Plaidoyer pour un artiste non indigent

Un débat enfle dans l’opinion. Depuis la découverte macabre du corps sans vie de Zouley Sangaré dans sa chambre, des décès – après de courtes maladies – de Clément Mèlomè et André de Berry Quenum, des voix s’élèvent de plus en plus pour fustiger les conditions de vie des artistes béninois dont la plupart vivent et meurent dans la misère. 

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On alerte à nouveau sur les sorts de Ris Cool et Apouké, tous deux dans des états critiques. L’Etat est systématiquement indexé comme le bourreau de ces artistes qu’il abandonne dans le dénuement total. On cite à merveille les cas des artistes comme Baba Jala, Aziza et tout récemment Alôkè et consorts, qui sont aussi morts dans les mêmes conditions que Zouley, abandonnés de tous, trépassant dans l’indifférence totale, sans avoir accès aux soins minimaux. Et comme pour apporter de l’eau au moulin des chantres de cette thèse, la conjoncture actuelle ramène sur le tapis les cas de deux autres artistes, tous souffrants dans les hôpitaux sans le minimum de soins. Grogneurs, citoyens lambda, parents ou amis d’artistes et même journalistes, tous dénoncent le mépris des autorités pour ces ambassadeurs de la culture béninoise. Tout, dans  cette grogne et cette campagne de désapprobation, vise à présenter l’artiste béninois comme un nécessiteux, un indigent incapable de faire face seul à ses soins et de subvenir à ses besoins vitaux sans le soutien du gouvernement. Ce qui devrait être une revendication professionnelle est en train de glisser vers une demande de générosité, une exhortation à la philanthropie gouvernementale. Et ceci au nez et à la barbe des artistes et parfois même, sur leurs propres instigations.  On se désole de voir que par leur silence, les artistes, les vrais, portent flanc à cette grogne qui fait de l’artiste ce qu’il n’est pas et ne devrait pas être. Le vrai débat devrait être celui de l’organisation  de cette corporation ouverte au quidam de la pire espèce. Le vrai combat des artistes seraient de lutter pour éradiquer la piraterie, de réfléchir sur le mécénat et autres.  La grogne a éclipsé le vrai débat, celui qui doit amener les artistes, les vrais, à revendiquer le Statut de l’artiste, à plaider pour l’entrée en vigueur de la loi sur le statut de l’artiste. Normalement à la place des jérémiades, les artistes devraient opter pour des rencontres de vérité avec les autorités gouvernementales. Le combat devrait être celui de l’assainissement de la corporation afin d’y extirper les aventuriers et les brebis galeuses en quête de raccourcis professionnels, après avoir échoué à faire autre chose. On devrait savoir qui est vraiment artiste afin que de piètres plagiaires de chanson d’autrui, de jeunes ayant bricolé quelques minutes, ne puissent continuer à polluer le tympan de paisibles citoyens soucieux d’écouter de la bonne mélodie pour s‘ égailler ou se concentrer. Que cesse donc cette amalgame qui risque d’emporter une des corporations les plus respectées dans le monde, prise ici en otage par des opportunistes qui revendiquent le statut d’artistes après avoir réussi à fredonner quelques minutes dans un air mal goupillé. Car l’expérience a montré que ceux qui ont du talent et connaissent le boulot de musicien en vivent. Ils ne comptent pas parmi les plus nécessiteux du pays.  A défaut des droits d’auteurs, des royalties, les plus talentueux s’en sortent avec des cachets qui leur permettent de vivre paisiblement. Les artistes eux-mêmes ont plus à gagner de la réorganisation de ce métier. Le métier d’artiste ou plus précisément de chanteur béninois, ne doit pas être considéré comme un sous-métier. Les artistes ne doivent pas être vus comme un ramassis de nécessiteux à la charge du gouvernement, mais des professionnels  talentueux et qui sont fiers d’exercer un métier à part entière. Cessons donc de prendre le ministère de la culture comme celui qui doit s’occuper des artistes indigents en souffrance sur les lits d’hôpitaux. A défaut, le ministre pourrait se montrer compatissant et aider de temps en temps quelques artistes qui souffrent de maladies graves dont le traitement est onéreux.  La cible des grogneurs devraient être le ministre de la famille qui dispose de moyens pour aider les indigents, mieux que le ministre de la culture qui s’occupe de la politique sectorielle du gouvernement dans le domaine de la culture. Vivement donc la réorganisation de ce corps de métier.

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