La guerre des intérêts

Prenez-le pour parole d'évangile : ce sont les intérêts qui dirigent le monde. L'intérêt est à comprendre, ici, comme la recherche de l'avantage personnel. Ce qui met en lumière la tendance, plutôt égoïste, propre à chacun, de chercher à rapporter tout à soi, à tout subordonner à ce qui lui convient.

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L'intérêt d'un seul a la clarté du jour. Il est aussi visible que lisible. Il en est tout autrement quand il s'agit de plusieurs intérêts juxtaposés. La probabilité est forte de les voir entrer en conflit, se télescoper, se heurter.  Le choc des intérêts contraires est presque toujours explosif. On court le risque de tout faire sauter, de tout réduire en cendres.

Le Bénin couve une crise dure. Elle malmène trois domaines de la vie nationale. Sur le plan électoral, il y a le toilettage et la mise en œuvre de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi). Au niveau consulaire, il y a à mettre en route la Chambre de commerce et d'Industrie. Après qu'on l'eut rénovée et réformée. Au terme d'élections propres et sans tache. En sport, notre football ne respire pas la forme, déchiré   par une guerre de leadership. 

La Lépi est conçue pour mettre un terme aux désordres et aux dérives qui faussent l'organisation de nos diverses élections. Les   technologies les plus avancées et les mieux éprouvées sont convoquées. Objectif : hisser notre pays à la hauteur des pays démocratiques qui font un parcours sans faute dans l'organisation de leurs divers scrutins. Pas de magouille. Pas de tripatouillage.

La vérité, c'est que la Lépi survient dans un contexte de vol   généralisé. Jusque là, l'intérêt des uns et des autres a toujours été de frauder. Le mode opératoire est connu : chacun triche dans son fief, sans déranger l'autre, sans être pour lui un empêcheur de voler tranquille et en rond. Or, la technologie induite par la Lépi brise ce consensus malsain. Elle n'autorise plus personne à voler dans son coin. Dès lors, l'intérêt de chacun, dans chaque camp, c'est de prendre le contrôle de la Lépi, de la plier à sa logique et à sa stratégie de la triche. Ainsi, tout le monde fait semblant de partager le souci d'élections propres. Mais chacun campe sur sa position de toujours : frauder à tout prix, frauder à n'importe quel prix.

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La Chambre de Commerce et d'Industrie du Bénin, depuis bientôt deux ans, attend de connaître un fonctionnement normal, avec des responsables régulièrement élus par leurs pairs. Des experts ont été commis. Des textes régissant la structure ont été relus, revus et corrigés. De nouvelles règles ont été édictées. Et pourtant, les noirs nuages qui encombrent l'horizon de l'institution sont toujours là. Ils n'ont pas bougé et rien, dans l'ensemble, n'a bougé. Comme si le vieil homme qui sommeille en chacun des acteurs refusait de mourir.

Il y a d'abord que nous sommes dans le champ d'action des opérateurs économiques. On ferait preuve de myopie si l'on   ne percevait pas la capacité de ceux-ci à articuler de sérieux arguments sonnants et trébuchants. Il y a ensuite que beaucoup découvrent soudain que la Chambre est un pôle de pouvoir. La conquête en vaut la peine. Il se trouve que la large bande de l'informel qui traverse le secteur délimite une vaste zone de non droit. Il ne sera pas facile de la contrôler. Il y a, enfin, que les considérations ethno-régionalistes agitées par les uns et par les autres ont singulièrement rapproché nos opérateurs économiques des politiciens. Comme s'ils étaient des frères jumeaux, fumant la même pipe et chiquant le même tabac. En effet, le choc des intérêts contraires n'a pas peu contribué à politiser à outrance une procédure qu'on n'aurait dû jamais sortir de son périmètre professionnel et corporatif.

Le football enfin.  La crise qui frappe notre sport-roi est à circonscrire dans le cadre d'une guerre de leadership. Il a été plus facile, dans un premier temps, d'installer un système de gestion de notre football qui n'avait pas encore fait connaître tous ses non-dits. Il a été plus difficile, dans un second temps, de mettre en marche le système. Il était déjà gangrené au départ. La méfiance s'étant invitée dans les relations des uns et des autres, la confiance allait vite s'éroder. Les visions s'étant télescopées, les ambitions des uns et des autres servaient tout sauf le football. Chacun ne voyait que les intérêts de sa petite personne. Foin des intérêts de la grande masse des amoureux du football ! Or, une maison divisée contre elle-même est promise à la mort. Sage précepte biblique à proposer à la méditation de tous.

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