La guerre des floués et des filous

Ils sont nombreux ceux qui sont floués et qui sont volés chaque jour que Dieu fait. Sans qu'ils sachent, souvent, qu'ils sont grugés, qu'ils sont escroqués. Ce sont les vrais dindons d'une énorme farce.

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Celui qui ne développe aucune conscience de victime ne peut savoir le mal qui lui est fait. Mais qui sont-ils ces dupés, volés, grugés, escroqués ? Ils sont légion. Tenons-nous en à quelques spécimens.

Il y a ceux qui sont floués par le système colonial. Ils forment   le plus grand rassemblement de l'histoire de ceux qui ont été proprement roulés dans la farine. Les colonisés, au nom de ce qui fut convenu d'appeler "Le pacte colonial", étaient tenus de n'être que des producteurs de matières premières agricoles sur leurs terres ou des fournisseurs, à l'état brut, des ressources minières et minérales du sol et du sous-sol de leurs pays..

Ainsi, au colonisé ainsi floué, dans ce marché de dupes, la panse du consommateur passif. Au colonisateur la pensée dynamique du producteur de génie. Ce dernier bénéficie, en outre, du privilège de fixer aussi bien le prix des matières premières que le prix des produits finis. Il peut ainsi s'aménager des marges de profit plus que confortables. C'est pire que la loi de la jungle. Car le lion repu ne ferait pas du mal à une mouche. Le colonisateur, quant à lui, est insatiable. Il a toujours faim de profit. Il a toujours soif de gain. Le système de domination et d'exploitation qu'il a mis en place en fait un prédateur qui gruge et plume les autres sans trêve ni repos.

Il y a ceux qui sont floués dans les eaux plutôt troubles de la propriété intellectuelle. Des eaux presque toujours infestées de dangereux requins qui font leur festin des espèces faibles.  Voici des créateurs qui ont longtemps cherché, creusé, bêché et bûché. Arrive à point, dans la douleur, le fruit de leur dur labeur. "Lorsque l'enfant paraît, nous assure le poète, le cercle de famille applaudit à grand cri". Mais un enfant tout aussitôt volé à sa mère, à son père, arraché à l'affection des siens. Il devient la proie des négriers, des corsaires des temps modernes, des pirates sans foi ni loi qui écument nos marchés, affament nos artistes, guillotinent nos créateurs.

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Les voleurs des produits de l'esprit, entretiennent ainsi, sans qu'ils s'en rendent compte, une armée de talents à jamais essorés, asséchés, taris. Combien de créateurs a-t-on ainsi crucifiés, égorgés, sacrifiés sur l'autel des intérêts puants d'une poignée de goinfres sans cœur ? On n'a pas eu tort de comparer la piraterie au sida. Ceux qui répandent ce vilain virus par leur basse besogne finissent par en être infectés. Ils courent à faire du mal. Mais aucun coureur ne peut dépasser les limites de la terre.  C'est pourquoi, les pirates finissent, tôt ou tard, par se faire rattraper par le mal qu'ils répandent.      

Nous avons rencontré la dernière catégorie des gens floués   aux côtés de nos plus éminents universitaires, de nos plus doctes intellectuels. Que viennent-ils chercher dans la proximité des "Phénix des hauts de ces bois" qui, d'Oxford à Cambridge, de la Sorbonne à Harvard ont eu à vendanger les plus prestigieux champs du savoir et de la connaissance ?

Prenez cet historien. Pour les besoins de ses recherches, il est allé littéralement à l'école de son informateur analphabète, illettré. Une fréquentation assidue qui aura duré des jours, des semaines, voire des mois.  Il a tiré l'essentiel des matériaux de sa thèse du savoir de ce pauvre hère. Mais venu le jour de gloire, on a adoubé un nouveau docteur avec la mention très honorable et les félicitations du jury. Mais quid du pauvre informateur ?  On a vite passé aux oubliettes le géniteur du nouveau docteur, justement appelé à cohabiter, désormais, avec les étoiles au firmament de la science.

Ne parlons pas de ce socio-anthropologue, enseignant de son état. Pour avancer en grades, il doit s'inscrire sur les listes d'aptitude du CAMES, pris à la gorge par le principe du "publish and perish", c'est-à-dire, publier ou périr. Il a fait le tour de certains de nos sages qui furent pompés à l'occasion et à loisir. Cela a suffi à son bonheur. Il est avancé en grades. Il a fait des pas vers les sommets. Il n'aura plus besoin, jusqu'à une prochaine occasion, de ses généreux informateurs. Ainsi vont les choses sur ce théâtre d'ombres où tous les coups sont permis. Qu'on arrête le massacre. A produire ainsi et à tour de bras des gens qui sont floués, nous finirons sous peu par nous faire diriger par des filous.

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