étage et trois au rez-de-chaussée du bâtiment pour monter la garde. Un autre constat : Johannès Dagnon n’est pas, cette fois-ci, avec les gendarmes.

Unité centrale, bouts d’archives, imprimante…

A 20 h, ce même samedi, le bureau de ce dernier est à nouveau perquisitionné, mais en sa présence. Le séjour des gendarmes dans le bureau de Johannes dure environ 1 heure et quart. A la fin de l’inspection, ils emportent l’unité centrale de son ordinateur et des caissons d’archives. Le lendemain, dimanche, le scénario du samedi se reproduit. C’est la dernière perquisition, selon ce collaborateur de Johannes Dagnon. Et cette dernière perquisition a, précise-t-il duré moins d’une heure. Et l’imprimante qu’utilise son Pdg a été emportée. Après l’épisode du dimanche, toutes les tentatives pour le rencontrer à la brigade où il était gardé à vue, ont échoué.  Jeudi après-midi, il a été présenté au Procureur sans avoir été fixé sur son sort. Après quelques heures d’attente, le Procureur s’est excusé avec comme justificatif le fait que les officiers de police judicaire en charge de l’enquête ne lui ont pas fait parvenir les procès-verbaux à temps.

Le vendredi, 01 mars, une semaine donc après leur interpellation, Johannes Dagnon et le commandant Zomahoun arrivent au Tribunal autour de 10 heures.  Les avocats de Johannes Dagnon, qui n’ont pu le rencontrer depuis lors, arrivent à s’entretenir avec eux pendant  une dizaine de minutes.  Le Procureur demande l’ouverture d’une instruction. Et le juge du juge d’instruction du  6ème cabinet correctionnel, à qui le dossier est affecté, décide de mettre sous mandat de dépôt Johannes Dagnon et le commandant Pamphile Zomahoun. Leur nouvelle destination : la prison civile de Cotonou en attendant la poursuite de l’instruction, avant l’ouverture du procès, on ne sait quand.

« Il est à croire que nous sommes face à un complot », dixit Me Quenum

Joint au téléphone, Me Sévérin Quenum, l’un des avocats de Johannes Dagnon, s’étonne de la conférence de presse laconique du Procureur. Comme pour analyser le contenu de la déclaration du Procureur, Me Quenum fait remarquer que ce dernier  a mentionné dans son texte que les mis en cause dans cette affaire de complot déjoué ont été interpellés pour « tentative d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat» ; alors que dans la procédure initiée au niveau du juge d’instruction, il parle d’attentat à la sureté d’Etat. « S’il porte des gants dans sa déclaration, pourquoi n’en fait-il pas autant dans le dossier déposé au niveau du juge d’instruction », s’interroge donc Me Quenum. Qui martèle que « jamais dans la procédure initiée, il n’a été question de tentative. Il a été plutôt question d’attentat.»

Pour lui, il est à croire que « nous sommes » dans un complot. C’est d’ailleurs pourquoi eux, les avocats de Johannès Dagnon, « veulent des garanties que l’indépendance de la justice est assurée et non simplement proclamée». Car ajoute-t-il : « en tout état de cause, nous tenons à la défense des droits et libertés des personnes mises en cause, actuellement présumées innocentes. » Il finit en révélant que contrairement à ce que le procureur a affirmé, « l’enquête a été initiée et diligentée par les services de renseignements.» Sa déduction : « cela rend la procédure peu fiable et peut biaiser les résultats de l’enquête».

Service minimum pour le Procureur Gbènamèto

Plusieurs fois avortée, la sortie médiatique du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Cotonou, sur l’affaire de coup d’Etat déjoué, a finalement eu lieu. C’était hier dans l’une des salles d’audience du tribunal. Face aux hommes de la plume et du micro, le Procureur a, en lieu et place d’une conférence de presse, lu une déclaration très succincte. Qui n’apporte rien de nouveau à tout ce que nous savons déjà sur ce dossier. Lisez plutôt.

Déclaration de presse

Très tôt le matin du vendredi 22 février 2013, j’ai été informé par la gendarmerie que certaines personnes ont .été interpellées pour une, tentative d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat .:

Aussitôt saisi, j’ai créé une commission d’enquête composée des officiers de police judiciaire de la gendarmerie afin de faire la lumière sur cette affaire de tentative de coup d’Etat.

A cette étape de l’enquête préliminaire, je pus vous dire que les faits ci-dessus évoqués font l’objet d’une attention particulière de mon parquet.  Selon les premières informations que j’ai reçues, l’idée de ce coup de force était d’empêcher le Chef de l’Etat de rejoindre Cotonou  après son voyage et instituer un régime militaire qui contraindrait le Président BONI Yayi  à l’exil. Le juge d’instruction est saisi et l’enquête suit son cours.  J’invite mes compatriotes à faire confiance à la justice en observant la retenue pour permettre à la justice de faire son travail en toute sérénité.

Je vous remercie
Cotonou, le 1er mars 2013
Justin S. GBENAMETO
Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Cotonou

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