Une observation des dernières élections en Afrique, fait ressortir un phénomène majeur : le K.O. qui commence par faire école. Sauf erreur de notre part, c’est le Bénin qui inaugura le phénomène en 2011 avec le fameux K.O. qui a désormais fait des émules, dont le dernier en date est le Kenya. Mais qu’est-ce qu’un K.O. ?
Nos analyses, après un essai de conceptualisation du phénomène et une radioscopie du K.O. béninois!
Une définition…
Une première précision avant tout propos. Le K.O. que nous souhaitons évoquer, en tant que phénomène intéressant pour le politiste, n’est pas celui qui a cours dans les dictatures et autres pseudo-démocraties. Ce qui nous intéresse donc, c’est l’élection par apport massif de voix, d’un président dans un Etat démocratique.
Une définition étant le point de départ de tout essai de conceptualisation, voici celle que nous proposons :
« Un K.O. est un plébiscite démocratique bien organisé, qui se caractérise par la victoire d’un Leader bien-aimé, choisi par la majorité de ses concitoyens, malgré la présence de plusieurs challengers, les meilleurs leaders de l’opposition, qu’il a tous devancé en se faisant élire dès le premier tour » !
Dans cette définition, nous avons cerné, semble-t-il, toutes les composantes du phénomène, qui sont les suivants :
1) Le plébiscite, soit un apport massif de suffrages, qui permet de faire élire dès le premier tour le candidat à la magistrature suprême.
2) L’existence de challengers de grande envergure, pour légitimer la victoire, puisqu’ils finiront par accepter leur défaite et féliciter l’heureux élu pour sa brillante élection (même après de longs recours ou des parodies de contestations véhémentes et parfois violentes).
3) La légitimation populaire par un soutien des couches populaires.
Etudes de Cas : Bénin 2011 et Kenya 2013… La Côte-d’Ivoire en illustration
Pour le Bénin en 2011, trois candidatures étaient les plus importantes parmi la douzaine (un peu plus) de prétendants à la Présidence. A eux trois, ils devaient se partager quasiment tous les suffrages, laissant quelques miettes aux autres.
Or, lors de la proclamation des résultats, après le travail de regroupement et de traitement informatique par la Commission Electorale Nationale Autonome (Cena), c’est un seul candidat, favori bien sûr mais pas autant, qui a raflé la majorité absolue des suffrages, se faisant élire dès le premier tour… Car, ajoute le politiste dans une « opinion très personnelle », une confrontation des deux principaux challengers (sur trois) auraient certainement donné une autre issue à cette élection !
Comme en Côte-d’Ivoire, où le ralliement des électeurs de Bédié au candidat Ouattara, ont permis à ce dernier d’obtenir les voix nécessaires pour battre le président sortant, Laurent Gbagbo.
Pour en revenir au K.O. béninois, un second tour aurait donc permis au troisième challenger, Bio Tchané, de se positionner en faiseur de roi et faire élire Houngbédji, l’homme de Porto-Novo, par son ralliement : Une alliance contre-nature en somme… Un Rubicon que le deuxième candidat du Nord n’aurait pu facilement franchir, du moins officiellement, au risque de se positionner comme un traître vis-à-vis de ses frères du Septentrion.
Pour le Kenya, les résultats du vote donnent Uhuru Kenyatta vainqueur dès le premier tour, et Raila Odinga l’éternel deuxième. Ici aussi, le facteur ethnique a beaucoup joué, en ce sens que le président élu est un Kikuyu de l’ethnie majoritaire, comme toujours au Kenya. Et donc les chances de Raila Odinga, un Luo, étaient déjà hypothéquées.
Par contre, au Bénin, le facteur ethnique intervient différemment. En effet, les ethnies du Sud sont majoritaires, mais elles perdent le pouvoir à cause de leurs dissensions internes et leurs rivalités séculaires (par exemple entre Aïnonvis de Porto-Novo et Fons d’Abomey). Ce qui favorise la prise du pouvoir par un homme du Nord réputé pour sa cohésion ethnique et son soutien indéfectible à ces fils.
Les Etapes d’un K.O. bien organisé !
Pour réussir un K.O., les étapes suivantes sont nécessaires, dans l’ordre ou le désordre :
1) Clientélisation de la classe politique par la distribution des postes.
2) Contrôle du système électoral par le positionnement d’hommes de confiance, en général des experts pour la caution technique : Listes électorales informatisées, traitement informatique des résultats…
3) Bâillonnement de la presse libre par une rareté de l’information officielle, en accordant le privilège de diffuser l’information, notamment les résultats très officiels du K.O. par une « certaine presse » très proche du pouvoir !
4) Répression de toute forme de contestation, par un déploiement militaire digne d’une révolution…
Et pour finir, une légitimation… Pour sauver la paix !
Evidemment, l’opinion publique est très réfractaire à toute idée de violence, préférant de loin la solution de la stabilité dont l’homme du K.O. semble être le garant.
Alors, la communauté internationale préfère de loin accepter l’homme du K.O au pouvoir, que de plonger tout un pays dans une instabilité politique durable, en soutenant par exemple le contestataire arrivé en second… Pour « éviter qu’aucun bain de sang ne vienne nous éclabousser » ! Surtout quand des rumeurs persistantes sont déjà instillées au sein de la population, utilisant les émotions collectives généralement favorables à la paix, diabolisant du même coup le candidat malheureux.
Conditions de réalisation du K.O
Condition sine qua non, il faut d’abord que le régime soit accepté par l’opinion. Ainsi, pour marcher, le phénomène du K.O. doit être assorti d’un large soutien populaire :
1) Soit pour des raisons pécuniaires : un électorat acheté à coups de millions.
2) Soit pour des raisons ethniques et/ou historiques : rivalités entre deux ethnies qui luttent pour l’exercice du pouvoir.
En définitive, le politiste est obligé de conclure que le K.O. marche bien, et que parfois, c’est le seul moyen d’éviter des situations d’instabilité politique durable ou de violences postélectorales pouvant déboucher sur la guerre civile… Comme au Kenya en 2008, ou en Côte-d’Ivoire en 2011. Et pourtant, ce n’était pas des K.O…
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