Le 8 mars : journée de fête ou journée de réflexion ? La question est posée et une certaine polémique semble s’engager ces jours derniers. Une fête, a priori, a quelque chose de tentant. Elle induit l’idée de réjouissance, de festin. On ne résiste pas beaucoup, et pour cause, à l’appel de la fête.
Ce n’est que du plaisir de joindre l’utile à l’agréable. La réflexion, c’est l’examen à fond d’un sujet, d’un problème. Elle suppose toute une démarche mentale. Elle appelle tension et méditation, attention et concentration.
Tout le monde peut prendre part à la fête. Il n’en est point de même avec la réflexion. Quand fête et réflexion se tiennent dans un tel rapport, la tentation est grande de les opposer. Au risque de minorer l’une en en retenant que la dimension péjorativement folklorique et populaire. Au risque d’extrapoler l’autre, en en faisant le privilège d’une poignée de bienheureux.
A la vérité, fête et réflexion ne sont point à opposer. Le 8 mars, la journée internationale de la Femme, est une fête. Ce n’est ni infamant ni dégradant qu’il en soit ainsi. Si l’Afrique reste fidèle à l’Afrique et se situe dans l’esprit de ses traditions multiséculaires, il ne peut en être autrement. Nos traditions consacrent la fête comme le sel de la vie. La fête, c’est notre compagne de vie. Elle nous accompagne partout, en tout et pour tout, de la naissance à la mort, du berceau à la tombe.
Pour autant, le 8 mars, la journée internationale de la Femme, doit rester une journée de réflexion. Les fêtards d’un jour ne sont pas les cerveaux vides de toujours. Le 8 mars, c’est également l’occasion d’une pause. Car il y a lieu de mesurer le chemin parcouru, d’apprécier les obstacles franchis, d’évaluer les coups reçus. Car il y a lieu également d’explorer de nouveaux horizons, de dégager de nouvelles perspectives, de baliser les chemins d’avenir.
Comme on le voit, l’avantage du 8 mars africain ou plus précisément du 8 mars en Afrique, c’est que la tête qui réfléchit ne se tient jamais loin des pieds qui dansent ; que le cerveau qui problématise est proche du cœur qui s’enthousiasme. C’est la symbiose parfaite de deux ordres de réalités. Ils s’appellent et se confondent.
Et puis rien ne nous oblige à adopter le même code de célébration que les autres. Car si le 8 mars à Cotonou, à Dakar ou à Kampala devait avoir la même tonalité et répondre de la même réalité qu’à Paris, Londres ou New-York, on se demanderait qui imite qui, qui est le clone de l’autre ?
Au nom de la différence, que les chiens se taisent. Leurs aboiements rageurs n’arrêteront point la caravane des cultures en pleine expression. Au nom de la diversité, chacun son patrimoine, même si l’ouverture à l’autre s’impose comme une nécessité. Dans l’espérance du banquet de l’universel que projetait Senghor. Nous y confirmerons l’Afrique comme le berceau de l’humanité, pour qu’il soit reconnu et accepté par tous que la femme est la mère de l’humanité.
Mais il se trouve que les fêtes, ont été souvent, chez nous, dans leur version moderne, une vaste et vaine distraction, la caricature de l’essentiel, une parenthèse récréative qui n’apporte rien, sinon fatigue, lassitude, vertige, intoxication et indigestion. C’est une manière de s’embrumer l’esprit, de s’embrouiller la pensée pour s’emberlificoter, à la fin, dans la lâche attitude des trois fameux singes de nos légendes. L’un ne voit rien. L’autre n’entend rien. Le dernier ne dit rien.
Mais il se trouve également que, chez nous, la réflexion, ou ce qu’on veut tenir pour telle, se confine à l’exercice laborieux d’un cerveau vide. Il a plus à tourner sur lui-même ; il a plus à ressasser les mêmes évidences et les mêmes lieux communs ; il a plus à répéter qu’à innover ; il a plus à réciter qu’à créer. La réflexion nous a souvent servi de prétexte pour refuser toute réflexion. Du moment où l’on s’occupe comme l’on peut, on a tout l’heur de ne se préoccuper de rien.
Nous avons dit tout cela pour que nous éprouvions la nécessité d’une rupture. L’Afrique doit se déterminer selon ses motivations propres. L’Afrique doit cesser d’être le continent qui va tromper sa faim au râtelier, si ce n’est dans les poubelles des autres. C’est parce qu’on aura ainsi compris les choses, que l’hommage de l’Afrique à la femme débordera les limites d’une journée à elle consacrée. Un hommage tout en couleur, tous les jours, toute la vie.
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